L’ère de la sobriété économique ?

Mutations toutes ! Intelligence artificielle, numérique, transition écologique, évolutions sociétales, rapport au travail, l’économie de demain se construit jour après jour. Tous les secteurs d’activités sont impactés, les traditionnels BTP, Industrie, Services, Commerce doivent faire face à une évolution constante. Si la résilience s’affiche toujours comme d’actualité, c’est la sobriété à tous les niveaux qui apparaît s’affirmer comme le modèle à suivre.

Après plusieurs prises de conscience, liée aux différents épisodes conjoncturels et sociétaux, l’économie semble se chercher un nouveau cap. Après une période de résilience, encore active, l’écosystème entrepreneurial pourrait prendre la route de la sobriété.
Après plusieurs prises de conscience, liée aux différents épisodes conjoncturels et sociétaux, l’économie semble se chercher un nouveau cap. Après une période de résilience, encore active, l’écosystème entrepreneurial pourrait prendre la route de la sobriété.

Performante, durable et inclusive ! C’est le triptyque aujourd’hui mis en avant dressant le tableau de l’économie de demain. Pas un scoop, l’économie et ses acteurs sont aujourd’hui confrontés à de nombreux défis liés au choc de pandémie de la Covid-19 mais également à des mutations plus longues et plus profondes. Sur le papier, tout le monde apparaît conscient que les choses se doivent de bouger mais entre la théorie et la pratique, il y a tout de même un sacré fossé. Décarboner les entreprises, encourager à consommer moins mais mieux, rendre la fameuse sobriété compétitive, faire de l’État un acteur exemplaire, replacer la finance au service de l’humain, investir massivement dans les entreprises sobres, soutenir la transformation de nos territoires, remettre du sens et de la mesure dans la distribution des richesses créées, circulariser l’économie et développer l’innovation sobre. À la lecture des dix propositions, à l’intention du monde politique, issues des Universités d’été de l’économie de demain (mouvement de réseaux d’entrepreneurs, de décideurs politiques et d’acteurs économiques et sociaux né en 2019 dont une édition s’est déroulée en septembre 2021 à Nancy : NDLR), il est certain que les pistes aujourd’hui à suivre sont nombreuses et tout simplement nécessaires. Au niveau régional et local, tous les secteurs d’activité semblent aujourd’hui être en marche (contrainte ou choisie) pour tenter d’y parvenir.


Changement de codes

Mi-juin à Nancy, la Fédération française du bâtiment tiendra son congrès national et il apparaît certain que cette thématique des prospectives d’avenir de la profession seront mises en avant. Du côté de l’industrie, l’innovation de rupture avec une volonté de renforcer l’ancrage local sont aujourd’hui les deux mots d’ordre comme devrait le faire ressortir l’événement Proxi-indus au parc des expositions de Metz début juin. À l’occasion d’un déplacement en janvier dernier sur le campus Brabois-Industrie, Sylvie Retailleau, ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche et Roland Lescure, ministre délégué à l’industrie assuraient d’une même voix que «l’innovation technologique était le nerf de la guerre de l’économie du XXIe siècle. Le lien entre l’innovation et la réalité industrielle est primordial.» Une innovation technique, en mettant réellement en interaction les différents acteurs mais également une innovation sociale. Dans ces périodes de changements de codes, d’évolution des mentalités sociétales, le modèle même de l’ESS (Économie sociale et solidaire) est lui aussi mis en avant et de plus en plus boosté s’affichant quasiment, pour certains, comme le modèle à mettre en place pour atteindre cette fameuse économie responsable. «Dans le climat actuel, l’ESS s’affiche comme un moteur d’un changement nécessaire de l’économie pour la rendre plus soutenable et plus humaine. Toutes les initiatives qui façonnent l’ESS doivent gagner en ampleur, trouver les chemins de l’innovation pour ouvrir la voie à un avenir choisi et faire en sorte que l’ESS soit contributrice à constituer un pilier de l’économie de demain», assure Chaynesse Khirouni, la présidente du Conseil départemental de Meurthe-et-Moselle. Un nouveau monde économique serait donc en marche dans lequel la structure même de l’entreprise se doit, selon cette logique, d’entamer sa mue. Après la résilience (toujours d’actualité) mise en avant à tout va pendant la période de la crise sanitaire et aujourd’hui avec la crise énergétique et celle économique et sociale qui est réellement en train de s’installer, le mot d’ordre résonnant dans quasiment tous les discours et celui de sobriété. Quid alors de l’entreprise sobre ? Les têtes pensantes des Universités de l’économie de demain ont dressé, dans leur manifeste dix commandements à destination des entreprises «pour engager l’économie sur le chemin d’une nouvelle prospérité grâce à la sobriété», comme l’indique le Mouvement Impact France regroupant une trentaine de réseaux d’entrepreneurs engagés dans cette démarche.


Les dix commandements...

Baisser sa consommation d’énergie : «en réalisant notamment son empreinte carbone et adopter un plan de réduction aligné sur les accords de Paris.» Favoriser autant que possible le recours à l’économie circulaire : «intégrer au moins la moitié des matériaux ou produits utilisés par l’entreprise d’origine recyclée ou de seconde main, développer l’ensemble des nouveaux produits en éco-conception et sur les produits existants appliquer une démarche d’éco-conception pour au moins un quart.» Communiquer sobrement : «en refusant toute campagne trompeuse à l’image du greenwashing et du socialwashing et participer à la désaturation des sollicitations marketing, notamment en ligne, développer la transparence sur les impacts écologiques et sociaux de chaque produit et de leur mode d’acheminement pour le e-commerce.» Développer une stratégie de long terme, en ligne avec les logiques planétaires : «en augmentant la part du chiffre d’affaires générée par des activités liées à l’économie d’usage, en substitution à la production matérielle.» Répondre aux besoins essentiels plutôt que d’en créer : «en intégrant une mission écologique et sociale au cœur de la stratégie de l’entreprise et l’inscrire de manière statutaire, lier la création de nouveaux produits à la réponse à un réel besoin écologique et social et les concevoir de manière accessible à tous.» Développer une stratégie R&D centrée sur l’innovation frugale : «en intégrant aux consortiums de recherche partenariale des entreprises à impacts inscrites dans des dynamiques de sobriété.» Relocaliser les activités et les emplois : «en choisissant notamment plus de deux tiers de ses fournisseurs dans la région, en France ou en Europe.» Développer un écosystème sobre : «avec notamment plus de 10 % d’achats réalisés auprès des partenaires agréés, certifiés ou labellisés.» Réduire les inégalités en intégrant une répartition équitable de la valeur : «en choisissant des écarts de rémunération transparents et équitables suivant la taille de l’entreprise.» Faire des salariés le fer de lance de la sobriété : «en embauchant un pourcentage de salariés en situation de fragilité (chômeurs de longue durée, personnes en situation de handicap), former 100 % des salariés à la transition écologique.» Ces fameux commandements pour les entreprises, acteurs de l’économie de demain, peuvent, chez certains, faire sourire ou être apparentés à une jolie utopie de doux rêveurs ! Reste que sur nos territoires, ils se mettent réellement en place et cela à tous les niveaux. La notion de réemploi, de reconditionnement, d’amélioration des consommations énergétiques, d’inclusion et d’insertion des personnes fragiles, sont aujourd’hui entrés au cœur de l’écosystème entrepreneurial. Au point, et cela sera sûrement l’une des dérives à surveiller de ces pseudos prises de conscience, d’en devenir une véritable manne de marchés pour certains opportunistes. L’économie de demain se construit dès maintenant. Il apparaît certain que les renoncements d’aujourd’hui pourraient bien devenir les revenus et bénéfices de demain.

Big tech : retour à la normale

Redescente sur terre pour les secteurs de la tech et surtout de la big tech ! Après avoir atteint une quasi apogée (notamment en terme boursier), c’est l’heure de la normalisation pour ces secteurs en hyper croissance. Au niveau local, certaines start-up, et entreprises confirmées, ont commencé à enregistrer plusieurs signes de faiblesse. La tech pour la tech semble avoir vécu. Dans le contexte actuel, plusieurs observateurs le constate. «Ce qui était une hyper croissance de la technologie se heurte à un mur d’incertitude majeur. Une croissance plus lente, avec la perspective d’une récession macro-économique, pousse certaines entreprises du numérique à réduire les coûts pour la première fois depuis la crise financière de 2008-2009. Le secteur de la tech n’est plus immunisé», assure un analyste financier.



Silver économie : pas de retraite en vue

En 2060, plus d’un Français sur trois aura plus de 60 ans ! Ils ne seront pas encore en retraite mais cette vieillesse florissante est aujourd’hui un levier économique indéniable créatrice d’emploi. Aides à la personne, technologie au service de la vieillesse, formation des auxiliaires de vie, construction d’habitats collectifs, rénovation de bâtiments publics et privés pour une plus grande accessibilité sont autant de domaines où l’activité dans les années à venir devraient être boostées. La génération silver représenteraient, rien dans l’Hexagone, un marché de près de 150 milliards d’euros.