L’international, réelle opportunité de croissance
Trouver la croissance à l’international n’est pas du domaine de l’impossible. Les sociétés Promod et Lesaffre s’y sont engagées depuis longtemps. Elles en ont témoigné lors d’une table ronde organisée par le cabinet pluridisciplinaire d’audit, juridique & fiscal et de conseil EY et la banque HSBC.
Après avoir organisé l’an dernier un premier atelier de sensibilisation à l’international sur la thématique «Le monde est à vous… Allez conquérir votre croissance !» − avec les témoignages de Francis Picha, du groupe Trato TLV, et de Françis Lavaste, de la société Netasq −, le cabinet EY, en partenariat avec la banque HSBC et La Gazette du Nord – Pas de Calais, a récidivé le 20 mars en proposant cette fois un éclairage sur les étapes clés d’un projet de développement en direction des pays émergents, «Destinations phares et prometteuses en termes de croissance».
A la trentaine de chefs d’entreprise, directeurs administratifs, directeurs financiers, directeurs d’exploitation… réunis dans les bureaux lillois d’EY, Vincent Debels, directeur financier de Promod, et Bertrand de Waegeneire, directeur financement trésorerie et relations bancaires de Lesaffre, ont apporté le témoignage du vécu de leurs entreprises à l’international. Toutes deux ont leur siège à Marcq-en-Barœul. La première (1 000 magasins, spécialisée dans le prêt-à-porter) est présente dans 50 pays et réalise 60% de son chiffre d’affaires, 1 Md€, hors de France. La seconde, acteur référent sur le plan mondial de la panification, la nutrition et la santé, affiche un chiffre d’affaires de 1,56 Md€, dont la majorité est effectuée hors de France au travers de plus de 70 filiales et de 45 usines installées dans 40 pays et des produits distribués dans 180 pays.
Les pays émergents, des opportunités à saisir. «En 2050, sur les 30 économies leaders, 19 seront des pays émergents. La Chine au premier rang, mais aussi dans le top 10 l’Inde, le Brésil, le Mexique, puis la Turquie, la Russie, l’Indonésie, l’Argentine, la Malaisie, l’Egypte…». D’entrée de jeu, Régis Barriac, directeur de l’international, marché des entreprises chez HSBC, a planté le décor des opportunités à trouver la croissance dans les pays émergents sur la base d’une étude réalisée par HSBC sur les perspectives de l’économie mondiale à l’horizon 2050. Pour les sceptiques, «dans les trois décennies à venir, les pays émergents contribueront deux fois plus à la croissance mondiale que les pays de l’OCDE (…), avec une accélération dans les zones Asie et Amérique latine». Et la France ? HSBC est confiant : actuelle 6e économie mondiale, elle sera dans le top 10 à la 9e place et ses entreprises ne seront pas absentes des secteurs prometteurs : mieux se nourrir, mieux se soigner, mieux vivre en ville et mieux communiquer.
Quelle stratégie d’investissement ? «Chaque jour, plus d’1 milliard d’humains se nourrit grâce à nos produits. Nous réfléchissons à comment subvenir aux besoins du marché aux niveaux local, régional, national. Là où le besoin est fort, là sont nos marchés naturels. Etre sur place avec une étiquette nationale est un facilitant mais une partie de notre activité est du grand export, entre autres, là où nous ne trouvons pas les moyens permettant de produire…” , explique Bertrand de Waegeneire, directeur financement trésorerie et relations bancaires de Lesaffre.
«Promod est absente de l’hémisphère Sud pour cause de saisonnalité inversée. Notre présence à l’international se fait soit en filiale directe − plutôt dans les grands pays, comme récemment avec notre joint-venture indien −, soit en contrat de distribution avec un distributeur local. Nous avons l’ambition de devenir une marque mondiale. Elle a d’ailleurs été déposée dans tous les pays. Notre culture est celle du commerce, nous sommes avant tout des commerçants. Une décision d’implantation peut se concrétiser très vite. L’avenir, c’est aussi le web. Nous avons des sites en France, Espagne, Italie, Allemagne, Angleterre, Pologne. Nous avons une demande très forte de nos partenaires des gros pays émergents. On est bien conscient que l’avenir du fashion passe aussi par Internet. Il y a un potentiel formidable pour le multicanal.», renchérit Vincent Debels, directeur financier de Promod.
Quel financement ? Ici, une certitude : il faut intégrer cette réflexion dans le projet. Si Promod, qui n’a pas les besoins d’un industriel, utilise les financements “intergroupe” en recourant à l’international aux financements bancaires de façon opportuniste, Lesaffre se veut pragmatique et fait en sorte de s’adapter aux réglementations différentes selon les pays. «L’Inde, la Chine, la Russie ont des structures financières et bancaires différentes avec des pouvoirs publics plus ou moins présents. Les autorités chinoises, par exemple, peuvent décider d’ouvrir ou fermer les vannes des crédits du jour au lendemain, car cela fait partie des outils qu’ils utilisent pour réguler leur croissance.»
Sur quels réseaux s’appuyer ? «On a toujours besoin d’appuis et de conseils» et la première recommandation est de passer par les ambassades et Ubifrance. «Ils ont les contacts et les connaissances qui peuvent permettre d’éviter les erreurs de débutants.» Ce que confirme Régis Barriac pour qui «Ubifrance – avec qui HSBC a signé un accord de partenariat – est incontournable par le nombre de pays couverts (plus de 60), de personnes en poste à l’étranger et par son organisation en filières synonyme d’expertise sectorielle».
J’y suis. Comment je gère ? Expatriés ou contrats locaux ? Si Promod, qui a longtemps privilégié les expatriés, s’appuie aujourd’hui aussi sur des contrats locaux mais le plus souvent de culture francophone, Lesaffre dont la problématique est industrielle a besoin de «gens formés chez nous et qui ont la culture industrielle Lesaffre». Pour les directions fonctionnelles, la tendance est au local.
Antoine Vignéras, avocat EY société d’avocats et responsable des activités de développement international, et Mohamed Mabrouck, associé EY et responsable des activités accounting, ont ajouté que «la tendance est à la maîtrise des coûts de mobilité internationale» et que «de plus en plus d’entreprises choisissent l’envoi d’étrangers sous contrat local en y ajoutant la prise en charge d’avantages minimums».
Quelle gestion des risques ? «Si vous ne pensez qu’aux risques, il faut rester en France», explique Bertrand de Waegeneire, pour qui «les dernières études internationales montrent que la majorité des fraudes sont internes aux entreprises». «Les risques de copie existent quels que soient les pays. Notre stratégie place l’innovation au cœur de notre développement par rapport à nos concurrents.» Le risque politique est assumé par la direction générale qui juge de l’opportunité ou non d’un investissement : «Nous sommes en Ukraine depuis 2003 et même en ces temps un peu mouvementés, nous ne remettons pas en cause cette présence industrielle.» Sur le risque devises, «une façon de le limiter a été de nous implanter sur place pour acheter, produire et vendre dans une même devise. Notre risque est donc principalement bilanciel, même si nous avons aussi à gérer un risque opérationnel. Mais ce n’est pas un risque de change qui va nous empêcher d’aller dans un pays.» Idem pour Promod que le risque de change n’empêche pas d’aller dans un pays, que ce soit en direct ou via un distributeur local. Dans les pays émergents, Promod facture ses partenaires en USD ou en euros, mais subit le risque de change économique, car si son partenaire doit subir une grosse baisse de sa devise locale dans laquelle les ventes sont réalisées, Promod est bien évidemment indirectement concerné par l’évolution économique de son distributeur qui n’a d’autre choix, à plus ou moins brève échéance, que d’ajuster ses prix de vente, la question étant de savoir si les concurrents suivent (et quand)…
En ce qui concerne le risque client, c’est-à-dire le risque de défaillance d’un distributeur local dans un pays émergent, la parade qu’utilise Promod est l’ouverture par chacun de ses distributeurs de lettres de crédit stand by, que Promod fait confirmer par une de ses banques en Europe. La problématique de corruption n’est pas totalement absente, quoique limitée, mais chez Promod comme chez Lesaffre, si cela existe, on refuse catégoriquement de rentrer dans le jeu, même si cela a eu pour conséquence parfois de rendre plus longues ou compliquées certaines négociations. A vrai dire, c’est de la toute petite corruption locale dont a parfois été victime Promod, par exemple 1 bouteille de vodka à un contrôleur fiscal.
Des baromètres trimestriels «Pays émergents», publiés par les équipes EY Nord de France à l’occasion de cette série d’ateliers sur le développement international, sont disponibles auprès du bureau lillois (14, rue du Vieux-Faubourg − tél. : 03 28 04 35 03).