La Cour des comptes étrille "Marseille en grand"

La Cour des comptes dénonce un suivi "indigent" du plan "Marseille en grand", trois ans après son lancement en grande pompe par Emmanuel Macron, regrettant le "défaut de cohérence" et les "insuffisances intrinsèques" pesant sur "sa...

Vue de Marseille et de Notre-Dame de la Garde, le 19 janvier 2019 © BORIS HORVAT
Vue de Marseille et de Notre-Dame de la Garde, le 19 janvier 2019 © BORIS HORVAT

La Cour des comptes dénonce un suivi "indigent" du plan "Marseille en grand", trois ans après son lancement en grande pompe par Emmanuel Macron, regrettant le "défaut de cohérence" et les "insuffisances intrinsèques" pesant sur "sa mise en œuvre", dans un rapport publié lundi.

Conséquence, ce plan avance très lentement: fin 2023, seulement 1,31% du montant total annoncé - plus de 5 milliards d'euros - avait été décaissé par l'État, selon le rapport présenté à la presse par la présidente de la chambre régionale des comptes Provence-Alpes-Côte d'Azur, Nathalie Gervais.

Rénover les écoles insalubres, développer les transports en commun, réduire la fracture géographique et sociale entre quartiers nord et sud, renforcer les effectifs de police: ce plan, destiné à rattraper les retards historiques de la deuxième ville de France, se voulait "exceptionnel". 

Or, estime la Cour, "la réalité du caractère exceptionnel et global du plan Marseille en Grand mérite d'être nuancée". Ainsi, les cofinancements nouveaux s'élèvent en réalité à seulement 28% - soit 1,55 milliard d'euros - du montant total annoncé.

"Conçu de manière précipitée" et "sans concertation préalable avec les acteurs", le plan présente "un défaut de cohérence d'ensemble", la cour soulignant aussi qu'il "ne s'appuie sur aucun autre document que la transcription du discours du président de la République", le 2 septembre 2021.

Globalement, estime la Cour, le plan "présente des insuffisances intrinsèques et organisationnelles de nature à compromettre la pleine satisfaction des besoins qu'il vise en priorité", avec notamment des "moyens (...) consacrés au suivi (qui) peuvent être qualifiés d'indigents".

Elle pointe également "le caractère insuffisant de la gouvernance et des moyens de pilotage" entre les différents acteurs que sont l'État, la ville de Marseille, à gauche, et la métropole, à droite, et recommande de réunir "les différents acteurs au sein d'une même instance".

Chance

"Ce plan est une chance pour les Marseillais", a toutefois nuancé lundi Nathalie Gervais, relevant notamment "des résultats avec les premières livraisons d'écoles", neuves ou rénovées, mais déplorant qu'aucune mesure spécifique ne vise à améliorer le "climat scolaire".

Côté transports, les 15 projets prévus "ne répondent que partiellement à l'objectif affiché de l'État de désenclaver les quartiers nord" qui ne bénéficient d'aucune liaison directe avec le centre-ville.

Sur le logement, "le plan ne prévoit aucune action relative au renforcement de la mixité sociale et de lutte contre la ségrégation résidentielle (entre le nord et le sud de la ville, NDLR), ni sur l'enjeu de production de logements, notamment sociaux".

Dans un rapport séparé sur la situation de la police également publié lundi, la Cour des comptes souligne que les renforts annoncés dans la cadre de "Marseille en grand" n'ont pas permis de retrouver le niveau des effectifs de 2017.

Dans leurs réponses à la Cour, État, mairie et métropole se renvoient la balle, les services du Premier ministre soulignant une "absence de consensus entre acteurs locaux" et l'incapacité "des collectivités locales à adhérer à l'ambition du plan".

Un temps considérable

Lors d'une conférence de presse lundi soir, le préfet de région Christophe Mirmand a regretté le qualificatif "d'indigent", assurant consacrer en tant que représentant de l'Etat "un temps considérable au suivi de +Marseille en grand+", avec notamment "des comités de pilotage qui se réunissent régulièrement".

Le plan relevant en outre de diverses lignes budgétaires ou d'investissement, il a estimé que cela "peut rendre difficile sa lecture" d'ensemble et assuré "ne pas savoir sur quelles données s'appuie la Cour" pour évoquer le chiffre de 1,3% des sommes décaissées.

"Il ne me semble pas nécessaire de créer une superstructure" pour "rajouter une structure de gouvernance", a-t-il insisté.

Car si "l'Etat presse les collectivités de mettre en œuvre avec détermination le plan", ce sont bien ces dernières qui "restent responsables de la mise en œuvre", a-t-il poursuivi, relevant qu'il "peut y avoir des tensions" entre elles.

A plusieurs reprises, Emmanuel Macron, qui n'a jamais caché son affection pour Marseille, avait de son côté regretté les "chicayas locaux".

Le ministère des Relations avec les Territoires et de la décentralisation, qui a récupéré le suivi de "Marseille en grand", a estimé lundi soir que le rapport de la Cour des comptes "ne reflète plus la situation actuelle", assurant même que "trois ans après le lancement du plan, 90% des mesures sont engagées".

Le rapport tombe très mal en période de coupes budgétaires. Rédigé avant le changement de gouvernement, la Cour y souligne que, faute de "formalisation" du plan, "certains de ses financements n'ont fait l'objet d'aucun engagement juridique et ne sont donc pas garantis".

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