La Brasserie du pays flamand : entre modernité et traditions brassicoles
Difficile d'imaginer que d'une simple passion naîtrait, quelques années plus tard, la meilleure bière blonde du monde1. Et pourtant, Mathieu Lesenne et Olivier Duthoit ont fait de la Brasserie du pays flamand, à Merville, l'une des entreprises brassicoles les plus en vogue, où les 35 salariés imaginent et fabriquent avec passion une douzaine de recettes.
C'est une récompense que la Brasserie se voit remettre pour la deuxième fois. En 2016 déjà, l'Anosteké saison avait remporté le premier titre dans la catégorie des bières de garde. S'en est suivie une autre médaille en novembre dernier pour l'Anosteké blonde : une consécration, pour Olivier Duthoit et Mathieu Lesenne, deux copains d'enfance passionnés de bière.
Olivier Duthoit était déjà dans l'univers
brassicole ; Mathieu Lesenne, dans un tout autre domaine, était
chargé d'affaires en banque. Aujourd'hui le monde bancaire est bien
loin du quotidien de Mathieu Lesenne. Il gère désormais une équipe
de 35 salariés répartis sur deux sites : «Notre
site historique se situe à Blaringhem, mais depuis 2018 nous nous
sommes installés à Merville sur 3 hectares. Il y a quinze ans, on
était loin de deviner le succès de la bière artisanale et j'ai
encore du mal à réaliser.»
Un
lieu qui est loin d'avoir été choisi au hasard : «La
ville possède un important bassin d'épuration. Ici, avant, c'était
une friche. On ne voulait pas construire sur une zone qui détruisait
des terres agricoles», explique-t-il. De la Bracine – leur toute première bière brassée,
elle aussi récompensée au Concours général agricole en 2009, avec
la Bracine Triple – à l'Anosteké («à la prochaine» en flamand),
plusieurs recettes ont vu le jour mais toujours avec ce même goût
pour la tradition.
«En
2010, on découvre l'IPA (India Pale Ale) aux Etats-Unis. Un an, après on crée l'Anosteké blonde, un équilibre entre la tradition
des bières dites triples et la modernité grâce au houblon
américain. Nos bières ne sont ni filtrées ni pasteurisées pour en
garder toutes les propriétés organoleptiques», résume l'ancien banquier. Dix ans après, la Brasserie du pays
flamand brasse 30 000
hectolitres par an sur
ses deux sites de Blaringhem et de Merville, l'équivalent de 4
millions de bouteilles de 75 cl.
L'avènement
des brasseries régionales
«On
a dû se battre. Aujourd'hui, les consommateurs sont éduqués mais
cela n'a pas toujours été le cas. Quand on a débuté, la bière,
c'était un petit rayon avec des bières belges. Au fur et à mesure,
les références se sont étoffées, et c'est une chance pour les
brasseurs que le consommateur soit de plus de plus exigeant», estime-t-il. Aujourd'hui, les brasseries foisonnent et l'artisanat
reprend le dessus, alors que pendant longtemps, les bières émanant
de mastodontes belges ou américains représentaient l'essentiel des
consommations.
Les
Hauts-de-France compteraient 150 brasseries – sur les 2 000 que
compte le territoire national –, toutes tailles confondues, avec
des géants comme la Brasserie Castelain (plus de 100 000 hectolitres
annuels) ou, plus importantes encore, la Brasserie Goudale (presque 2
millions) et celle de Saint-Omer (3 millions). Dans leur
sillon, des acteurs plus petits, qui brassent entre 300 et 3 000
hectolitres, ont les faveurs des consommateurs, avides de
nouvelles expériences et d'un retour aux sources.
A la Brasserie du pays flamand, tous
les ingrédients viennent des Hauts-de-France, dont la moitié
des houblons. Avec un chiffre d'affaires de 8 millions d'euros, en
croissance à deux chiffres, la Brasserie travaille à 40% pour le
secteur des cafés-hôtels-restaurants (à 70% en région), à 40% en
grande distribution et pour les 20% restants dans les autres réseaux de
type cavistes. L'export – moins de 1% du chiffre d'affaires –
n'est pas du tout une priorité : «On
est écolos sur les bords. Pour nous, cela n'a pas de sens d'aller
proposer nos bières à l'autre bout du monde», assume Mathieu Lesenne.
2
M€ investis dans de nouvelles cuves
Sur
le site de Merville, les cofondateurs ont récemment investi plus de
2 millions d'euros dans de nouvelles cuves et des machines
d'embouteillages automatiques, un agrandissement de 2 500 m² prévu bien avant la
médaille mais qui tombe à point nommé. Aujourd'hui la Brasserie
compte 20 fermenteurs
de 40 à 240 hectolitres.
De quoi pouvoir satisfaire la demande croissante qui a augmenté de
20% juste après l'obtention de la récompense aux World Beer Awards.
L'équipe va également s'étoffer : deux assistants brasseurs
viennent d'être recrutés.
Mathieu Lesenne et Olivier Duthoit
misent également beaucoup sur les collaborations avec d'autre
brasseries, à l'image de la toute dernière avec la Brasserie de
Bretagne, sur une production en série limitée. «On
veut que nos bières soient les plus locales possibles : les verres
viennent d'Arc International, les bouteilles de Soissons et de
l'Audomarois... On a tout ce qu'il faut pour produire dans les
Hauts-de-France ; nous sommes les leaders mondiaux de la malterie !»
Étonnamment,
la région n'est pas celle qui produit le plus – l'Alsace, avec le
site phare de Kronenbourg, nous vole la première place –, mais c'est
celle qui a le plus de médailles. La filière brassicole a
donc de belles perspectives devant elle, forte de sa multitude
d'acteurs aux spécificités singulières.
1. L'Anosteké blonde a reçu la
médaille d'Or aux World Beer Awards 2021, dans la catégorie bière
blonde.