Emploi
L’insertion des jeunes diplômés rendue plus difficile par la crise
L’Apec a profité de son enquête annuelle pour faire un focus sur la situation des jeunes diplômés. L’association, qui a lancé en septembre dernier le plan "Objectif Premier emploi" pour accompagner 50 000 jeunes diplômés, constate de plus grandes difficultés d’insertion sur le marché de l’emploi avec la crise, pour cette population.
Les
jeunes diplômés sortant d’études constituent « la
variable d’ajustement des entreprises,
note
Gaël
Bouron,
responsable adjoint du pôle études au sein de l’Association pour
l’emploi des cadres. La
situation est encore préoccupante pour eux. »
Un constat partagé par Gilles Gateau, directeur général de
l'Apec : « L’ajustement
a tendance à se faire aux extrémités de la pyramide des âges,
soit au niveau des jeunes et des seniors qui restent plus frappés
que d’autres par la crise et par les restrictions d’embauche. »
Selon
le
dernier
baromètre
de
l'insertion
professionnelle
des
jeunes
diplômés,
seuls
69%
des
Bac+5
et
plus
de
la
promotion
2019
se
déclarent
en
emploi
douze
mois
après
l'obtention
de
leur
diplôme,
contre
85%
pour
la
promotion
précédente,
soit
16
points
d'écart.
« Une
illustration chiffrée de la réalité de la dégradation de la
situation pour les jeunes. Alors qu’une partie d’entre eux a pu
s’intégrer avant le début de la crise sanitaire, on s’attend à
ce que les mêmes résultats pour les sortants 2020 soient encore à
un niveau inférieur »,
craint Gilles Gateau.
Sur
le site Apec.fr – qui concentre près de la moitié des offres
d’emploi cadres –, les offres
accessibles
aux débutants ont baissé dans des proportions plus importantes que
la moyenne des
offres d’emploi,
de l’ordre de 25 à 30%. Pourtant, les prévisions semblent plutôt
favorables, avec une
progression
de
13 % des intentions de recrutements sur les profils ayant moins d'un
an d'expérience. « Ce
signal
encourageant
ne
suffit
malheureusement
pas
à
rattraper
la
chute
de
26
%
des
recrutements
de
cadres
débutants
enregistrée
en
2020 ».
Ainsi,
en
2021,
le
volume
de
recrutements
de
jeunes
diplômés
sur
des
postes
cadres
resterait
inférieur
de
16%
à
son
niveau
de
2019.
Augmentation
des contrats courts et baisse de salaires
Autre
point de vigilance, les difficultés rencontrées par les jeunes
aujourd’hui peuvent avoir des répercussions sur leur carrière à
plus long terme. « La
crise a catalysé des changements puissants et la situation vécue
par les jeunes diplômés peut avoir des conséquences sur l’ensemble
de leur carrière. C’est ce qu’avait montré l’enquête
Génération du Cereq
[Centre
d’études et de recherches sur les qualifications]
:
le fait d’être dans un parcours d’insertion heurté a des effets
à long terme sur leur emploi et leurs conditions d’insertion,
rendant leur situation moins favorable. Un constat qui se vérifie
surtout pour les jeunes diplômés sans qualification de
l’enseignement supérieur »,
confirme Gaël Bouron. Si l’on se focalise sur leurs conditions
d’insertion, les contrats courts ont pris les devants, avec six
jeunes sur dix en CDI en 2020, contre sept sur 10 l’année
précédente.
Autre
signe qui démontre des conditions d’emploi moins avantageuses :
la baisse des salaires perçus. Ainsi, la rémunération brute
annuelle médiane s’élève à 31 000 euros brut par an,
contre 32 000 euros l’année dernière (-3 %). En revanche,
« pour l’instant on n’observe pas de phénomène massif
de déclassement de ces jeunes qui se seraient tournés vers des
emplois non cadres », signale Gilles Gateau.
Les
jeunes font preuve d’une plus grande flexibilité
Afin
d’accéder à un emploi, les jeunes diplômés de 2019 ont fait
preuve d’une plus grande flexibilité quant à certains aspects du
poste. Au global, sur l’ensemble des critères, l’adéquation de
l’emploi occupé par rapport aux souhaits est en recul. Ainsi 26%
des jeunes diplômés en emploi déclarent occuper un poste qui ne
correspond pas à leur niveau de qualification, contre seulement 18%
pour la promotion précédente (+
8 points).
19% ont un emploi ne correspondant
pas à leur discipline de formation, contre 15% auparavant.
Par ailleurs, plus d’un quart de jeunes diplômés en emploi disent avoir mis de côté leurs aspirations personnelles – une hausse de cinq points par rapport à l’année dernière. Si la proportion de celles et ceux qui qualifient leur emploi de « job alimentaire », demeure non négligeable et concerne toujours près d’un jeune diplômé en emploi sur cinq, elle diminue légèrement, avec une baisse de deux points. L’Apec avance comme potentielle explication un effet de la définition elle-même : un « job alimentaire » se qualifie par « une activité exercée par nécessité, en attendant d’en trouver une qui correspond vraiment à vos attentes ». « Dans une période de crise grave, les jeunes ne considèrent plus un emploi, quel qu’il soit, comme une solution d’attente, car ils ne pensent plus avoir beaucoup de chances d’obtenir le poste correspondant à leurs souhaits. » Des jeunes déjà désabusés ?