Construction
L’insufflation de paille testée à Vers-sur-Selle
L’insufflation de paille développée par une entreprise coopérative d’Aquitaine (Ielo Coop) prend sa place dans les Hauts-de-France. Rencontre avec Alexandre Cousin, concepteur « passif et bioclimatique » et militant du fétu, qui vient d’achever un chantier à Vers-sur-Selle.
On est loin de la maison de paille d’un des Trois petits cochons… Le conte adapté par Walt Disney soulignait la fragilité de la demeure. Dans la réalité de la construction alternative, la maison de paille vaut tous les bétons. En effet la densité de paille au mètre carré rend l’isolation quasiment inamovible. Le produit est simple : de la paille hachée, issue des résidus d’après récoltes. « La matière est broyée dans un sens bien précis, très finement, de l’ordre du cm, puis elle est dépoussiérée. Ensuite, des cardeuses soufflent le mélange de paille dans des caissons porteurs qui sont amenés sur une façade », explique Frédéric Cousin, formateur en éco-construction, et qui dirige Toerana Habitat, une entreprise de Conception bioclimatique et passive basée à Lille.
Qualifiées de « non courantes » dans les référentiels de la construction, ces méthodes dénotent et se propagent. « Notre équation, avant l’estimation de consommation d’énergie, c’est de concevoir l’ensemble des critères comme l’exposition, les matériaux, les techniques de poses, l’orientation, le sol, l’environnement alentours… C’est très vaste. Ca peut aller très vite avec l’insufflation. Un caisson, c’est une minute de remplissage », explique le quadragénaire.
Chauffage marginal et durabilité
Coproduit totalement biosourcé, la paille est durable et possède la particularité d’être adaptée aux saisons froides et chaudes. Elle est aussi abondante et disponible partout : un point de plus pour les circuits courts. Auparavant importée d’Autriche, de Belgique ou des Pays-Bas, elle commence à être produite et affinée en Aquitaine.
Dans les Hauts-de-France, les chantiers se multiplient : maisons individuelles, crèches, bâtiments industriels, salles de sport, en neuf ou en rénovation. À Vers-sur-Selle, Frédéric Cousin opère comme assistant technique sur un projet de bâtiment public pour la communauté Val de Noye. « L’idée, c’est une facture de consommation totale de 150 euros par an… Le chauffage ne devient plus qu’un appoint », sourit le chef d’entreprise. La réglementation ne suit pas encore le mouvement de l’innovation et de la construction du futur : les référentiels de DTU ont du mal à suivre et les assureurs ne couvrent pas toujours quand les méthodes ne sont pas « conventionnelles ».
Murs et plafonds
La paille se pose aussi en toiture : « La capacité thermique (liée à la masse du matériaux), c’est 18 heures de déphasage comme temps de restitution de la chaleur. Et la paille ne brûle pas. Je fais toujours le même test au chalumeau devant les visiteurs. Pendant dix minutes », argue encore Frédéric Cousin. Enfin, le prix rentre désormais dans les capacités financières des ménages si l’on suit le cadre : « Les surcoûts sont de 5 à 15%. Tout dépend de la conception globale de la construction », avance t-il. Dans un contexte d’augmentation des matériaux de construction traditionnels, les techniques alternatives deviennent (enfin) concurrentielles.
Mais ces projets ne trouvent pas toujours les ressources humaines : « Il y a une inertie dans le monde de la construction. Il faut former à grande échelle », souligne encore Frédéric Cousin. En 2022, il a réalisé une vingtaine de projet, « sans compter la dizaine que j’ai dû refuser ». Mais l’évolution de la réglementation devrait élargir le spectre de ces constructions dites alternatives. Y compris chez les grands constructeurs.