Conjoncture

La balance commerciale à l’épreuve de la pandémie

La pandémie a pesé en 2020 sur les échanges extérieurs de la France. Mais le déficit commercial est davantage le résultat de la désindustrialisation à l’œuvre depuis plus de vingt ans que d’une perte de compétitivité… Éclairage.

En 2020, la pandémie aréduit les échanges avec tous les partenaires de la France. Globalement, les exportations chutent de près de 16 % et les importations de 13 %.
En 2020, la pandémie aréduit les échanges avec tous les partenaires de la France. Globalement, les exportations chutent de près de 16 % et les importations de 13 %.

«En lien avec les effets du premier confinement, la dégradation des échanges est particulièrement marquée au premier semestre.» Il aura suffi que le ministre délégué au Commerce extérieur, Franck Riester, commente de la sorte les chiffres des échanges extérieurs de la France, pour que soit relancé le débat sur le déficit commercial. Honnie pour les uns, insignifiante pour les autres, la balance commerciale semble assurément polariser les opinions…

Le déficit commercial de la France

Pour rappel, la balance commerciale retrace la valeur des exportations et des importations de biens (pas les services) sur la base des statistiques douanières. Le solde de la balance commerciale (différence entre la valeur des biens exportés et celle des biens importés), est appelé excédent commercial s’il est positif, déficit commercial sinon. En France, depuis 2004, le solde commercial est structurellement déficitaire, même une fois retranchée les inévitables importations d’énergie. Cela n’empêche pas d’avoir des excédents commerciaux dans les secteurs de l’aéronautique, de la chimie, des parfums et cosmétiques, de l’agroalimentaire et de la pharmacie. Les principaux déficits sectoriels se situent bien entendu dans l’énergie, mais aussi dans les biens d’équipement, le textile et l’automobile. Bon an, mal an, les principaux clients de la France sont l’Allemagne, l’Italie, les États-Unis et l’Espagne, que l’on retrouve aussi comme fournisseurs ainsi que la Chine.

La pandémie pèse sur les échanges extérieurs

Bien entendu, en 2020, la pandémie aura réduit les échanges avec tous les partenaires de la France, mais pas dans les mêmes proportions. Globalement, les exportations chutent de près de 16 % et les importations de 13 %. Les exportations du secteur aéronautique sont particulièrement touchées (-45 %), comme celles de l’automobile et des biens d’équipement. Seuls l’agroalimentaire et la pharmacie sont dans l’ensemble épargnés. Quant à la facture énergétique, celle-ci diminue presque de moitié à la faveur du recul du prix du pétrole et des volumes importés. Au total, le déficit commercial de la France a atteint 65,2 milliards d’euros en 2020, soit une dégradation de plus de 7 milliards par rapport à l’année précédente. Les échanges avec l’UE, qui représentent deux tiers des échanges de la France, ont relativement mieux résisté que ceux réalisés avec les pays hors de l’UE. Encore que les importations en provenance des pays asiatiques sont restées au beau fixe, ne serait-ce qu’en raison de leur rôle de fournisseur de masques et autres produits sanitaires, que tous les pays ont recherchés avec avidité lors du premier confinement ! Cela rappelle, au demeurant, qu’au-delà des chiffres, les échanges extérieurs charrient avec eux des questions de souveraineté et de sécurité, trop longtemps occultées…

Le signe d’une désindustrialisation

Si l’on appelle compétitivité pour un pays sa capacité à exporter sur les marchés internationaux, alors ce qui compte vraiment, c’est le solde des biens, mais aussi des services, revenus (salaires, dividendes, intérêts…) et de certains transferts (dons, aides…), bref la balance courante. Certes, celle-ci est également structurellement déficitaire, mais une analyse fine montre que même si le solde des biens est déficitaire, c’est tout le contraire pour les services, ce qui reflète la réalité économique de la France où la part des emplois industriels décline au profit de ceux du secteur des services. Ces chiffres, bien loin du catastrophisme des déclarations officielles, doivent néanmoins faire réfléchir sur les choix politiques faits depuis trois décennies, dans la mesure où c’est l’illusion d’une économie de la connaissance, sans implantation industrielle nationale (fablesspour reprendre les mots d’un grand patron français…), qui a contribué à une désindustrialisation accélérée. De là découle, notamment, une baisse tendancielle des gains de productivité et une croissance potentielle en berne. En dernier ressort, il faut se garder d’un certain mercantilisme qui consiste à penser qu’une balance courante structurellement excédentaire est synonyme d’une économie en bonne santé. En effet, un tel excédent signifie que la demande intérieure n’est pas assez développée pour répondre à la forte production et que le pays préfère prêter son épargne à l’étranger plutôt que d’importer. Or, les importations ne sont pas mauvaises en soi, surtout si elles permettent, entre autres, la diffusion du progrès technique. Dès lors, ce n’est pas tant d’une politique commerciale dont la France a besoin, mais d’une véritable politique industrielle !