Rapport annuel
La Cour des comptes alerte sur des finances publiques désastreuses
Des dépenses publiques qui continuent à augmenter sur fond de conjoncture économique dégradée… Dans son rapport annuel, la Cour des comptes juge la situation financière de la France très inquiétante.

«Le
redressement des finances publiques doit constituer une priorité
nationale»,
a déclaré Pierre Moscovici, premier président de la Cour des
comptes. Le 10 mars dernier, à Paris, il présentait le rapport
annuel de l’institution. Ce dernier a notamment dressé un état
des lieux des finances publiques qui appelle,
d’après
lui, des
«mesures
urgentes».
Côté
dépenses publiques, le
récapitulatif des magistrats de la rue Cambon montre que la fin du
«quoi
qu’il en coûte»,
annoncée par Bruno Le Maire, ministre de l’Economie, au début de
l’année 2022, n’a pas vraiment eu lieu. «Cet
effort indispensable a été ajourné(..) Le poids de ces mesures a
décru mais il reste significatif. (…) Le point le plus
préoccupant pour nous réside dans le fait que la dépense publique
continue de croître»,
analyse Pierre Moscovici. En effet, après avoir atteint
1 461 milliards d’euros en 2021, les
dépenses publiques progresseraient en valeur de 4,3% en 2022, puis
de 3,2% en 2023. Et d’après les magistrats de la Cour, cette
évolution s’explique par les conséquences de l’inflation, mais
aussi par le maintien d’importantes mesures de soutien à
l’économie (notamment pour atténuer l’effet des prix élevés
de l’énergie).
En
2022, les mesures destinées à aider
les
ménages et les entreprises
face
à la crise sanitaire, puis dans le cadre de la relance représentent
encore 37,5
milliards d’euros.
Et si en 2023, ce chiffre a diminué,
il atteint néanmoins 12,5
milliards d’euros.
Par ailleurs, à ces montants s’ajoute le
coût
des mesures conçues pour atténuer l’impact de l’augmentation
des prix de l’énergie (boucliers tarifaires, remise à la pompe,
amortisseur électricité…). Ces dispositifs coûtent plus de 25
milliards d’euros en 2022 et 36 milliards en 2023.
En terme de gestion des finances publiques, «l’ampleur
des dépenses engagées en réponse aux crises sanitaire et
énergétique brouille l’appréciation de l’évolution de la
dépense publique totale»,
écrivent les magistrats. D’après leur évaluation, même en
neutralisant ces dépenses exceptionnelles, celle-ci continuerait de
progresser en volume de 3,5%
en 2022 et 0,7% en 2023. Ce rythme reste supérieur aux objectifs de
la programmation pluriannuelle.
Fragilité nationale et européenne
Le
constat posé par
la Cour sur
les dépenses publiques
est
d’autant plus inquiétant que le
contexte économique ne
va pas contribuer à améliorer la situation. Après
la récession liée à la pandémie, 2021 a certes été marquée
par un rebond
de
la croissance (+6,8%)
.
Mais ce dernier s’est très nettement infléchi l’année suivante
(+2,6%), ce qui n’a pas permis d’améliorer la situation des finances
publiques. Pis, les perspectives pour 2023 sont encore plus
dégradées : l’hypothèse d’une croissance de
1% - optimiste,
selon les magistrats-
a
été retenue
pour construire le projet de Loi
de finances.
Au
total, pour
la Cour des
comptes,
les
dépenses engagées par le gouvernement
combinées
à cet
environnement
économique
peu
favorable,
devraient
déboucher
sur un
déficit public à 5 points de PIB
en 2022 et
en
2023. Une
évolution qui retarde
d’autant l’engagement d’une trajectoire
crédible de réduction des ratios de déficit et de dette publics.
En
2023, la
dette publique devrait
atteindre
111,2% points
de PIB, soit près de 14 points au-dessus de son niveau d’avant
crise.
Elle atteindrait
près de 3 070 milliards d’euros. C’est 700 milliards d’euros
de plus que ce qu’elle pesait fin 2019. «Nous
ne pouvons plus continuer dans cette voie (…)
La
France
fait partie des pays de la zone euro à la situation
financière
la plus dégradée»,
pointe Pierre Moscovici.
Pour la Cour, l’Hexagone appartient au groupe des pays européens qui sont rentrés dans la crise avec des niveaux élevés de déficit structurel et de dette et qui en sont ressortis dans une situation pire encore. A l’inverse, le groupe composé de l’Allemagne, des Pays-Bas et de l’Autriche a abordé le Covid avec des finances en meilleur état, et en est ressortie avec un niveau d’endettement modéré. Une situation dangereuse pour la cohésion de la zone euro et pour la souveraineté nationale. «Un pays endetté à l’excès ne dispose pas de marges de manœuvre suffisantes pour investir pour son avenir» , met en garde Pierre Moscovici.