La boutique Tout bio Tout Roose : le bio au même endroit
Émilien Roose rassemble dans le magasin de sa ferme de Haute-Épine tout un éventail de produits fermiers des alentours.
Acheter directement au producteur, c’est bien. Mais si le consommateur doit sillonner toutes les routes de campagne pour s’approvisionner, le bilan carbone risque d’être élevé ! C’est ce constat qui a conduit le jeune agriculteur Émilien Roose à ouvrir dans la ferme familiale un magasin où les clients trouvent toutes sortes de produits, majoritairement biologiques, issus des fermes aux alentours. « Nous vendons d’abord notre propre production laitière, avec du lait entier ou demi-écrémé en bouteilles en verre consignées, des fromages blancs, de la crème fraîche, du beurre et des petits fromages frais, nature ou aromatisés, ail et fines herbes, curry, etc.», détaille l’éleveur à la tête d’un troupeau de 70 vaches montbéliardes exclusivement nourries à l’herbe ou au fourrage cultivé sur ses 60 hectares.
Chaque année, ce sont 25 000 litres de lait qui sont ainsi valorisés, sur la production globale de 350 000 litres dont la plus grande partie est vendue à Biolait, un groupement d’agriculteurs premier collecteur de lait bio en France. Mais la vente de produits laitiers ne suffisait pas au jeune homme représentant la quatrième génération familiale sur la ferme. « Quand je me suis installé en 2016, mon projet comportait trois axes : d’abord la conversion de l’exploitation au bio, qui s’est opérée progressivement entre 2016 et 2018. Le passage au bio était pour moi indispensable aussi bien pour des raisons philosophiques qu’économiques. Car si la production en bio est inférieure à la production conventionnelle, et malgré le faible écart de prix entre les deux produits, les charges sont beaucoup moins lourdes, donc la marge plus importante », raconte Emilien, qui a été rejoint sur la ferme par son jeune frère Théophile. « Avec mon père Emmanuel et mon frère, il faut que l’exploitation puisse faire vivre trois familles ! »
Le deuxième volet de son projet d’installation prévoyait la création d’un laboratoire de transformation, le troisième l’aménagement d’un magasin de vente à la ferme : ces deux derniers projets ont été menés en même temps à partir de janvier 2019 et sont devenus opérationnels en juillet de la même année.
Le haut du panier
« Au départ, nous avions envisagé de créer une sorte de marché de producteurs biologiques, où chacun viendrait vendre sa production, explique Émilien. Mais cela posait des contraintes d’organisation, notamment au niveau des horaires. » Ce sera donc un magasin qui sera ouvert, Émilien achetant les produits à ses collègues pour ensuite les revendre dans sa boutique. Cette activité d’achat-revente étant incompatible avec le statut d’agriculteur, la structure Le haut du panier est créée : et c’est bien le haut des paniers qui sont proposés aux clients, dans cet espace de vente de 45 m² auquel est adossée une chambre froide de 100 m².
Aux côtés des produits laitiers fabriqués sur place, ce sont désormais près de 200 références qui sont disponibles à la vente, certifiées biologiques à l’exception de quelques marchandises ne disposant pas du label mais produites localement de façon raisonnée. Elles proviennent pour la plupart de fermes situées dans un rayon de 30 kilomètres, quelques très rares de plus loin mais pas au-delà de 80 kilomètres.
L’offre est vaste : des yaourts et fromages de vache, chèvre et brebis, des volailles, du porc et du bœuf, des légumes de maraîchers voisins, des fruits venant soit de la ferme Roose – une petite production de prunes, rhubarbe, groseilles et cerises – mais aussi des pommes, poires et jus de fruits d’un verger des environs, des pâtés, des œufs, des légumes secs, des farines et de l’huile, des glaces, des pâtes, des bières, du miel… En provenance du lycée agricole de Brémontiers-Merval, celui-là même où Émilien a obtenu son bac agricole, on trouve du pommeau et du Calvados, du fromage de Neufchâtel, de la confiture de lait.
Accompagné cet été par Clara, sa jeune stagiaire étudiante en agronomie, Émilien prospecte les environs pour proposer aux agriculteurs ce nouveau débouché pour leur production, et ainsi élargir son offre aux consommateurs : il devrait par exemple bientôt proposer des moutardes et tisanes venues de la Somme. « Avec l’ensemble des producteurs, nous formons maintenant un groupe soudé de partenaires, solidaires et complices, qui partageons tous la même philosophie. »
Car au-delà de l’apport financier bienvenu, c’est tout un ensemble de valeurs qui sont défendues : produire en respectant l’environnement, reprendre la main sur la commercialisation de sa production en supprimant les intermédiaires, retrouver la confiance du consommateur en lui proposant des produits de qualité de la ferme à l’assiette, à des prix attractifs. « Notre lait bio est vendu 40 centimes de moins le litre qu’au supermarché voisin », souligne le jeune homme. Il achète les productions de ses collègues à un prix fournisseur et les revend en réalisant une marge minime : le consommateur paie le produit très légèrement plus cher que s’il était allé le chercher lui-même sur son lieu de production, mais tout est au même endroit… Et les clients sont au rendez-vous : ouverte deux soirs par semaine et le samedi matin, la boutique accueille entre 60 et 90 clients chaque semaine, une clientèle fidèle, attachée au concept et satisfaite de l’offre. La preuve : d’autres boutiques du même type commencent à apparaître ici ou là… Et Émilien, passionné de tennis, organise même des ventes directes avec les membres de son club Beauvais Oise Tennis, qui vont bientôt pouvoir passer leur commande sur Internet.