L'économie régionale reprend son souffle... mais jusqu'à quand ?
Depuis 20 ans, les Rencontres
régionales de l'économie permettent de prendre le pouls de
l'activité économique des Hauts-de-France. Après une année 2020
atypique, plombée par le Covid, la situation en 2021 s'est nettement
redressée malgré des inquiétudes qui persistent, notamment avec
la situation ukrainienne.
«La
crise a été très bien gérée grâce aux dispositifs mis en place
par l'Etat (plus de 8,5 M€ de PGE octroyés en Hauts-de-France) et
2021 a vu un rebond de croissance de 7%. Les prévisions
de croissance pour 2022 s'affichent à 3,6% en France», détaille Kathie Werquin-Wattebled, directrice régionale de la
Banque de France. L'économie française s'est donc montrée
résiliente. Reste à voir son évolution avec la crise qui touche
l'Ukraine.
Les tendances sont similaires en Hauts-de-France avec une activité régionale qui a bondi en 2021 dans la majorité des secteurs d'activité. La vigilance reste de mise sur l'agriculture. Tour d'horizon.
Les
agriculteurs encore incertains sur leur avenir
Décevante
en termes de rendements, de volumes et de résultats, l'année
difficile de 2020 semble avoir été balayée par les bons résultats
de 2021, notamment pour les filières végétales et en particulier
les céréales, portées par une demande mondiale soutenue.
Des
résultats qui restent à nuancer pour certaines filières : la
jaunisse ayant touché les plantations, la filière betterave
reste fragile et peine à se redresser après des années
marquées par des fermetures de sucreries, les aléas climatiques et
sanitaires. Idem pour la filière porcine : seuls 21% des
agriculteurs jugent leur situation économique «bonne»
ou «plutôt bonne».
Le Nord, l'Oise et la Somme s'en sortent plutôt bien alors que le
Pas-de-Calais et l'Aisne font grise mine.
Si
la situation économique est jugée bonne ou plutôt bonne pour six agriculteurs sur dix et qu'un tiers d'entre eux note une amélioration
de la situation économique par rapport à 2020, l'impact des hausses
des charges sur la santé économique des exploitations arrive au
premier rang des préoccupations pour neuf agriculteurs sur dix.
«La
balance commerciale se tend depuis trois ans avec un
déficit de 752 M€ : +158 M€ pour les produits bruts mais -910 M€
pour les produits transformés», détaille Pascale Nempont, chef
du service stratégie et prospective de la chambre d'agriculture du
Nord. Autrement dit, à titre d'exemple, on cultive beaucoup de
pommes de terre en Hauts-de-France qui sont transformées en frites
dans le Pas-de-Calais pour revenir... en Hauts-de-France.
Forte
reprise pour l'industrie
Avec
un chiffre d'affaires en hausse de 11,2% en 2021 et des perspectives
à +8,1% en 2022, l'industrie a connu une belle progression malgré des effectifs en diminution et un moindre recours à
l'intérim. Les investissements ont progressé dans l'ensemble des
secteurs (+20%), à l'exception de la fabrication des matériels de
transport qui avaient massivement investi les années précédentes.
«L'année
a été très bonne : plus des trois quarts des entreprises industrielles
observent une stabilité et le secteur continue d'embaucher, mais dans
une moindre mesure», poursuit Kathie Werquin-Wattebled. Pour
2022, une progression de l'activité supérieure aux niveaux
d'avant-crise s'annonce pour tous les secteurs : la moitié des
industries régionales s'attendent à une hausse de leur rentabilité
pour cette année.
Optimisme
et rebond pour le BTP et les services
Fortement
frappé par le confinement et l'arrêt total des chantiers, le BTP a
bien remonté la pente : la hausse de la production totale en 2021
(+10,6%) a largement dépassé les prévisions précédemment
formulées. Ainsi, 84% des entreprises ont maintenu leur rentabilité
en dépit des augmentations tarifaires et les investissements ont
augmenté de plus de 29%. Autre signe d'optimisme : seule une
entreprise sur quinze s'attend à une diminution de son carnet de
commandes.
Du
côté des services marchands, le chiffre d'affaires a lui aussi
bondi à +7,7% et 82% des entreprises ont préservé leur rentabilité
; une entreprise sur deux a même vu sa rentabilité augmenter. Les
perspectives restent bonnes pour 2022 avec une hausse de 4,2% du
chiffre d'affaires.
L'artisanat
se prépare à l'avenir
Elles
sont plus de 110 000 entreprises dans les Hauts-de-France à avoir
retrouvé des couleurs après une année 2020 marquée par les
fermetures de boutiques et la nécessaire adaptation digitale. Dans
l'artisanat alimentaire, une entreprise sur trois a investi en 2021, un
niveau proche de celui d'avant-crise. «Mais elles restent encore
très sensibles au contexte économique global et à l'évolution
sanitaire», tempère Julien Choquet de la Chambre de métiers et
de l'artisanat. Malgré tout, les trois quarts des entreprises ont maintenu
leurs effectifs, mais seules un tiers ont investi en 2021. Pour
presque la moitié des entreprises, la situation économique reste
moyenne, une reprise présente donc, mais encore timide.
D'un
point de vue plus global, la région a dépassé son niveau d'emploi
d'avant-crise : on a recensé plus de 23 190 emplois par rapport à
2019, quasiment dans tous les secteurs sauf l'industrie qui continue
de perdre des effectifs (-2,1%). «Il
y a aussi eu un record sur les créations d'entreprises
(+21%), essentiellement des micro-entreprises pour sept créations sur dix», détaille Grégory
Stanislawski, directeur des études à la CCI Hauts-de-France.
Néanmoins,
il pointe des goulets d'étranglement faisant craindre à une entrave
de la croissance : la crise en Ukraine mais aussi l'augmentation des
matières premières, les difficultés d'approvisionnement,
l'augmentation du prix de l'énergie et des coûts de transports. «La
guerre en Ukraine va porter un coup dur à la confiance des
entreprises et des ménages», assure-t-il. La pleine reprise économique n'est donc pas encore pour
tout de suite...