L'amour et le deuil
Au programme cette semaine : deux films méconnus de Francis Ford Coppola et une oeuvre tout en finesse venue de Corée du Sud.
Francis Ford Coppola
Carlotta Films réédite deux films plutôt méconnus – mais indispensables – de l'immense cinéaste américain. Tout d'abord, Peggy Sue s’est mariée (1986), touchante comédie sentimentale dont l'héroïne, la quarantaine passée, vient de se séparer de Charlie, son grand amour de jeunesse. Un soir, Peggy Sue se rend à la fête des anciens du lycée Buchanan, promotion 1960, et retrouve tous ses camarades d’alors, avant de se fait élire reine de la soirée. Mais lorsqu’elle découvre Charlie dans l’assemblée, elle s’évanouit… pour se réveiller vingt-cinq ans plus tôt, à l’infirmerie du lycée ! Bien avant Camille redouble de Noémie Lvovsky, Francis Ford Coppola offrait déjà à son héroïne un retour dans les années lycée. Exploration des sixties à l’âge de tous les possibles, Peggy Sue s’est mariée est un voyage dans le temps en forme de conte de fées mélancolique. Aux côtés de Nicolas Cage, Kathleen Turner est bouleversante dans son rôle de femme à qui s’offre la possibilité de changer son destin… ou de parvenir à l’accepter.
L'année suivante, Francis Ford Coppola signe Jardins de pierre (1987), poignante plongée méditative dans les coulisses de la guerre du Vietnam, huit ans après le grandiose Apocalypse Now. Le récit s'ouvre en 1969 au cimetière militaire d’Arlington, en Virginie, alors que le lieutenant Jackie Willow est inhumé avec les honneurs de la nation. Avant de partir combattre au Vietnam, ce dernier avait fait ses premières armes au sein même de Fort Myer, chaperonné par le sergent Clell Hazard. Entre ce vétéran de Corée qui a cessé de croire à la nécessité de cette guerre et le jeune idéaliste Willow, une forte complicité s’était nouée au fil des mois… Uniquement situé à l’arrière du conflit, Jardins de pierre renouvelle le genre du film de guerre en troquant le spectaculaire pour la sobriété et l’intime. À travers son héros interprété par James Caan, le cinéaste livre en creux une réflexion humaniste sur la vie de soldat, entre fierté, culpabilité et doute.
Carlotta Films.
La Femme qui s’est enfuie
Cinéaste coréen prolifique – 26 films en 25 ans ! – Hong Sangsoo signe une nouvelle œuvre dans la même veine que ses précédentes, explorant inlassablement les relations hommes-femmes à travers un prisme mélancolique et loufoque qui, au fil de sa filmographie, est devenu sa marque de fabrique. L'intrigue, comme toujours, est assez mince et le récit suit les pas de Gamhee (incarnée par la charismatique Kim Minhee) qui rend visite à trois de ses anciennes amies pendant que son mari est en voyage d’affaires. A trois reprises, un homme surgit de manière inattendue et interrompt le fil tranquille de leurs conversations… Soit trois séquences cheminant sur le même thème de l'amour déçu où le cinéaste brosse le portrait tout en délicatesse de femmes interrogeant l’amour à travers des conversations en apparence banales mais qui dessinent une intimité aux insondables mystères. Parfois affublé de l'étiquette de Rohmer sud-coréen, le cinéaste creuse son propre sillon grâce à son art ténu de l'épure, abolissant avec légèreté les frontières entre réalisme et fantastique.
Capricci