Jean-Marie Robert, président d’Acoris Mutuelles

«L’esprit mutualiste est à réinventer»

Taxe dite Covid-19, imposée aux complémentaires santé par le gouvernement pour participer «à l’effort de guerre», un 100 % santé «reste à charge zéro» dont le dernier volet entre en vigueur, le tout sous fond de pandémie et de crise économique à venir, autant de sujets à chaud qui interpellent la sphère des mutuelles trop souvent comparée à celle des assureurs. Prise de température avec Jean-Marie Robert, président d’Acoris Mutuelles, qui aime se présenter comme «le gilet jaune des mutuelles.»

«Nous avons perdu le sens même de mutualiste. La mutuelle, à la base, c’est construite sur des valeurs philosophiques, d’entraide, de solidarité et de vraie proximité», assure Jean-Marie Robert, le président d’Acoris Mutuelles.
«Nous avons perdu le sens même de mutualiste. La mutuelle, à la base, c’est construite sur des valeurs philosophiques, d’entraide, de solidarité et de vraie proximité», assure Jean-Marie Robert, le président d’Acoris Mutuelles.

Les Tablettes Lorraines : En septembre dernier, le gouvernement a instauré une taxe Covid-19 aux différentes complémentaires santé se basant sur le fait que vos structures ont réalisé des excédents du fait du report de soins liés à la pandémie. Comment appréhendez-vous cette décision ?

Jean-Marie Robert : C’est tout simplement un hold-up, une véritable main basse ! L’excédent, c’est ce qui permet de ne pas augmenter les cotisations mais, là, si on nous le prend, nous serons bien obligés d’augmenter les cotisations. Même si les prestations en 2020 ont enregistré un léger recul, l’excédent aurait dû être reporté sur 2021. Ces excédents supportent en plus l’impôt société, il s’agit d’un détournement de notre objet social sans but lucratif. Le législateur confond toujours mutuelle et assurance. Une mutuelle n’est pas un assureur privé.

Quelles vont être les conséquences pour vos adhérents ?

Il est certain que si l’on ponctionne l’excédent, cela va se traduire par une augmentation sensible du montant des cotisations. Cette surtaxe annoncée va tout d’abord toucher les adhérents les plus âgés qui s’acquittent des cotisations les plus élevées, c’est une nouvelle attaque à leur pouvoir d’achat. Aujourd’hui, nombre de nos anciens ne peuvent souscrire un contrat de qualité, voire, sont tout simplement se démutualisés.

C’est quasiment tout l’esprit mutualiste qui semble disparaître aujourd’hui ?

L’augmentation de la réglementation, la complexification des systèmes de gestion, la nécessité de répondre aux besoins individuels, le fait de devoir aller chercher de nouveaux adhérents pour répondre à un modèle économique qui nous a été imposé au fil du temps, ont fait que cette solidarité s’est étiolée au fil du temps. Aujourd’hui, il n’est pas faux de dire que la solidarité entre les catégories d’adhérents n’existe plus ! Nous avons perdu le sens même de mutualiste. La mutuelle, à la base, c’est construire sur des valeurs philosophiques, d’entraide, de solidarité et de vraie proximité. Il devient impératif de responsabiliser les signataires de contrat et d’être transparent avec eux.

Des choses qui n’existent plus aujourd’hui ?

Nous bataillons pour qu’elles perdurent en s’appuyant notamment sur les territoires. La solidarité est notre ADN. Par exemple, nous gérons les contrats des plus démunis à travers la complémentaire santé solidaire (CSS) ou encore en nous investissant dans le domaine du sanitaire. La pandémie et la crise économique qui en découlent ont, à mes yeux, renforcé l’individualisme. La vraie solidarité semble être aujourd’hui un leurre sous couvert d’une empathie du même ordre. L’esprit mutualiste est à réinventer ! Il faut recréer ce qui a donné naissance aux valeurs mutualistes, la solidarité et la démocratie. Une mutuelle est une compagnie qui est régie par le Code de la mutualité. C’est une entité à but non lucratif où l’adhérent choisit ses prestations selon ses besoins et son état de santé. C’est une chose qu’il est bon de rappeler et surtout de faire revivre réellement.

Le 100 % santé (ou reste à charge zéro) entre dans son dernier volet d’application, comment l’appréhendez-vous ?

C’est tout simplement un scandale ! C’est facile de parler de «100 % Santé» quand l’essentiel de l’effort est porté par la cotisation des adhérents. Il y a le dessus et il y a la réalité. Les complémentaires santé prennent en charge jusqu’à plus de 80 % du reste à charge selon les soins.

Mieux vaut prévenir que guérir...

Contribuer à la prévention ! C’est l’un des axes forts mis en avant par Acoris Mutuelles. «Il faut améliorer nos comportements à l’égard de la santé», peut-on lire sur la page de présentation de cette mutuelle. «C’est un véritable engagement pédagogique dans la responsabilité pour une hygiène de vie saine (...). L’objectif est de responsabiliser les personnes en les rendant acteurs de leur propre santé.»

Acteur et non consommateur... à méditer.