La contrefaçon s’attaque aux parfums de luxe
Parfums prestigieux, soins du corps sophistiqués… les grandes marques de produits cosmétiques sont touchées par la contrefaçon. Analyse des dernières tendances, lors de la Journée mondiale anti‑contrefaçon, organisée par l’Unifab.
Q uelque 13% des consommateurs déclarent avoir déjà acheté un cosmétique ou un produit d’hygiène contrefait. Ce sont surtout des hommes de moins de 35 ans. Ces précisions sont données par Christian Peugeot, président d’Unifab, l’Union des fabricants pour la protection internationale de la propriété intellectuelle, lors de la conférence de presse sur la Journée mondiale anticontrefaçon, le 5 juin à Paris. Cette année, l’Unifab a choisi de mettre un focus sur le secteur de la parfumerie et des soins corporels. La contrefaçon y pèse 10% du marché mondial, d’après la porte-parole de la Fédération des entreprises de la beauté (Febea), pour qui ce phénomène constitue un enjeu majeur. Comme pour d’autres produits, “la distribution sur Internet chamboule les schémas classiques des consommateurs, qui se portent acquéreurs de faux produits”, note Christian Peugeot. Autres éléments de mesure du phénomène : en 2013, 170 000 produits de soins corporels ont été saisis par les douanes françaises. Leur provenance ? La Chine (44%), la Russie, mais aussi l’Italie… “Les routes du trafic changent constamment”, précise Christian Peugeot. Aujourd’hui, Dubaï et la Pologne constituent deux points de passage importants pour les produits contrefaits destinés à l’Europe. A l’arrivée, ils passent par plusieurs circuits de distribution. Outre Internet, on les trouve sur les étals des marchés et dans les sacs des vendeurs à la sauvette dans le métro. Pour Christian Peugeot, trois indices permettent de repérer un faux : la qualité de l’emballage, le lieu de vente et le prix. Attention toutefois, si un prix très bas signe une contrefaçon, certains contrefacteurs particulièrement rusés pratiquent des tarifs plus élevés pour tromper le client…
Verriers chinois et salons professionnels mis en cause
D’après l’Unifab, la contrefaçon de ces produits constitue un sujet particulièrement sensible car “des parfums et cosmétiques contrefaits peuvent représenter un risque pour la santé”, indique Christian Peugeot, qui pointe en particulier “des risques d’allergie”. Ces derniers peuvent découler de la présence de composants toxiques, de métaux lourds ou de plomb… En effet, rappelle le président de l’Unifab, ces produits ne font évidemment l’objet d’aucune procédure de vérification de conformité par rapport aux normes en vigueur. Et le consommateur est bien en peine de connaître les composants du produit. Souvent, les contrefacteurs tentent de copier les formules chimiques des fabricants. “Bien que leurs progrès soient réels, ils ont encore des problèmes pour égaler les plus grands parfumeurs”, estime Agathe Cury, responsable communication Febea. “Le contrefacteur essaie de donner l’illusion du vrai, en faisant un maximum d’économie”, précise Christian Peugeot : à ce jeu-là, les éventuels anti-allergènes passent à la trappe… Face au phénomène de la contrefaçon, la Febea en appelle à la “vigilance du consommateur”, explique Agathe Cury, qui met en garde contre la tentation des petits prix de ces produits. Par ailleurs, les industriels de la cosmétique aussi disposent d’outil pour lutter, estime Frédéric Beaulieu, président de Millénnium fragrances. Ce producteur de parfums est lui-même touché par le problème de la contrefaçon de ses produits. Des faux ont commencé par venir du Mexique, puis de Chine. “Cela n’arrête pas”, commente Frédéric Beaulieu, qui raconte avoir investi des milliers d’euros en “mesures défensives qui ne rapportent rien”. Aujourd’hui, l’entrepreneur prône des mesures collectives qui permettraient de bloquer le travail des contrefacteurs dans les passages qu’ils sont obligés d’emprunter. Premier passage, les verriers. “Sans flacon, pas de parfumerie, pas de contrefaçon”, explique l’entrepreneur. Il préconise donc une opération d’audit et de sensibilisation auprès des 20 grands verriers chinois, quitte à alerter les autorités du pays, pour stopper leur contribution à ce dispositif. Second passage, les salons professionnels internationaux qui se déroulent en France : là, il s’agirait de mettre sur pied un bureau des plaintes où aller signaler la présence de produits contrefaits repérés sur un stand. Mais pour agir sur ces passages obligés, “ce n’est pas un problème d’argent, c’est un problème d’énergie”, explique Frédéric Beaulieu, qui estime se heurter à un “manque de volonté” manifeste, notamment sur les salons.