La construction durable au cœur de la transition énergétique

Quel est l'état actuel du marché du bâtiment durable dans la région et en France ?

En 2020, seulement 0,3% des bâtiments étaient évalués comme durables, un chiffre encore faible. Cependant, la mise en place de la RE 2020 stimule fortement le développement du bâtiment durable. La région Hauts-de-France se distingue comme la première région passive en France, grâce à des initiatives de formation et l’animation d’un réseau d’acteurs engagés, et affiche 68% de réhabilitations BBC (Bâtiment Basse Consommation) de plus que la moyenne nationale. Cependant, un défi majeur persiste : 44% des logements y sont considérés comme des passoires thermiques, soit plus du double de la moyenne nationale, en raison d’un parc immobilier ancien et d’une forte proportion de logements sociaux.

Quels sont les principaux freins au développement des matériaux biosourcés ?

Le développement des matériaux biosourcés comme le bois, le chanvre ou le lin est freiné par certains intérêts industriels puissants, notamment dans les secteurs du béton et des isolants classiques. Bien que les matériaux biosourcés présentent des avantages environnementaux et thermiques, leur coût initial reste un peu plus élevé. Cependant, la RE 2020 favorise leur adoption en valorisant les économies d’exploitation qu’ils permettent grâce à de meilleures performances énergétiques. Un autre défi réside dans l’adaptation des habitudes d’usage, comme la gestion de la température intérieure sans climatisation. Enfin, la construction durable implique une vision à long terme, intégrant les bénéfices environnementaux et économiques sur l’ensemble du cycle de vie du bâtiment, plutôt que de se focaliser uniquement sur les coûts immédiats.

Avec en toile de fond de nombreux enjeux sociétaux…

L’adaptation au changement climatique est un défi immédiat, ce n’est pas demain mais aujourd’hui ! En 2022, les sinistres liés aux mouvements de sol ont touché 112 500 maisons, soit plus du double des constructions neuves. Les vagues de chaleur de plus en plus importantes renforcent l’urgence d’agir ! Des initiatives comme l'outil d'analyse Bat-ADAPT permettent d’évaluer la vulnérabilité climatique des territoires et d’identifier des solutions, et il faut comprendre que ne pas anticiper pourrait coûter 5 fois plus cher à long terme ! Sur le congrès seront présentées des pistes concrètes pour construire et rénover en tenant compte d’un réchauffement climatique inévitable, avec des températures moyennes pouvant atteindre +4°C.

Comment le marché peut-il répondre à la transition tout en restant compétitif ?

L’adaptation passe par des choix politiques forts ! L’État doit décider s’il accepte des bâtiments inadaptés aux conditions climatiques futures ou s’il impose des normes durables. Les surcoûts de construction liés aux matériaux biosourcés restent limités, autour de 3 à 4 %, bien moindres que les coûts de réintervention à long terme. Pour réduire ces coûts, la massification des solutions durables est essentielle : plus les filières se développent, plus les prix baissent. Et le CD2E joue un rôle clé pour mobiliser les acteurs, structurer les filières et accélérer l’industrialisation des solutions durables, rendant ainsi l’adaptation économiquement viable.

Le pacte Bois-Biosourcé en est l’illustration…

Le pacte repose sur des engagements concrets des acteurs pour augmenter l’utilisation de matériaux biosourcés dans la construction. En Hauts-de-France, ces engagements ont été largement respectés et même dépassés au cours des trois premières années. Cela démontre l’efficacité de cette approche incitative. Cependant, pour maximiser son impact, il est nécessaire d’amplifier l’échelle du dispositif… une mobilisation plus large des acteurs et un soutien continu seront essentiels pour développer davantage les filières locales, réduire les coûts et accélérer la transition vers une construction plus durable.

Il existe de nombreux dispositifs de financement, souvent méconnu. Pouvez-vous nous en parler ?

Le Congrès National du Bâtiment Durable de Lille mettra en lumière les nombreux financements disponibles pour accompagner la transition vers des bâtiments durables. Parmi eux, les financements européens et ceux de la Banque des Territoires, qui offrent des prêts s'étalant sur 30 à 60 ans pour les collectivités. Cependant, ces moyens restent largement sous-utilisés. Le congrès réunira maîtres d’ouvrage, élus, bailleurs et promoteurs pour leur présenter ces opportunités et les orienter vers les bons dispositifs. L’objectif est d’encourager la construction et la rénovation durable en facilitant l’accès aux ressources financières existantes.