Jean-Baptiste Schmider, membre fondateur du collectif Les Licoornes
«L'Opération milliard : que fait le gouvernement pour l'économie sociale et solidaire ?»
Les Licoornes, jeune mouvement de coopératives, s'affirment en contre-pied des Licornes, start-up valorisées à plus d'un milliard de dollars. Aujourd'hui, elles participent à «L'Opération milliard» qui pointe la nécessité d'inventer des modes de financement pour ces entreprises porteuses d'un modèle économique alternatif.
Votre collectif fédère 13 «Licoornes». Quelles sont-elles et pourquoi se sont-elles associées ?
Nous avons choisi le nom de «Licoorne», en opposition aux Licornes, ces start-up à la valorisation supérieure à un milliard de dollars, mais qui ne répondent pas nécessairement à de vrais besoins... Face à l'épuisement des ressources, il est nécessaire de sortir de notre modèle économique classique pour aller vers plus de sobriété. En 2021, nous nous sommes réunis à neuf SCIC, Sociétés coopératives d’intérêt collectif, pour affirmer que d'autres voies sont possibles et pour les faire connaître. Et aussi, pour trouver des financements. Nos entreprises sont présentes dans les différents domaines de la vie de tous les jours. Parmi elles figurent ainsi une banque éthique, la Nef, un fournisseur d'électricité verte, Enercoop, un fournisseur d'appareils électroniques conçus pour lutter contre l'obsolescence programmée, Commown, des solutions de mobilité durable avec des dispositifs solidaires avec Mobicoop ou l'autopartage de Citiz...
Ce mois de mars, vous participez à «L'Opération milliard» qui met en exergue la nécessité de trouver des financements pour l'économie sociale et solidaire (ESS). En quoi est-ce un enjeu crucial pour les Licoornes ?
Nos entreprises sont non délocalisables, non vendables... Les financer massivement constitue donc un enjeu fort. Or, elles n'attirent pas les investisseurs classiques. Un simple exemple suffit à l'illustrer : la Licoorne Label Emmaüs a levé 150 000 euros, la start-up Back Market [électronique reconditionnée], 450 millions d'euros... Nous menons donc des opérations pour trouver des financements. L'an dernier, les Licoornes ont mis sur pied une première campagne commune. Nous avons levé 600 000 euros de parts sociales. Ce n'est pas énorme, mais cela montre qu'il existe un intérêt. Nous réfléchissons à la création d'un fonds d'investissement Licoornes. Et aujourd'hui, nous participons à «L'Opération milliard», portée par un collectif des mouvements de l'ESS, en France. Mais pour financer ces entreprises, il faudrait mettre en place des mécanismes plus incitatifs, fiscaux, par exemple, pour les citoyens. À ce titre, nous faisons aussi du plaidoyer auprès des pouvoirs publics. En 2022, nous avons réalisé une première campagne en ce sens, mais la situation n'a pas vraiment évolué. Il faut continuer ce combat-là. «L'Opération milliard» est aussi une manière de le mener...
Biocoop, une entreprise bien connue des Français, s'est récemment muée en Licoorne. Votre mouvement va-t-il changer d'échelle ? Quels sont vos projets ?
En trois ans, nous sommes passés de neuf à 13 Licoornes. En cumulé, cela représente 135 000 sociétaires, 6 millions de clients et un milliard d'euros de chiffre d'affaires. D'autres entreprises frappent à la porte et nous allons continuer à grandir, mais pas trop vite... Nous voulons conserver une croissance raisonnable ! Déjà, l'intégration de Biocoop , qui est une coopérative de taille plus importante que les autres Licoornes, va nous permettre d'évoluer. Elle va enrichir l'écosystème que nous sommes en train d’installer, où les citoyens vont trouver des solutions pour aller vers plus de durabilité, dans chacun des domaines de la vie quotidienne : nous sommes en train de mettre en place un site Internet pour valoriser nos propositions et faire des offres croisées. Mais, nous sommes un jeune mouvement et nous avons aussi beaucoup d'autres projets en cours. Nous avons commencé à sensibiliser les acheteurs des collectivités locales, le grand public... Cette année, notre festival, «L'onde de Coop», sera consacré à … «Réinventons les imaginaires !»