La cosmétique mise sur la science

Développer de nouveaux produits pour devancer une concurrence implacable : un enjeu pour l'industrie cosmétique. Cosmetic Valley, pôle de compétitivité, récompense ainsi des projets d'avenir.

© Wayhome Studio
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Il est des secteurs dont on ne soupçonne pas forcément la technicité, et la cosmétique en fait partie. En juin dernier, au ministère de l’Economie, étaient remis les prix de la 4e édition des Cosmétic Victories 2019. Le concours, fondé par l’Essec, école de commerce, et Cosmetic Valley, pôle de compétitivité dédié à la cosmétique, distingue des solutions innovantes dans la parfumerie cosmétique. Objectif revendiqué : détecter et révéler les jeunes pousses, soutenir leurs projets et favoriser la recherche et la science dans ces domaines, sous un angle scientifique et universitaire.

Cette année, parmi 90 projets provenant de 14 pays qui ont concouru, ce sont une équipe belge et une japonaise qui ont été sélectionnées. Kie Nakashima, docteur de l’université d’Osaka au Japon, dans le laboratoire de science cosmétique, a reçu le «Prix académique», qui récompense un projet dans le domaine de la recherche fondamentale. Les recherches de la Japonaise portent sur une nouvelle génération d’anti-transpirants, basés sur l’hypnose des glandes de sudation. Quant au «Prix industriel», destiné à un projet de recherche appliquée, il a été attribué à Chemcom, société bruxelloise, pour son projet de mécanisme artificiel permettant le bronzage ou la dépigmentation cutanée à travers des capteurs olfactifs répartis sur tout le corps.

Les deux projets lauréats bénéficieront d’une dotation financière de 10 000 euros chacun et d’un accompagnement du pôle de la Cosmetic Valley, dans la réalisation des  projets, médiatisation comprise. Plus largement, innovation et technologie font partie des axes stratégiques du Pôle, lequel a développé aussi d’autres dispositifs que les «Cosmétic Victories». Ainsi, en octobre prochain, au Carrousel du Louvre à Paris, se tiendra la 5e édition du salon Cosmetic 360, consacré aux innovations et devenu un rendez-vous international reconnu de la profession. Et dans la «Maison de la cosmétique», qui devrait ouvrir en 2021 à Chartres, est prévu un incubateur doté d’outils de fabrication et de prototypage rapide, en lien avec les PME et les grands comptes, notamment pour tout ce qui concerne la beauté numérique.

Biotechnologies et intelligence artificielle

Le numérique constitue l’un des multiples domaines aujourd’hui explorés par l’industrie cosmétique, à l’image des innovations mises en avant par L’Oréal au salon Viva Technology, à Paris en mai dernier. Par exemple, Effaclar Spotscan de La Roche-Posay, une application Web codéveloppée avec des dermatologues, permet d’analyser les peaux à tendance acnéique, pour fournir conseils et suivi personnalisé. Le projet est basé sur l’intelligence artificielle et exploite la réalité augmentée.

Mais l’industrie cosmétique explore aussi d’autres voies comme la biotechnologie végétale. Depuis 1992, par exemple, Greentech, une entreprise fondée en 1992 par Jean-Yves Berthon, docteur en biochimie, développe et produit des ingrédients issus de plantes, algues, micro-algues et micro-organismes, qui seront utilisés dans les cosmétiques. L’entreprise, qui affiche un chiffre d’affaires de 38 millions d’euros en 2018, en consacre 15% à la recherche.

L’innovation et l’export comme moteurs

Chaque année, les industries de la beauté investissent 650 millions d’euros en recherche et développement, soit 2% de leur chiffre d’affaires. Selon l’étude, le secteur s’affiche comme le plus performant de France en matière d’innovation, avec 3,6 brevets déposés par million d’euros dépensé en R&D, pour un total de 1 500 brevets en 2017. L’innovation est essentiellement portée par les grands groupes qui y consacrent entre 3% et 3,5% de leur chiffre d’affaires, davantage que par les start-up.

Un tissu d’entreprises familiales

Dans son étude sur la filière cosmétique réalisée en mai dernier pour la FEBEA (qui représente 350 entreprises), le cabinet d’études Asterès révèle le poids important du tissu d’entreprises familiales qui la composent : 82% des 3 200 entreprises du secteur (distribution comprise) sont à actionnaire familial unique. Elle souligne également leur solidité financière et leur pérennité. Les entreprises familiales cosmétiques ont des taux d’endettement six fois moins élevés que leurs concurrentes non familiales et des rendements des capitaux propres de 7% contre moins de 6%. La moyenne d’âge des entités du secteur est de 16 ans contre 12 ans pour les entreprises françaises.

Une filière dynamique

Selon l’étude d’Asterès, les entreprises de cosmétiques contribuent nettement à l’économie des territoires. En 2017, le chiffre d’affaires de l’ensemble de la filière a atteint 45 milliards d’euros, dont 24 milliards réalisés par les fabricants. Par ailleurs, la filière génère 12 milliards d’euros de recettes pour les finances publiques. Ce dynamisme lui permet d’être source de création d’emplois qualifiés, soit au total 246 000, dont 164 000 emplois directs sur le territoire français, majoritairement en régions.