La contribution des Hauts-de-France à la COP22
La COP22 s’est clôturée le 18 novembre dernier. 196 pays s’étaient réunis à Marrakech au Maroc pour tenter de lutter contre le changement climatique. De nombreux acteurs de la région ont fait le déplacement pour réseauter, influencer et revenir avec de bonnes idées pour notre territoire.
Pourtant, cette année, aucune délégation officielle des Hauts-de-France n’avait été organisée par le Conseil régional. On se souvient, lors de la COP21 à Paris en 2015 ou du Sommet de la Terre à Rio en 2012, qu’une centaine de représentants du Nord − Pas-de-Calais avaient fait à chaque fois le déplacement. C’est le cerdd, Centre ressource du développement durable, basé à Loos-en-Gohelle et émanant du Conseil régional, qui prenait la tête de cette délégation composée d’élus, de chefs d’entreprise, d’associations, d’ONG, de laboratoires de recherches, d’universitaires…
Sur place, la délégation organisait des conférences, partageait des expériences avec d’autres pays, des contacts se nouaient avec de nouveaux partenaires. La région apparaissait comme un moteur sur ces sujets de transition énergétique. Car, on le sait, les régions ont un rôle à jouer dans ces sommets. Une forte présence coordonnée de la société civile fait bouger les Etats. Cette absence de délégation officielle est-elle due au changement de majorité au Conseil régional ? Les financements ont-ils été coupés, faute de voir un intérêt quelconque de la présence de la société civile nordiste à la COP22 ?
Partage d’expériences. En tout cas, cela n’a pas découragé certains acteurs régionaux de la transition énergétique. De façon isolée, des associations, des collectivités se sont déplacées, comme la communauté urbaine de Dunkerque (Rizlane Bibaoui, directrice générale attractivité et cohésion territoriale), celle de Lille ( Christiane Bouchart, vice-présidente) ou la mairie de Lille (Marie-Pierre Bresson, adjointe au maire) qui a participé sur place au Sommet des élus locaux pour le climat. L’Institut de l’élevage, près d’Arras, (Jean-Baptiste Dollé, chef du service environnement-bâtiment) y a présenté un programme européen «Life Beef Carbon», qui vise à réduire de 15% l’empreinte carbone en dix ans de la filière viande bovine. Ou encore l’Agence de l’eau Artois-Picardie, qui y a signé un accord de coopération avec l’Agence du bassin hydraulique de Sebou au Maroc.
Renforcer le réseau. Des entreprises étaient aussi présentes, comme Terraotherme, basée à Villeneuve d’Ascq. Cette entreprise met en œuvre des outils pour récupérer l’émission de vapeurs d’eau et de fumées industrielles dans l’atmosphère afin de les réutiliser notamment pour le chauffage. L’entreprise a présenté ses outils de recyclage d’énergie thermique à la COP22. Audrey Keunebrock, présidente de Terraotherme, nous fait un retour de son déplacement : «La conférence a été très intéressante, on a rencontré des présidents de grands groupes industriels qui pourraient être intéressés par notre procédé. Et j’attendais d’en savoir plus sur le réchauffement climatique. On lit beaucoup de choses, mais être sur place et voir les acteurs en parler, c’est quand même mieux. Nous avons appris aussi beaucoup de choses sur le prix carbone. De plus en plus de groupes l’intègrent dans leurs projets et le pilotage de leurs décisions.»
Contribuer aux négociations. Le directeur du Centre national de la mer à Boulogne-sur-Mer Nausicaà, Philippe Vallette, s’est déplacé également en qualité d’expert des océans au sein du Réseau océan mondial. Son objectif : que les océans soient plus reconnus dans le mécanisme de régulation du climat. «Nous sommes intervenus lors de la Journée des océans. Nous avons constaté que les océans ont été très présents sur le site de la COP22. Et je reviens avec des contacts et une expertise enrichie sur la gouvernance des hautes mers, qui sera la thématique de l’extension de Nausicaà.»
Que retenir de la COP22 ? On annonçait que la COP22 serait la COP de l’action suite à celle de 2015 et l’entrée en vigueur de l’accord de Paris, déjà ratifié par 111 pays. Ce premier accord mondial contraignant a pour but de limiter le réchauffement climatique à moins de 2°C. Pour Emmanuelle Latouche, du cerdd, interrogée juste avant l’événement, un des enjeux de cette COP22 était également financier : “Depuis la COP de Copenhague, les Etats ont promis de créer un système financier ‘Fonds vert’ de 100 milliards pour aider les pays en voie de développement à faire face aux changements climatiques. On en est encore loin. Cette COP22 doit réussir ce pari.”
Au final, le bilan est mitigé. Durant cette COP, beaucoup d’observateurs ont trouvé une moindre implication des Etats dans les négociations. Certainement que l’incertitude sur les suites de l’engagement climatique des USA a pesé durant ce sommet. Et les îles et petits Etats insulaires n’ont pas eu le sentiment de trouver leur place dans le débat.
Mais des décisions ont néanmoins été prises.
- La mise en application accélérée de l’accord de Paris pour 2018.
- 80 millions de dollars ont été réunis en urgence par les pays développés pour un fonds d’adaptation à destination des pays les plus vulnérables.
- Les pays développés s’engagent par la suite à mobiliser 100 milliards de dollars par an pour les pays en développement d’ici 2020.
- Les thématiques de l’eau et de l’agriculture connaissent des avancées, avec l’Afrique qui se structure de plus en plus concrètement sur ces sujets.
- La création d’un “Fonds vert” pour les femmes.
- La Déclaration des droits de l’humanité, voulue par François Hollande, a été réalisée et présentée par Corinne Lepage. Le document a été reconnu par un premier pays, l’Union des Comores, et les Villes de Paris et Strasbourg.
“Créer des millions de jobs“. Rendez-vous à la COP23 fin 2017 à Bonn, en Allemagne, sous la présidence fidjienne. Beaucoup espèrent une plus forte mobilisation des Etats, des financements à hauteur des engagements, une meilleure mobilisation vis-à-vis des Etats insulaires et une large adoption de la Déclaration des droits de l’humanité. Tout en n’oubliant pas que la transition écologique de nos économies ne doit pas être vécue comme une contrainte, «mais comme une opportunité de créer des millions de jobs non délocalisables. C’est comme ceci que l’espèce humaine sera capable de prendre les mesures pour se sauver elle-même», conclut Jean-Michel Cousteau, le président de Green Cross France, présent à la COP22.