L'Assemblée adopte enfin le budget de la Sécu, et se tourne vers l'inconnu

Au bout de quatre mois de tensions et de tractations l'Assemblée a adopté mercredi le budget de la Sécurité sociale pour 2025, en repoussant une nouvelle motion de censure, mais la chambre basse...

Une séance de questions au gouvernement à l'Assemblée nationale, à Paris, le 11 février 2025 © Thibaud MORITZ
Une séance de questions au gouvernement à l'Assemblée nationale, à Paris, le 11 février 2025 © Thibaud MORITZ

Au bout de quatre mois de tensions et de tractations l'Assemblée a adopté mercredi le budget de la Sécurité sociale pour 2025, en repoussant une nouvelle motion de censure, mais la chambre basse reste fracturée et guettée par la paralysie.

Trois 49.3 enclenchés par François Bayrou sur ce projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) lui ont valu trois motions de censure LFI sur ce texte qui avait coûté son poste à Michel Barnier.

Sans surprise, en l'absence du soutien des groupes PS et RN, la dernière n'a recueilli que 121 voix, loin des 289 nécessaires, un résultat qui emporte adoption du PLFSS à l'Assemblée.

Le texte ira désormais au Sénat, jeudi en commission et lundi dans l'hémicycle, où le gouvernement espère une adoption conforme, pour fermer définitivement la page budgétaire sans repasser devant les députés, après l'adoption du budget de l'Etat la semaine dernière.

"Nous voilà, peut-être, au terme d'un marathon", s'est félicité François Bayrou à la tribune, dont le gouvernement a négocié avec les socialistes pour échapper à la censure.

"Les pseudos-concessions pèsent peu face au rouleau compresseur austéritaire", a critiqué l'Insoumise Marianne Maximi en défense de la motion. "Ce PLFSS n'est parfait pour personne", mais "il en va de la crédibilité française", a répondu l'ancien ministre des Solidarités Paul Christophe (Horizons).

Le rapporteur général Thibault Bazin (LR), a lui martelé face au gouvernement l"impératif" de maîtriser le déficit de la Sécu, estimé à plus de 22 milliards d'euros pour 2025.

Mensonges

La pression est montée d'un cran sur François Bayrou mercredi lors des Questions au gouvernement, le député LFI Paul Vannier appelant - en vain - ses collègues à la censure, face aux "mensonges" du Premier ministre sur l'affaire des violences au collège-lycée Bétharram.

"Dans une démocratie adulte apaisée. Vous ne seriez pas là, monsieur le Premier ministre", a lancé Benjamin Lucas, pour le groupe écologiste, peu avant le rejet de la motion.

Passé à la moulinette de la censure, et des concessions accordées aux oppositions comme à la majorité, le budget de la Sécu prévoit une hausse des dépenses d'Assurance maladie de 3,4%, contre 2,6% initialement prévu, notamment parce que l'exécutif a rallongé d'un milliard d'euros l'enveloppe de l'hôpital.

Le gouvernement a dû renoncer à une hausse des tickets modérateurs (reste à charge du patient après le remboursement de l'assurance maladie), accepter de revoir à la baisse les efforts demandés aux entreprises concernant les exonérations de cotisations sociales, et faire le deuil de la désindexation des retraites sur l'inflation.

L'idée adoptée au Sénat d'instaurer sept heures de travail annuelles supplémentaires non rémunérées n'a pas non plus fait florès.

Piège à retardement

Dans la majorité, pas plus que dans les oppositions, la clôture de cette longue période d'incertitudes ne devrait donner lieu à des marques de joie excessives.

A gauche, l'épisode a profondément divisé le Nouveau Front populaire, et laisse un goût amer aux socialistes qui ont renoncé à la censure, parfois "la mort dans l'âme" face à un gouvernement engagé dans un virage à droite, sur le droit du sol ou la justice des mineurs.

Le groupe PS déposera une motion de censure en début de semaine prochaine, contre la "trumpisation et la lepénisation des esprits". Une initiative que certains députés socialistes rechignent à soutenir.

Les Insoumis appellent de leur côté à manifester partout dans le pays le 22 mars, date qui correspond également à la journée internationale contre le racisme.

Du côté du Rassemblement national, les cadres se réjouissent d'avoir obtenu "des victoires" grâce à la censure, tout en appelant plus que jamais à un "changement de dirigeants". 

Si le parti de Marine Le Pen donne le sentiment de ne pas vouloir censurer avant qu'une nouvelle dissolution ne soit possible, à partir de cet été, un changement de pied est toujours possible.

Dans le camp gouvernemental quelques-uns se félicitent que le PS ait renoué avec la "responsabilité".

Mais beaucoup craignent d'entrer dans un purgatoire, avec une Assemblée toujours divisée en trois blocs, ce qui la condamnerait à la paralysie. "Chacun a bien compris que cette législature ne servirait strictement à rien", bougonne un cadre macroniste.

"Aujourd'hui, je ne vois pas quel texte structurant on peut mettre sur la table", abonde un député LR, qui s'inquiète que la réouverture du débat sur les retraites ne soit un "piège à retardement". 

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