La crise économique, l’occasion de repenser la protection de l’enfance ?

Les coupes budgétaires prévues par le Département inquiètent les responsables des agences de travail social, qui appellent à une réforme intelligente de l’aide à l’enfance. Appelant depuis longtemps à la rationalisation des dépenses, ils espèrent que la crise sera une occasion de voir leurs souhaits réalisés.

Christophe Itier et Cyriaque Cacheux accompagnés d'Emmanuelle Bercot, actrice et réalisatrice du film La Tête Haute, mettant en scène le dévouement des travailleurs sociaux pour aider un enfant en difficulté.
Christophe Itier et Cyriaque Cacheux accompagnés d'Emmanuelle Bercot, actrice et réalisatrice du film La Tête Haute, mettant en scène le dévouement des travailleurs sociaux pour aider un enfant en difficulté.
D.R.

Christophe Itier et Cyriaque Cacheux accompagnés d'Emmanuelle Bercot, actrice et réalisatrice du film La Tête haute, mettant en scène le dévouement des travailleurs sociaux pour aider un enfant en difficulté.

En difficulté financière, le département du Nord ne cache pas son intention de procéder à des coupes pour ramener à l’équilibre un budget grevé par le versement du RSA. Poste très important dans les dépenses du Département, la protection de l’enfance pourrait être largement concernée : les premiers projets prévoient la suppression de 700 places d’hébergement et la réduction, sur trois ans, de 15% du budget alloués aux associations, principaux acteurs du travail social en région. Une décision qui, si elle est actée, pourrait déboucher sur la suppression de plusieurs centaines d’emplois et la désorganisation des services de l’aide à l’enfance, s’alarment les professionnels du secteur. Rassemblés au sein du club SOWO, les dirigeants du travail social de la région donnent donc de la voix, pour appeler à la vigilance et à la concertation dans l’élaboration du nouveau budget départemental.

 “Laurence Rossignol a raison quand elle parle de la protection de l’enfance comme de ‘l’angle mort des politiques publiques, déplore Christophe Itier, directeur général de la Sauvegarde du Nord et président du club SOWO. On n’en parle que lors de faits divers dramatiques ou à propos de la délinquance des mineurs. Mais il y existe quantité d’autres champs, et son rôle principal, c’est l’accompagnement des parents en difficulté. Les enjeux sont très complexes, il est important pour nous d’y sensibiliser les citoyens et les pouvoirs publics, pour agir au mieux.

La crise, aiguillon de la réforme. Bien conscients de la nécessité de réduire les budgets, les membres du club SOWO attendent avant tout du Département qu’il ne réforme pas à la hâte et qu’il soit à l’écoute des recommandations qu’ils font remonter depuis plusieurs années, notamment en termes de rationalisation des coûts.

Le budget du Département, c’est 2,4 milliards d’euros. La protection de l’enfance est le deuxième poste de dépenses, à 400 millions par an. Cela fait longtemps que nous alertons sur la façon dont elle est gérée dans le Nord, pour proposer des solutions plus efficaces et moins coûteuses. Nous espérons que la crise amènera une nouvelle façon de faire dans le département“, résume Christophe Itier.

L’accompagnement, vingt fois moins cher. Ainsi, dans le Nord, les placements d’enfants sont 2,5 fois plus nombreux que dans les autres départements, pointe le président de la Sauvegarde du Nord. Sur les 24 500 mineurs qui sont suivis par les services sociaux, 11 000 sont placés. Une politique contre-productive, qui pousse les parents à considérer les services sociaux en adversaires plutôt qu’en alliés, et favorise la rupture du lien familial. Et surtout, les placements sont particulièrement coûteux. “Une place en internat, c’est 60 000 € par an. Un accompagnement à domicile, c’est 3 000 € par an et par enfant. Tout ce que nous proposons, et depuis longtemps, c’est de réfléchir à une nouvelle façon d’accompagner les enfants dans le département, qui soit meilleure pour les familles et la collectivité. Mais on ne peut pas réduire les budgets sans avoir aucune idée de l’après, il faut une vision du devenir de ces enfants.

“Avec les problèmes auxquels la France est confrontée en ce moment, la radicalisation, la violence, les trafics, on ne peut pas ne pas avoir de politique de la jeunesse, prévient Cyriaque Cacheux, le directeur général adjoint en charge du pôle Protection de l’enfance à la Sauvegarde du Nord. Les barbares se multiplient, la prévention est indispensable. On parle d’économies, mais desquelles exactement ? A court terme, elles sont indéniables. Reste à voir quel en sera le coût sociétal et financier sur le long terme.

Les travailleurs sociaux ont jusqu’en septembre pour se faire entendre par les élus, avant le vote du budget.