Entretien

« L'emploi des cadres suit une dynamique positive », Valérie Fenaux, déléguée régionale de l'Apec en Hauts-de-France

Le marché des cadres semble plutôt épargné par la conjoncture actuelle. Le volume d'offres et les perspectives de recrutement restent supérieurs à 2021. Néanmoins, les cadres deviennent plus exigeants, un facteur qui amène les entreprises à s'améliorer sur divers points. Valérie Fenaux, déléguée régionale de l'Association pour l'emploi des cadres (APEC) en Hauts-de-France nous en dit plus.

« Le recrutement des cadres est stratégique, les compétences recherchées sont indispensables au développement des entreprises », souligne Valérie Fenaux.
« Le recrutement des cadres est stratégique, les compétences recherchées sont indispensables au développement des entreprises », souligne Valérie Fenaux.

Picardie La Gazette : Comment se porte le marché des cadres au troisième trimestre 2022 ?

Valérie Fenaux : L'emploi des cadres suit une dynamique positive, il n'y a pas de ralentissement notable ni de fléchissement sur le besoin malgré la crise ukrainienne et la crise énergétique. Le marché des cadres est moins touché par les effets de conjoncture que les autres, c'est un marché structurellement dynamique. Mais nous restons prudents compte tenu du contexte de crise. On compte actuellement 244 000 cadres en Hauts-de-France, des chiffres quasiment comparables à 2021. La région se place troisième à l'échelle nationale en termes d'effectifs de cadres, au coude-à-coude avec PACA et après Rhône-Alpes et Ile-de-France. Au mois d'octobre, le volume d'offres en Hauts-de-France reste supérieur à octobre 2021 (+19% de publications d'offre). Sur l'année 2022, on estime à 17 500 les prévisions de recrutement contre 16 190 en 2021. On ne rejoint pas encore le niveau d'avant-crise (18 000 en 2019).

Les salaires et le pouvoir d'achat sont au cœur des préoccupations, y compris pour les cadres ?

Le salaire est effectivement un des principaux critères tout comme l'intérêt des missions et la localisation géographique. Mais aujourd'hui, on constate que les cadres sont aussi particulièrement préoccupés par les jours de télétravail autorisés et l'engagement RSE des entreprises. Cela s'est vraiment accéléré et amplifié avec la crise : 47% des candidats sont réticents à une offre sans télétravail. Le critère Responsabilité sociale et sociétale progresse également : la RSE peut disqualifier les entreprises qui sont plus négligentes. La preuve en chiffres, 56% des candidats ne veulent pas rejoindre une société qui n'a pas mis en place une politique RSE.

Quels sont les bassins attractifs en Hauts-de-France pour l'emploi cadre ?

La MEL reste la zone la plus attractive des Hauts-de-France en regroupant 40% de l'emploi cadre en région. Le sud de l'Oise à partir de Compiègne bénéficie également d'une certaine attractivité avec de nombreux sièges sociaux et services à forte valeur ajoutée. Quant aux autres bassins d'emploi, on note un besoin de cadres dans le Valenciennois, avec notamment le dynamisme de la filière ferroviaire et automobile, mais aussi dans le Dunkerquois et le Beauvaisis avec des secteurs comme l'agroalimentaire et la chimie qui recrutent. En revanche, certains territoires à l'image de l'Avesnois, le Bassin minier et le département de l'Aisne n'attirent que très peu de cadres.

Quels sont les secteurs qui recrutent ?

Le commerce (12% en région contre 9% en France) et l'industrie (16% contre 14%) restent les secteurs les plus pourvoyeurs en région. C'est l'inverse pour les services, ils représentent 65% des offres en région contre 71% à l'échelle nationale. En moyenne, 51% des recrutements sont jugés difficiles en région. Concernant la fonction d'informaticien par exemple, 86% des recrutements sont jugées difficiles. Nous manquons cruellement de main d'œuvre sur ces métiers.

Pour les entreprises en difficulté de recrutement, l'apprentissage est-il une solution ?

L'APEC accompagne les entreprises sur des prestations de conseil, de sourcing, de mise en relation et de conseil en évolution professionnelle. Nous guidons aussi les entreprises vers la recherche d'apprentis. L'apprentissage est un formidable levier et outil d'insertion*.

Selon Valérie Fenaux, « 56% des candidats ne veulent pas rejoindre une société qui n'a pas mis en place une politique RSE ». ©BullRun

Êtes-vous confiants pour l'emploi cadre dans les années à venir ?

Nous sommes confiants car nous ne voyons pas de rupture sur la dynamique mais la prudence s'impose avec la crise de l'énergie et le remboursement de prêts. Le recrutement des cadres est stratégique, les compétences recherchées sont indispensables au développement des entreprises. Il y a un potentiel de recrutement énorme sur le digital, l'industrie du futur ou encore l'économie verte. Ce sont des secteurs d'avenir où l'emploi cadre est indispensable.

*Dans la région, on compte aujourd'hui 54 000 alternants contre 45 000 en 2020. L'Apec et le Medef se mobilisent pour promouvoir l'apprentissage dans l'enseignement supérieur. L'Association pour l'emploi des cadres accompagne plus de 50 000 jeunes apprentis en France et 5 000 en Hauts-de-France.