L’enquête publique est ouvertedu 16 août au 16 septembre

Après la mer d’Iroise et Mayotte, les estuaires picards et la Côte d’Opale sont en passe de constituer le troisième ou – si le projet prévu sur la côte Vermeille aboutit auparavant – le quatrième parc naturel marin français. L’enquête publique est ouverte jusqu’au 16 septembre : elle s’adresse aux structures intéressées mais aussi à tous les citoyens, y compris aux habitants saisonniers. Le projet définitif sera déposé sur le bureau de la ministre chargée de l’Ecologie avant Noël.

Al’extrême est de la Manche, à l’entrée de la mer du Nord, là où deux mers se rencontrent dans l’étroitesse du pas de Calais, les bancs de sable rejoignent les estuaires, poussés vers la côte par les courants et les flots. Là, dans l’alchimie d’un fleuve marin né de la rencontre des fleuves côtiers et des flots, vivent les peuples de la mer : du plus petit plancton aux poissons, oiseaux et mammifères marins. De tout temps, les hommes ont su tirer profit de cette situation originale, pêchant, chassant et cueillant de multiples produits de la mer, instaurant des voies commerciales transmanche et entre deux mers, tout en imaginant sans cesse de nouveaux usages des ressources marines. Les rivages sont alors lieux de vie et de travail, embellis par une mer aux couleurs d’opale. Riches de l’histoire des hommes, les paysages marins, incertains entre terre et mer, attirent les visiteurs venus le plus souvent du nord de l’Europe. Mais les profondeurs marines gardent leurs secrets, cachés au regard des hommes qui en ignorent souvent la nature. Connaître et faire connaître la vie de ces mondes si mobiles et si changeants, inaccessibles au plus grand nombre, protéger, valoriser et partager : tels sont les enjeux du parc naturel marin, nouvel outil de gestion issu de la volonté de ceux qui vivent de la mer, ici, dans les estuaires et le détroit.

Sept estuaires concernés. “Du sud de la baie de Somme au cap Blanc-Nez, la mer me paraît uniforme, vue du rivage, explique Marie-Dominique Montbrun, chef de la mission pour la création d’un parc naturel marin à l’ouvert des estuaires de la Somme, de l’Authie et de la Canche. Mais, en réalité, le milieu marin est très varié et recèle des reliefs sous-marins originaux. De leur bonne santé dépend la richesse biologique du secteur et, finalement, celle de la plupart des usages socio-économiques de la mer, y compris la vie de grands centres économiques comme celui de Boulognesur- Mer, premier port de pêche français.” Au terme de trois ans de concertation avec les acteurs locaux, le préfet du Pas-de-Calais, Pierre de Bousquet, le préfet de la région Picardie, Michel Delpuech, et le préfet maritime de la Manche et de la mer du Nord, Bruno Nielly, ont soumis à l’enquête publique les bases sur lesquelles sera arrêté le dossier de création d’un parc naturel marin à l’ouvert des estuaires de la Somme, de l’Authie et de la Canche. Le périmètre finalement proposé par l’Etat comprend l’espace marin incluant les sept estuaires du littoral compris entre Le Tréport et Ambleteuse (Bresle, Somme, Authie, Canche, Liane, Wimereux, Slack). Le linéaire côtier retenu, qui concerne trois départements (Seine-Maritime, Somme et Pas-de-Calais), est d’un peu plus de 200 km. Au large, il s’étend jusqu’à la limite du dispositif de séparation du trafic (DST) en place dans le détroit du pas de Calais.

Protection et développement durable. D’une superficie de 2 300 km², ce futur parc a l’ambition de répondre à la fois aux enjeux de protection du milieu marin et de développement durable des activités en mer et sur l’estran. Il donne aussi de la cohérence au dispositif “Natura 2000 en mer” déjà en place dans le pas de Calais. Cette zone maritime, située au coeur du couloir le plus fréquenté au monde, cumule des enjeux en termes de patrimoine naturel (dunes hydrauliques, oiseaux, mammifères marins, espèces migratrices entre eau salée et eau douce), de fonctionnement écologique (marées importantes avec de grandes zones d’estran, zones de reproduction ou de grossissement pour de nombreuses espèces aquatiques, paysages sous-marins représentatifs des milieux spécifiques à la Manche et à la mer du Nord) et de développement économique (maintien de la pêche artisanale, tourisme).

Un périmètre contesté. Bien sûr, l’adhésion de la communauté des acteurs marins au périmètre retenu sera un facteur essentiel de réussite. Néanmoins, il est à prévoir que toutes les parties prenantes n’exprimeront pas, au cours de l’enquête, le même point de vue. Déjà, les professionnels de la pêche, non convaincus de la pertinence de l’outil plus au large, se sont prononcés en faveur d’un périmètre limité à 6 milles nautiques des côtes. Ainsi, pour Olivier Leprêtre, s’exprimant au nom du Comité régional des pêches maritimes et des élevages marins Nord-Pas-de- Calais (CRPMEM), “il ne s’agit pas de contraindre uniquement les professionnels de la pêche”. De même, parmi les collectivités territoriales, le conseil général du Pas-de-Calais, initiateur de la démarche de labellisation des Deux-Caps, Grand Site national, s’est positionné sur un périmètre beaucoup plus restreint. En mer, serait-on moins ambitieux qu’à terre ?