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L’incroyable volte-face de Trump entretient encore plus l’incertitude !
Alors qu’il avait imposé des droits de douane à 185 pays et territoires étrangers, Donald Trump a annoncé leur suspension pendant 90 jours, sauf pour la Chine, créant en fin de compte encore plus d’incertitude.

Le 2 avril, l’annonce de droits de douane supplémentaires sur les importations aux États-Unis devait être le « jour de la libération en Amérique », i.e. le rééquilibrage par la force de la balance commerciale. Au-delà d’un nouveau plancher universel de taxation à 10 %, Donald Trump exhibait également un tableau de « droits de douane réciproques » additionnels, liés à la situation commerciale propre à chaque pays. Mais, une semaine plus tard, face au chaos mondial suscité par ses mesures, « le jour de la libération » s’est transformé en un jour de consternation, Trump annonçant leur suspension pendant 90 jours, sauf pour la Chine, son ennemi juré.
Chaos planétaire
En raison de leur échelle, les droits de douane annoncés par Trump ont semé la panique sur les marchés mondiaux. Les principaux indices boursiers (Nikkei, S&P 500, Cac 40) ont ainsi connu une chute de plus de 10 points sur deux jours, alimentée également par la riposte de la Chine, bien décidée à ne pas subir ce qu’elle dénonce comme une « farce » défiant « les lois de l’économie ».
Les compartiments financiers n’étant pas étanches, les taux d’intérêt des marchés obligataires se sont envolés — hausse entretenue aussi par des ventes de bons du Trésor par la Chine notamment —, ce qui, dans un pays comme les États-Unis où la dette publique atteint 35 000 milliards de dollars et le déficit public 6 % du PIB, fait craindre le pire pour le financement des acteurs financiers (hedge funds, fonds de capital-investissement…) et de l’État fédéral.
Quant au dollar, monnaie de réserve internationale, il faisait bien entendu les frais de toutes ces chutes en cascade, qui sapent un peu plus sa suprématie de l’intérieur et de l’extérieur. Certes, Donald Trump a besoin d’un dollar faible pour gagner en compétitivité à l’export, mais en même temps, il lui faut un dollar fort pour asseoir la domination économique des États-Unis. Contradictions dont il est désormais familier, mais qui ne peuvent qu’entraîner incompréhension, imprévisibilité et chaos. Désormais, chefs d’entreprises, financiers et même consommateurs doutent sérieusement du bien-fondé d’une guerre commerciale.
Incertitude grandissante
Après avoir tenté de calmer la tempête par des incantations (« Ne soyez pas faibles ! Ne soyez pas stupides ! »), Donald Trump a dû se rendre à l’évidence : sa politique mène au chaos ! D’où, sa volte-face annoncée en ces termes sur le réseau social Truth : « Du fait de la volonté de plus de 75 pays de négocier, j’ai autorisé une pause de 90 jours et des droits réciproques substantiellement réduits durant cette période, de 10 %, également effectifs immédiatement ». Résultat des courses : rebond des marchés financiers de près de 10 %, soupçons de délit d’initié et toujours plus d’incertitudes, nul ne pouvant prédire ce qui sortira de ces accords.
Et pendant ce temps, la Chine continue à subir seule les foudres du maître du bureau ovale avec 145 % de droits de douane, « compte tenu du manque de respect dont la Chine a fait preuve à l’égard des marchés mondiaux » (sic). Le conflit commercial entre les États-Unis et la Chine menace également de réorienter les flux capitalistiques mondiaux, pas forcément à l’avantage des Européens, si Pékin décidait d’écouler encore plus de marchandises au sein de l’UE. Bref, la volte-face de Trump, loin de rassurer, alimente la défiance et l’incertitude, ce qui ne manquera pas de grever les échanges commerciaux internationaux et la croissance, cette dernière étant déjà revue à la baisse dans de nombreux pays.
L’UE sur du velours
Au sein de l’UE, difficile d’arrêter une position commune, chacun espérant tirer son épingle du jeu sans froisser davantage les États-Unis. Au milieu de ces atermoiements, des viticulteurs, des agriculteurs et de très nombreuses entreprises ne sachant plus à quel saint se vouer, d’autant que ressurgit l’idée de ratifier au plus vite le Mercosur, traité de libre-échange pourtant très contesté. Toujours est-il que, prenant acte du revirement américain, la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, a décidé de suspendre pour 90 jours la première salve européenne de mesures de riposte, afin de « donner une chance à la négociation ».
Dans ces conditions, la Chine semble décidée à se rapprocher de l’UE, mais cette dernière devra jouer sur du velours, afin d’éviter de tomber de Charybde en Scylla. En effet, d’un côté, un accord de libre-échange pourrait être une forme acceptable de réorganisation des flux commerciaux entre l’UE et la Chine, pour peu que l’un ne dévore pas l’autre tout cru et que les conditions d’exportation de la Chine deviennent moins déloyales. D’un autre côté, une trop grande proximité avec Pékin est susceptible de provoquer l’ire des États-Unis. Âpres négociations en perspective…
Quoi qu’il en soit, la volte-face de Trump aura bouleversé le monde entier. Peut-être faut-il y voir un coup d’arrêt décidé par Wall Street à sa politique protectionniste, présentée depuis le début, à tort, comme une défense de Main Street (la classe moyenne) ?