Culture

La Cité internationale de la langue française à Villers-Cotterêts, un chantier à 185 millions d'euros

En août 1539, François 1er signait dans son château de Villers-Cotterêts l’Ordonnance générale sur le fait de la justice, police et finances qui instituait le français comme langue officielle du royaume pour l’ensemble des actes administratifs et judiciaires. Cinq siècles plus tard, le château va retrouver ses lettres de noblesse, avec un retour aux sources : à l’automne prochain, il abritera la Cité internationale de la langue française, chantier annoncé par le président de la République en 2018.

Vue projetée de l'angle nord-est du logis royal depuis le jardin des dames. (c)Olivier Weets architecte SARL, architecte en chef des Monuments historiques
Vue projetée de l'angle nord-est du logis royal depuis le jardin des dames. (c)Olivier Weets architecte SARL, architecte en chef des Monuments historiques

C’est un chantier à 185 millions d’euros, à la hauteur de l’envergure de l’ambitieux projet voulu par le Gouvernement : réhabiliter le château de Villers-Cotterêts, qui ne l’avait jamais été. Véritable laboratoire de la langue française, la future Cité internationale se veut un espace pluridisciplinaire, qui va remettre au centre du jeu national et international la langue française.

L'heure du renouveau

Château royal, puis princier, garnison, dépôt de mendicité, et enfin maison de retraite jusqu’en 2014 : le château de Villers-Cotterêts, qui appartient depuis la Révolution française à l’État, a connu de multiples vies. « À partir de 2014 s’est posée la question de sa nouvelle affectation, et de son sauvetage, sont état de conservation étant déjà l’époque alarmant », explique Xavier Bailly, administrateur des châteaux de Villers-Cotterêts, Pierrefonds et Coucy.

C’est le discours d’Emmanuel Macron en 2018, à l’Académie française, qui décidera donc du sort du monument, en annonçant la création à Villers-Cotterêts d’un laboratoire dédié à la langue française. Le Président de la République confie alors au Centre des monuments nationaux la restauration du château (sa première), dans un délai record, et la mise en œuvre du projet, pour créer la Cité internationale de la langue française.

« Cette restauration a apporté son lot de mauvaises surprises, sur l’état de délabrement avancé du château, avec des modifications réalisées pour certaines en dépit du bon sens. Le château n’a jamais été considéré pour l’importance qui était la sienne, il a été déclassé pour être mieux transformé. Son reclassement n’a été opéré par le ministère de la Culture qu’en 1997. C’est à mon sens un cas très particulier d’un monument que l’on pourrait qualifier de grand oublié du patrimoine français », raconte Xavier Bailly.

Esquisse de la verrière de la Cour du Jeu de Paume et de son ciel lexical de jour. (c) Atelier Projectiles - Olivier Weets

Le grand chantier présidentiel sonne donc l’heure du renouveau pour le château de 23 000 m², qui va dès l’automne entrer dans une nouvelle ère, mettant à l’honneur la francophonie. Initialement, les travaux engagés au niveau du Logis royal et du Jeu de paume s’élevaient à 110 millions d’euros, pour la restauration et la création de l’équipement dédié à la langue française.

« Nous avons bénéficié grâce au Plan de relance de 100 millions d’euros complémentaires, portant le budget total à 185 millions d’euros, ce qui va nous permettre de mener à bien le projet initial mais également de restaurer façade et toiture, ainsi que les autres bâtiments du château, qui seront eux destinés à abriter des activités économiques et culturelles complémentaires, dans la Cour des offices », précise Xavier Bailly.

Le parcours permanent, 1 200 m² consacrés au français

En mars prochain, à l’occasion de la Semaine de la francophonie (du 12 au 20 mars), les espaces patrimoniaux les plus spectaculaires, restaurés, devraient être présentés, le parcours permanent sera lui opérationnel à l’automne 2022. Ce sera le centre névralgique de cette Cité internationale de la langue française : « Et ce sera lui qui attirera le plus grand nombre, avec 1 200 m² consacrés à l’aventure du français, assure l’administrateur du château. Le parcours est décliné en trois parties, il présentera notamment les relations de cette langue monde avec le reste du globe, et la façon dont l’État s’en est emparée. »

Le parcours permanent a été élaboré avec l’aide d’un commissariat scientifique, présidé par Xavier North, ancien délégué général à la langue française et aux langues de France au ministère de la Culture, épaulé de trois autres experts – la philologue, helléniste, philosophe et membre de l’Académie française Barbara Cassin, Zeev Gourarier, ancien directeur scientifique et culturel eu MuCEm de Marseille et le directeur du festival des Francophonies en Limousin Hassan Kassi Kouyaté.

« Ils ont participé à l’écriture du parcours permanent, dont chaque partie et chaque sujet ont fait l’objet de contributions scientifiques d’autres experts, pour être le plus précis possible et rentrer dans les plus petits détails », reprend Xavier Bailly. Le parcours, disponible en anglais et allemand [ndlr, et à terme en neuf langues], sera jalonné de 60 dispositifs numériques d’immersion interactive avec les visiteurs, « une centaine d’œuvres artistiques le ponctueront également », précise l’administrateur.

Centre névralgique de la Cité internationale de la langue française : le parcours permanent. (Esquisse du projet scénographique "Une langue de rayonnement mondial" (c)Atelier Projectiles)

Expositions temporaires et espaces de travail

En complément du parcours permanent, la Cité internationale abritera 400 m² d’expositions temporaires, « qui pourront s’inscrire dans des partenariats internationaux ». Toujours au rez-de-chaussée sont prévus des espaces partagés, avec des partenaires axonais et régionaux travaillant sur des sujets d’actualité (lutte contre l’illettrisme, enseignement du Français langue étrangère, expérimentations autour des pédagogies innovantes, etc.).

Un appel à projets sera lancé dans les prochains mois pour une concession concernant l’ouverture, dans le Logis royal, d’un café, salon de thé ou tisanerie [ndlr, un appel en projets est déjà en cours pour un hôtel] et une librairie verra également le jour.

Cet espace sera complété par des salles de travail et d’études, un auditorium de 250 places assises, totalement modulable qui pourra faire l’objet d’une programmation culturelle, locale et internationale. « Nous aurons en prime douze espaces de travail, au deuxième étage, pour accueillir en résidence des artistes, mais aussi des chercheurs, voire des entrepreneurs », indique Xavier Bailly.

Si l’entrée du parcours permanent sera payante, la cour du Jeu de paume de 620 m², qui sera couverte d’une verrière, sera elle en accès libre, de même que la salle dédiée à l’histoire du château. L’équipe du château travaille également avec l’Office national des forêts et la communauté de communes de Retz-en-Valois sur la labellisation de la forêt du monument en "Forêt d’exception". « La vie de la Cité dépasse ses murs, elle a vocation à s’ouvrir à l’extérieur », note Xavier Bailly.

Un projet de taille dans lequel l’ensemble des partenaires institutionnels, économiques et politiques s’investit pleinement. « C’est une réelle opportunité qui s’offre à notre territoire, avec le tourisme et la culture qui vont être revitalisés par cet équipement culturel de proximité, qui va rayonner à l’échelle nationale et internationale », observe l’administrateur.


La Cité internationale en chiffres :

  • 1 600 m² d’expositions permanentes et temporaires.
  • 1 200 m² de parcours permanent de visite sur la langue française.
  • Un auditorium modulable de 250 places.
  • 2 commerces de proximité (une librairie-boutique et un café-salon de thé).
  • 12 ateliers de résidence pour des artistes, chercheurs et entrepreneurs.
  • Une Maison du projet, avec des permanences tous les samedis pour informer le grand public de l’avancement du projet.