La cour administrative d’appel de Douai fait sa rentrée solennelle
L’audience solennelle de rentrée de la cour administrative d’appel de Douai, courant octobre, a permis à son président Etienne Quencez de faire un bilan de l’année écoulée et d’évoquer les nouveaux défis auxquels la juridiction doit faire face pour continuer à jouer pleinement son rôle.
Étienne Quencez qui, le 1er février dernier, a succédé à Lucienne Erstein à la tête de la cour administrative d’appel (CAA) de Douai, a ouvert sa première séance de rentrée solennelle. L’occasion pour le président de la cour de procéder à l’installation des magistrats nouvellement affectés au ressort de Douai.
Etienne Quencez a poursuivi son intervention en dressant un bilan de l’année judiciaire écoulée et en présentant les principales évolutions législatives et réglementaires touchant la juridiction administrative. «Notre pays a connu une année difficile. Attentats meurtriers à Paris, à Nice, assassinats de policiers, d’un prêtre, menaces diverses, la société française a affronté tout au long de l’année des épreuves d’une extrême violence. Cela a conduit le Parlement à voter une loi sur l’état d’urgence plusieurs fois amendée, qui a demandé une mobilisation immédiate de la juridiction administrative», a indiqué le président Quencez.
Passant sur toutes les polémiques autour de l’état d’urgence décidé par le gouvernement, il a rappelé qu’un quart des mesures administratives préfectorales prises dans ce cadre ont fait l’objet d’un recours en référé devant les tribunaux administratifs.
Cet état d’urgence a permis de «rappeler le rôle que joue le juge administratif dans la protection des libertés fondamentales à côté et avec le juge judiciaire. C’est donc avec une certaine incompréhension que nous avons reçu certaines critiques tendant à remettre en cause la capacité et même la légitimité du juge administratif à traiter ce type de contentieux».
En dehors de ces événements exceptionnels, la juridiction administrative a vu une hausse très modérée du flux des entrées au cours de l’année judiciaire, pour atteindre près de 190 000 requêtes en première instance sur une année pleine et 30 700 requêtes pour les huit cours administratives d’appel. «La cour administrative d’appel de Douai s’inscrit dans cette courbe croissante. Le nombre des entrées a augmenté de 9,39%, pour atteindre 2 214 requêtes au 31 août 2016. Les sorties sont quant à elle en hausse de 2%, avec 2 182 dossiers traités.» Dans le détail, la cour d’appel de Douai a connu une augmentation de 15% des contentieux fiscaux, 20% du contentieux des étrangers, 33% de la fonction publique, 8% de l’urbanisme et, dans le même temps, une très forte baisse du contentieux du droit du travail, liée à la baisse des grands plans sociaux et des licenciement de grandes entreprises.
Modernisation. La hausse du nombre d’appels se fait dans un cadre budgétaire de plus en plus contraint qui oblige les cours administratives à innover, se moderniser et engager plusieurs types de réformes.
Le premier axe n’est autre que la dématérialisation des procédures. Etienne Quencez a précisé :«Depuis trois ans, nos juridictions proposent aux avocats et aux administrations de correspondre avec elles par voie électronique avec l’application Télérecours.» D’abord facultatif, l’usage de Télérecours par l’ensemble des administrations et des collectivités publiques de plus de 3 500 habitants va devenir obligatoire au 1er janvier 2017. À l’échelle nationale, l’application enregistre 25 000 utilisateurs actifs (avocats, administrations) et permet de faire gagner du temps et d’ économiser de l’argent.
Deuxième axe et non des moindres, la modification de certaines règles de procédure du Code de justice administrative. «Il s’agit pour les cours de mieux filtrer les requêtes d’appel et éviter une surcharge de travail pour les magistrats et les greffes avec certaines requêtes soit indigentes, soit ne comportant manifestement pas d’éléments susceptibles d’entraîner la réforme du jugement attaqué», a résumé le président de la cour de Douai. Cette mesure vise à accélérer le traitement de certaines requêtes en élargissant la possibilité pour le juge d’appel de rejeter certaines requêtes mal fondées par la voie d’ordonnances. Dans ce cadre, il est également prévu de renforcer les conditions d’accès au juge de première instance en imposant que la victime d’un dommage de travaux publics saisisse l’administration d’une demande indemnitaire avant de saisir le juge. «Autre mesure qui devrait recevoir un accueil favorable des barreaux, celle prévoyant l’obligation d’un avocat pour les dommages de travaux publics et les contentieux d’occupation domaniale.»
Toujours pour permettre à la cour administrative de gagner du temps, la juridiction poursuit un autre objectif visant à permettre la résolution de certains conflits par la voie de la médiation. Très en vogue actuellement, la médiation permet d’éviter la voie contentieuse. «La médiation est notamment envisagée en matière de contentieux de la fonction publique territoriale, avec l’aide des centres de gestion de la fonction publique ou de médiateurs.» Il faut aussi avoir à l’esprit que le maintien de relations apaisées est plus facile avec une médiation réussie qu’après un contentieux qui peut durer de longues années.
Plus de déontologie. Quatrième mesure, renforcer les règles déontologiques au sein de la juridiction administrative. «La confiance dans l’œuvre de justice repose sur la compétence des juges, leur indépendance, mais également sur l’application de règles déontologiques renforcées.»
La compétence des juges résulte de l’existence de concours très sélectifs. L’indépendance est quelque chose d’acquis depuis longtemps avec l’inamovibilité et les nominations par un Conseil supérieur indépendant du pouvoir politique.
Reste que les règles déontologiques destinées à mieux répondre aux exigences de probité et d’intégrité viennent d’être renforcées par la loi n°2016-483 du 20 avril 2016. Celle-ci permet la mise en place d’une charte de déontologie et d’un collège dédié de quatre membres (un membre du Conseil d’État, un magistrat des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel, une personnalité extérieure).
Son rôle consiste à rendre un avis préalable à l’établissement de la charte de déontologie, à rendre des avis sur les déclarations d’intérêts qui lui sont transmises, rendre des avis et formuler des recommandations sur toute question déontologique.
Afin d’aller plus loin, les magistrats doivent dorénavant déposer dans les deux mois qui suivent leur prise de fonctions une déclaration d’intérêts. «Cette déclaration mentionne les liens et les intérêts détenus de nature à influencer ou paraître influencer l’exercice indépendant, impartial et objectif des fonctions que le déclarant a ou qu’il a eu pendant les cinq années précédant son affectation ou sa prise de fonctions.»
Enfin, comme pour les élus de la République, les présidents des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel devront adresser une déclaration de situation patrimoniale au président de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique. Notons cependant que cette dernière disposition a été censurée par le Conseil constitutionnel comme étant contraire au principe d’égalité entre les magistrats du corps judiciaire et qu’elle ne sera certainement pas validée.
Etienne Quencez a terminé son intervention en évoquant le problème des étrangers en situation irrégulière et le chantier de simplification des décisions, visant à les rendre plus compréhensibles et en renforçant la motivation.