L’entreprise et les salariés : licenciements économiques

Obligation de reclassement. Les possibilités de reclassement doivent être recherchées à l’intérieur du groupe auquel appartient l’employeur parmi les entreprises dont les activités, l’organisation ou le lieu d’exploitation permettent la permutation de tout ou partie du personnel. La seule détention du capital d’une société par d’autres sociétés n’implique pas en soi la possibilité d’effectuer entre elles la permutation de tout ou partie de leur personnel (cass. soc. 22 janvier 2014 – pourvoi n° 12-19099).
Un directeur de publicité avait été licencié pour motif économique. Pour dire ce licenciement sans cause réelle et sérieuse et condamner l’entreprise à payer au salarié une indemnité à ce titre, les juges du fond avaient retenu que l’entreprise était détenue à parts égales par deux autres sociétés et que ses démarches de reclassement réalisées auprès de ces sociétés avaient été tardives et insuffisamment individualisées. La Cour de cassation rappelle que les possibilités de reclassement doivent être recherchées à l’intérieur du groupe auquel appartient l’employeur concerné parmi les entreprises dont les activités, l’organisation ou le lieu d’exploitation leur permettent la permutation de tout ou partie du personnel. La seule détention du capital d’une société par d’autres sociétés n’implique pas en soi la possibilité d’effectuer entre elles cette permutation. Les juges du fond doivent donc caractériser l’existence d’un groupe au sein duquel le reclassement doit s’effectuer.

L’activité dans le cadre d’un contrat de franchise ne suffit pas à démontrer l’absence de possibilités de permutation de personnel (cass. soc. 15 janvier 2014 – pourvoi n° 12-22944).
Une vendeuse, employée par une entreprise faisant partie d’un réseau de franchise, avait été licenciée pour motif économique. Les juges du fond l’avaient déboutée de ses demandes en paiement de diverses indemnités pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : le respect de l’obligation de reclassement doit s’apprécier au regard de la taille de l’entreprise. La notion de groupe s’entend de la structure dont les activités, l’organisation ou le lieu de travail ou d’exploitation permettent la permutation de tout ou partie du personnel. Or, tel n’était pas le cas en l’espèce : le contrat de franchise liant la société au réseau de franchise prévoyait expressément une totale indépendance et responsabilité du franchisé, dans tous les aspects de son exploitation et de sa gestion, excluant toute possibilité de permutation des personnels. La Haute cour censure cette décision.

La petite taille d’une société ne suffit pas à justifier de l’impossibilité d’un reclassement (cass. soc. 22 janvier 2014 – pourvoi n° 12-24273 12-24828).
Deux salariés avaient été licenciés économiques. Pour les juges du fond, le licenciement était dénué de cause réelle et sérieuse. De son côté, l’entreprise invoquait le fait qu’elle n’occupait que “treize salariés dont les trois concernés par les licenciements”.
La Cour de cassation rejette cette argumentation : la petite taille d’une société ne suffit pas à justifier de l’impossibilité d’un reclassement. Dès lors que les juges du fond ont relevé l’absence de recherches de reclassement et de formulation de propositions aux salariés, ils ont pu en déduire que l’employeur avait manqué à son obligation de reclassement.

Priorité de réembauche. Dès lors que l’employeur n’a pas respecté la priorité de réembauche demandée par le salarié, celui-ci peut prétendre, en application de l’article L. 1235-13 du code du travail, à une indemnité ne pouvant être inférieure à deux mois de salaire. Peu importe que l’intéressé ait retrouvé un emploi le mois précédent (cass. soc. 15 janvier 2014 – pourvoi n° 12-23869) ; Un employeur avait été condamné à verser à un salarié licencié pour motif économique des dommages et intérêts pour non-respect de la priorité de réembauche. Il soutenait que le non-respect de la priorité de réembauche n’ouvre droit à une indemnisation qu’à la condition que le salarié apporte la preuve du préjudice que lui a causé la violation de cette priorité. La Cour de cassation rejette cette argumentation et valide la décision des juges du fond.

Notion. Une baisse de rentabilité ne suffit pas à caractériser l’existence de difficultés économiques ou d’une menace pesant sur la compétitivité de l’entreprise à la date du licenciement. Les critères d’ordre des licenciements s’appliquent à l’ensemble des salariés relevant d’une même catégorie professionnelle (cass. soc. 22 janvier 2014 – pourvoi n° 12-23045 12-23046).
Deux salariées d’une étude notariale (rédacteur et clerc rédacteur avec statut cadre) avaient été licenciées pour motif économique par lettres du 22 avril 2009. Les juges d’appel avaient donné gain de cause à l’étude en relevant une baisse de chiffre d’affaires et de bénéfice.
La Cour de cassation invalide cette décision : la baisse de rentabilité de l’étude notariale ne suffisait pas à caractériser l’existence de difficultés économiques ou d’une menace pesant sur la compétitivité de l’entreprise à la date du licenciement. En outre, pour la Cour suprême, les critères d’ordre des licenciements s’appliquent à l’ensemble des salariés relevant d’une même catégorie professionnelle. Appartiennent à une même catégorie professionnelle les salariés qui exercent dans l’entreprise des activités de même nature, supposant une formation professionnelle commune. Les juges du fond devaient donc chercher si l’office notarial ne comptait pas d’autres salariés occupant des emplois de clerc et si ceux-ci n’exerçaient pas, quelle que soit leur qualification, des fonctions de même nature supposant une formation professionnelle commune.

Nullité. La procédure de licenciement ne peut être annulée par référence à la cause économique du licenciement, la validité du plan social étant indépendante de cette cause. (cass. soc. 22 janvier 2014 – pourvoi n° 12-23829).
En l’espèce, une société avait soumis à son comité central d’entreprise et au comité d’établissement un projet de fermeture de site impliquant des suppressions d’emplois, ainsi qu’un plan de sauvegarde de l’emploi (PSE) établi à cet effet. Après avoir pris connaissance du rapport de l’expert qu’il avait désigné, le comité d’établissement avait saisi un tribunal de grande instance pour qu’il soit jugé qu’aucune cause économique ne justifiait l’engagement d’une procédure de licenciement et obtenir l’annulation de celle-ci.