L'immobilier, valeur sûre et changeante
Le pouvoir d'achat immobilier des Français a beau avoir diminué, jusqu'ici, le marché de l'immobilier a traversé la crise sans dommages. Mais celle-ci transforme durablement les attentes des Français, d'après le Conseil supérieur du Notariat.
La crise ? Mais quelle crise ?… Le 13 décembre dernier, le Conseil supérieur du Notariat (CSN) tenait une conférence de presse, au cours de laquelle il dévoilait études et enquêtes consacrées aux attentes et comportements des Français en matière d'immobilier, ainsi qu'un premier bilan du marché de l’ancien en 2021. L'immobilier ? «Un secteur qui résiste, qui a résisté tout au long de la crise sanitaire», synthétise David Ambrosiano, président du CSN.
Très haut niveau d'épargne, taux d'intérêt bas, efficacité des amortisseurs sociaux... «Les Français ont pu réaliser leurs projets immobiliers, ce qui permet d'atteindre le niveau historiquement haut des transactions en 2021» annonce-t-il. Déjà, fin octobre, le seuil des 1,198 million de transactions a été atteint (pour les 12 derniers mois). C'est le résultat d'une «progression remarquable», analyse Frédéric Violeau, notaire, en charge des statistiques immobilières nationales. Pour l'expert, cette dynamique résulte d'une double tendance : un effet «rattrapage» depuis la sortie des confinements, assorti d'une accélération de prises de décision. Il est donc probable que la progression ralentisse en fin d'année 2021.
Autre
constat des notaires, la croissance des prix dans l'immobilier
ancien : en un an, pour les appartements, elle a suivi le rythme
de
5,2%,
légèrement inférieur à celui de l'année précédente. Par
ailleurs, «les
prix ont augmenté plus vite en Province qu'en Île-de-France»,
( +7,5%
contre +2,5%)
ajoute Frédéric Violeau. Dans le même sens, les prix des maisons
ont crû de manière exceptionnelle (+9%).
Et «les
projections laissent augurer une poursuite de la dynamique, pour les
appartements comme les maisons»,
avance
le
notaire.
Une
hausse des prix généralisée
Ce
phénomène des hausses des prix concerne l'ensemble du territoire,
et il n'a pas débuté avec la pandémie. Depuis cinq ans, les
notaires n'ont constaté de baisse de prix dans aucune ville de
France. Autre phénomène stable, «le classement des
villes est assez similaire à celui de l'année précédente»
pour les appartements anciens, ajoute Frédéric Violeau. Rennes fait
exception, passée de la 13ème place (en 2011) à la 7ème. En tête
des villes les plus chères : Paris, Lyon et Bordeaux. Et le
ratio entre la ville la plus et la moins chère de France (qui exclut
les extrêmes, Paris et Saint-Étienne) a lui aussi peu évolué
depuis 2018. En revanche, l'écart entre les prix parisiens et ceux
des principales villes de province s'est resserré.
A l'inverse de la courbe des prix, celle du pouvoir immobilier des Français est à la baisse, qu'il s'agisse des maisons ou des appartements, constatent les notaires. Sur la base d'un prêt sur 20 ans, assorti d'un remboursement de 800 euros par mois (taux d'intérêt : 1,13%), pour un appartement, au niveau national, «aujourd'hui, je peux acheter 50 m2. Cela représente 4 m2 de moins que l'année précédente», illustre Frédéric Violeau.
Jusqu'à aujourd'hui, la faiblesse des taux d'intérêt a permis de compenser la hausse des prix des biens. Toutefois, «nous arrivons un peu au bout de ce système», juge le notaire. Pour lui, il s'agit d'un «ajustement» : l'immobilier continue d'être attractif. Et à condition d'allonger la durée du prêt de cinq ans, des surfaces plus importantes deviennent accessibles.
Vers
un nouveau modèle de société ?
Au delà de la vitalité du marché, les données enregistrées par les notaires confirment l'évolution du comportements des Français, en matière d'immobilier. Globalement, avec 18 mois de recul, «ce que l'on aurait pu prendre pour une réaction physiologique en sortie de confinement, est une tendance qui s'est affirmée dans le temps», annonce Frédéric Violeau.
Par exemple, «les
acquéreurs franciliens ont manifesté un intérêt marqué pour les
départements qui jouxtent l'Île-de-France. Mais il ne s'agit pas
d'un exode urbain. C'est un comportement immobilier supplémentaire»,
commente-t-il. L'Eure et l'Orne, notamment, en ont particulièrement
bénéficié. Et l'évolution du marché d'une ville comme Caen
montre la persistance de l'attrait des petites villes. «La
qualité de vie constitue un paramètre qui a émergé ces derniers
mois», pointe Frédéric Violeau.
L'enquête sur «Les
Français et la mobilité résidentielle», menée sur la
base des ventes dans l'ancien, confirme ces tendances et leur
pérennité : de plus en plus, les Français dirigent leurs
achats vers des zones moins denses que leur lieu de provenance.
Ainsi, entre le deuxième semestre 2019 et la même période en
2020, la part des achats en France métropolitaine pour des zones de
même densité a baissé, passant de 68 a 66%. Le différentiel s'est
reporté sur des communes de moindre densité (passées de 19 à
21%). Les achats vers des zones plus denses sont restées stables
(13%). Cette répartition est restée identique au premier semestre
2021.
A
chaque ville, son parcours
Autre
constat, «au
niveau national, la part des maisons dans les achats progresse, pour
passer de 57% au deuxième semestre 2019 a 60% au second semestre
2020, un niveau qui est même supérieur à 2018, qui était déjà
élevé», explique
Peggy Montesinos, membre du bureau du CSN en charge de la promotion
de l’expertise immobilière.
Mais
cette tendance générale, en
matière de mobilité, prend
des colorations diverses selon les villes. Par exemple, les Nantais
qui sont partis pour des villes de densité moindre (33%, en 2021),
ont souvent préféré rester dans leur département de
Loire-Atlantique. Les acheteurs lyonnais, dans le même cas de figure
(31%, en 2021), ont privilégié les départements limitrophes de
celui du Rhône. Et les Toulonnais qui ont acheté hors de la ville
(41%) l'ont fait principalement dans la métropole, dans des communes
à faible mais aussi à forte densité. Quant à Grenoble, Metz,
Orléans et Rouen, les achats dans la ville y sont restés stables.
La pandémie a fait évoluer les attentes des Français. Certes, leurs motivations principales à déménager restent la recherche d'un meilleur logement (41%), son achat (39%) et les études, le travail ( 35%). Mais la recherche d'une meilleure qualité de vie a gagné trois points depuis 2019. Et parmi les Français qui ont déménagé ces 18 derniers mois, quatre sur 10 indiquent que leur déménagement a été déclenché (22%) ou accéléré (17%) par la crise sanitaire.