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L’Urssaf Lorraine redimensionne sa mission contre le travail dissimulé

Les données de l’Urssaf Lorraine dans la lutte contre le travail dissimulé montrent une incontestable montée en puissance en termes de moyens et de méthodologie. L’organisme déploie une palette de moyens pour aboutir aux recouvrements. Il s’adapte aussi à un entrepreneuriat plus cosmopolite que par le passé, et, de fait parfois moins visible et lisible.


Entre explication des méthodes employées et décryptage des données 2024, Nicolas Demesse et Philippe Béard ont dressé le panorama de la lutte contre le travail dissimulé en Lorraine.
Entre explication des méthodes employées et décryptage des données 2024, Nicolas Demesse et Philippe Béard ont dressé le panorama de la lutte contre le travail dissimulé en Lorraine.

Le bilan 2024 de l’Urssaf Lorraine dans la lutte contre le travail dissimulé est probant. Dans les résultats comme dans la méthodologie. Les indicateurs donnés par Nicolas Demesse, directeur PAM - Contrôle LTCI, et Philippe Béard, responsable régional de la lutte contre le travail dissimulé, ont permis de mesurer la montée en puissance et l’efficience de l’organisme dans le périmètre lorrain. Ils en ont d’abord rappelé les buts cardinaux : «pérenniser et financer le modèle social français, garantir aux travailleurs le bénéfice d’une protection sociale en matière de couverture santé, retraites, prestations familiales) liés à l’emploi dans un cadre légal. Enfin, faciliter les démarches des entrepreneurs et garantir le respect des règles sociales essentielles à une concurrence équitable et non faussée.»

Un travail de réseau partenarial

Avec plus de 34 000 actions engagées au niveau national par l’Urssaf dans la lutte contre le travail dissimulé, le montant des redressements opérés a atteint l’an passé en France 1,6 Md€. L’Urssaf Lorraine contribue à hauteur de 19,95 M€ de cotisations redressées, soit une hausse de près de 70 % par rapport à 2023 (11,9 M€). À titre de comparaison supplémentaire, 2022 affichait un chiffre de 7,3 M€. Les statistiques lorraines s’inscrivent dans une vraie dynamique de l’Urssaf, en synergie avec son dense réseau partenarial. On distinguera deux formes de travail dissimulé : la dissimulation totale ou partielle ou totale d’activité et celle totale ou partielle d’emploi salarié. Au demeurant, les sanctions au pénal comme au civil peuvent être très lourdes pour les contrevenants. En Lorraine, 13 des 45 contrôleurs et inspecteurs de l’Urssaf sont dédiés à cette lutte contre les fraudes décrites ci-avant. C’est là un objectif conventionnel de 30 % de ses effectifs. Les chiffres 2024 attestent d’une réelle efficacité. Les nouvelles techniques d’investigation, un recoupement de données performant, un arsenal juridique important en sont les principales raisons. Comme l’est le redimensionnement des équipes sur le terrain, sans que cela n’altère les autres missions de l’Urssaf.

Adaptabilité à un entrepreneuriat évolutif

En 2024, l’Urssaf Lorraine a réalisé 1 150 actions de contrôle, dont 1 118 relevant d’une action portée par ses équipes. 83 % des actions ciblées de lutte contre le travail dissimulé ont abouti à un redressement. 79 actions ont fait l’objet d’un procès-verbal pour travail dissimulé dressé par des inspecteurs de l’Urssaf et transmis aux Procureurs de la République. Quant à la dissimulation d’emploi salarié, 65 des 209 ayant fait l’objet d’un redressement portent sur la dissimulation d’emploi salarié. 144 sur des travailleurs indépendants. Ici, les montants sont en très forte hausse, passant de 6 M€ en 2023 à 13,36 M€ en 2024, soit une hausse de 122 %. Sur le volet de la dissimulation d’activité, 144 actions ont été réalisées l’an dernier avec un montant de redressement s’élevant à 4,6 M€. Ces résultats ont été rendus possibles grâce aux contrôles réalisés sur le terrain, à la vérification de la situation des sous-traitants dans le cadre des contrôles comptables d’assiette des entreprises, l’exploitation des signalements transmis par les services fiscaux à la suite de contrôle. En Lorraine, les secteurs d’activité les plus concernés par les redressements liés au travail dissimulé réalisés en 2024 par l’Urssaf sont le BTP, les services aux entreprises et le commerce. On note aussi des cas observés dans l’installation de la fibre optique. L’Urssaf Lorraine doit aussi adapter son process aux évolutions de l’entrepreneuriat : explosion du nombre d’auto-entrepreneurs, hausse du télétravail. En termes de répartition des redressements, la Moselle en pèse 45 %, la Meurthe-et-Moselle 30 %, les Vosges 20 % et la Meuse 5 %. L’Urssaf Lorraine a réalisé également ces derniers mois 909 actions de prévention.

Les dossiers à caractères internationaux 
En 2024, en Lorraine, ce sont six dossiers internationaux qui ont été instruits pour un montant de redressements de cotisations s’élevant à 8,943 M€. Cela représente environ 10 % des actions de travail dissimulé pour dissimulation d’emploi salarié mais 67 % des redressements. On rappellera, en application des règlements européens de coordinations des systèmes de Sécurité sociale, les travailleurs qui exercent une activité salariée ou non salariée dans un état sont soumis à la législation de Sécurité sociale de cet état et cotisent dans ce dernier. La loi du lieu de travail s’applique. Le détachement est une mesure dérogatoire à ce principe. Il permet de maintenir, sous certaines conditions, les travailleurs au régime de protection sociale de l’état d’origine. Les cotisations et contributions sociales sont alors versées dans cet état bien que le travail soit effectué dans un autre. Une autre mesure dérogatoire concerne les personnes en situation de pluriactivité sur plusieurs états. Ces personnes ne doivent cotiser que dans un seul état pour l’ensemble de leurs activités. Du fait de la situation frontalière de la Lorraine, particulièrement avec le Luxembourg, les inspecteurs de l’Urssaf rencontrent fréquemment lors de leurs contrôles sur le terrain des entreprises étrangères. Ils doivent vérifier que ces dernières respectent bien les règles européennes en matière de législation de Sécurité sociale. En cas de manquement, l’employeur s’expose à un redressement de cotisations au titre de la législation française de Sécurité sociale et à l’application de majorations de l’ordre de 25 à 40 % des montants redressés.