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L’intelligence artificielle part à l’assaut des métiers de la création

Plus productive et moins chère qu’un artiste, l’IA générative pourrait bien un jour remplacer les créatifs dont le rapport qualité/prix sera jugé insuffisant. Elle pourrait aussi «invisibiliser» les artistes, leurs œuvres venant se noyer sous un flot de créations générées par ordinateur.

Fin 2022, l’Américain OpenAI lançait un robot conversationnel, qui s’est rapidement imposé de par la pertinence de ses réponses et de ses arguments. Pour atteindre un tel résultat, l’entreprise s’est appuyée sur des techniques d’intelligence artificielle (IA), et plus précisément sur un «transformateur génératif pré-entrainé», d’où le nom de GPT, pour Generative pre-trained transformer. Depuis lors, le buzz autour des systèmes intelligents de nouvelle génération n’est pas retombé. Ainsi sur le front des robots conversationnels, un duel s’annonce entre ChatGPT d’OpenAI (soutenu par Microsoft) et Bard de Google. D’autres systèmes intelligents avancés ont par ailleurs investi le terrain de la création d’images, comme Midjourney, Craiyon, Dall-E ou encore Stable Diffusion. Là encore les résultats s’avèrent bluffants. Même les secteurs de la musique et de la vidéo se mettent à l’intelligence artificielle.

De légitimes inquiétudes sur les emplois

Des considérations éthiques surgissent, liées au fait de permettre à tout un chacun de créer de faux écrits ou clichés quasi impossibles à différencier des vrais. Un débat s’anime aussi sur l’impact sociétal de ces intelligences artificielles génératives. Le discours des tenants de l’IA soutient que ces outils sont capables de faire la synthèse de milliers d’œuvres, afin de créer des ébauches de textes, images, musiques ou vidéos qui vont participer à simplifier le travail de maquettage des auteurs. Dans la pratique, beaucoup d’organisations remplaceront purement et simplement les créatifs par des IA génératives, certes moins talentueuses - pour le moment -, mais au rapport qualité/prix tout bonnement imbattable. L’intelligence artificielle pourrait donc avoir les mêmes effets dans le monde de la création que l’informatique traditionnelle a pu avoir auparavant sur des tâches à plus faible valeur ajoutée. Les scénaristes et auteurs d’Hollywood ne s’y sont pas trompés ; ils se sont mis en grève, une de leurs craintes étant d’être remplacés à terme par des ordinateurs.

Des contrats perdus et des auteurs «invisibilisés»

La perte de contrats, c’est déjà ce qui est en train de se jouer dans certains secteurs. Plusieurs grands magazines ont ainsi cédé, au moins une fois, aux sirènes des couvertures générées par Midjourney, créant ainsi le buzz… au prix toutefois d’un contrat perdu pour un photographe ou un illustrateur. Si la presse reste consciente de l’impact à long terme de ces technologies sur les créatifs, les agences de communication, fortement challengées par les coûts, sont bien plus nombreuses à avoir franchi le pas. L’IA générative est également en train de massivement investir le monde du livre. Avec un peu de savoir-faire, la génération d’un roman par ChatGPT ne prend que quelques jours, Midjourney se chargeant de la couverture et des illustrations. Certains influenceurs du web se sont engouffrés dans la brèche avec des titres créés totalement ou partiellement à l’aide de l’intelligence artificielle et publiés en auto-édition sur Amazon. La popularité de ces influenceurs et l’effet buzz font le reste. Les textes générés par l’intelligence artificielle posent aussi problème par leur volumétrie croissante, qui pourrait à terme «invisibiliser» le travail des auteurs. Noyé par les œuvres générées par des machines, le magazine de science-fiction américain Clarkesworld a ainsi décidé, début 2023, de ne plus accepter aucun texte extérieur pour publication… même ceux dits rédigés par des auteurs humains !

David FEUGEY