L’apprentissage entre voie royale et sélection

Contrats d’apprentissage, d’alternance, de professionnalisation ! Des terminologies hier à connotation négative, aujourd’hui elles reprennent leur revanche et s’affichent comme presque l’unique solution pour tenter de lutter contre les difficultés de recrutement rencontrées par la quasi-totalité des employeurs. Reste que l’apprenti est d’abord là pour apprendre...

Abattre la carte de l’apprentissage s’affiche aujourd’hui comme un moyen, pour bon nombre d’entreprises, de lutter contre les difficultés de recrutement.
Abattre la carte de l’apprentissage s’affiche aujourd’hui comme un moyen, pour bon nombre d’entreprises, de lutter contre les difficultés de recrutement.

48 112 apprentis ! C’est le nombre d’apprentis aujourd’hui comptabilisés dans la région (629 635 en France) à en croire les chiffres du dernier tableau de bord de l’Oref (Observatoire régional de l’emploi et de la formation) paru fin janvier. Une augmentation de + 15,2 % entre 2019 et 2020 et de + 107 % entre 1993 et 2020. Ce boom inexorable est plus que palpable aujourd’hui. Depuis la crise sanitaire de 2020 et la mise en œuvre du fameux plan : «1 jeune, 1 solution», jamais l’apprentissage et l’alternance n’ont été aussi autant mis en avant. Les aides exceptionnelles mises en œuvre pour inciter (et permettre) aux entreprises, principalement les TPE et PME, à continuer à abattre la carte de l’apprentissage y sont naturellement pour quelque chose. Ces avantages financiers (exonérations fiscales, primes, charges salariales basses) et une aide financière à l’embauche prolongée jusqu’au 30 juin 2022 «nous permettent de continuer à embaucher des apprentis, cela demeure dans notre ADN de former les jeunes, histoire notamment de garder nos savoir-faire en local.» Des témoignages comme celui de ce chef d’entreprise d’une PME industrielle de la région sont nombreux. Dans la région, la culture de l’apprentissage est forte du fait d’une histoire et d’une tradition industrielle ancrée dans les mœurs. La Lorraine, terre d’apprentissage ! Pas une nouveauté et les différents CFA (Centre de formation des apprentis) dans tous les secteurs d’activité continuent à faire vivre cette quasi-tradition. «L’apprentissage permet d’intégrer parfaitement le jeune pour qu’il puisse entrer dans la culture de l’entreprise, adhérer à ses valeurs et à ses principes, tout en apportant un regard neuf sur l’activité qui peut être bénéfique», assure un professionnel du bâtiment. Longtemps considéré comme cantonné à des secteurs spécifiques, à l’image de l’industrie, du bâtiment ou encore de la restauration, l’apprentissage est redevenu aujourd'hui une voie de formation professionnelle reconnue dans la quasi-totalité des secteurs.


Nouvelle typologie d’apprentis

Dans la région, cinq domaines de spécialités forment 83 % des apprentis avec en tête, à hauteur de 26,4 % la catégorie Échange et Gestion (comptabilité, administration, commerce et transport) suivi par les activités de transformation (agroalimentaire, métallurgie, plasturgie) à hauteur de 16,3 %. Les services à la personne représentent 13,5 % et la construction 11,2 %. «L'apprentissage progresse partout, mais est particulièrement dynamique sur les grandes entreprises et les hauts niveaux de diplôme», assure un professionnel du secteur. Les Bac+3 ou plus représentent la plus grosse part des entrées en apprentissage, soit 35 % du total, contre 26 % en 2019 et 21 % en 2018. Certains secteurs contribuent particulièrement à la hausse. Les activités de conseil, publicité, services juridiques et comptables enregistrent quasiment un doublement d'entrées en apprentissage entre 2019 et 2020 (+ 85 %), devant le commerce (+ 58 %) et la construction (+ 18 %). Ces chiffres tentent à démontrer que la typologie même des apprentis à changer. «Avant tout le monde, ou quasiment, pouvait entrer en apprentissage. Aujourd’hui, la sélection est plus poussée et on remarque que l’apprentissage bénéficie notamment aux plus qualifiés», assure un membre d’un Geiq (Groupement d’employeurs pour l’insertion et la qualification). Un apprentissage à deux vitesses serait-il en train d’apparaître ? Les jeunes, et moins jeunes, qui devraient être bénéficiaires de cette typologie de formation car jugés comme plus vulnérables apparaissent aujourd’hui être confrontés à une «concurrence» par d’autres jeunes déjà qualifiés mais ne trouvant pas de débouchés suite à leur formation initiale. Cet état de fait apparaît être accentué du fait des difficultés de recrutement rencontrées par bon nombre d’entreprises. «Aujourd’hui recruter un alternant est considéré, non plus comme une simple opportunité mais réellement comme un moyen pour faire face à un besoin immédiat de main-d’œuvre.» Avec ce type de tendance, l’apprentissage pourrait rapidement perdre ses lettres de noblesse déjà difficilement regagnées.

Apprentissage au féminin

35,4 % des apprentis dans la région sont des jeunes femmes à en croire les chiffres de l’Oref (Observatoire régional de l’emploi et de la formation). Elles s’orientent majoritairement vers les formation des services (62,3 %), les hommes vers les secteurs de la production. Les stéréotypes ont la vie dure.