L'amer anniversaire de l'Anru, pilier de la rénovation urbaine

La crise de la vingtaine ? Pilier de la politique de la ville, l'Agence nationale de la rénovation urbaine (Anru) fête ses vingt ans mardi en toute discrétion, quelques semaines après des émeutes historiques dans les...

Jean-Louis Borloo alors ministre délégué à la Ville lors du lancement de l'ANRU le 17 novembre 2003 au Grand amphithéâtre de la Sorbonne à Paris © FREDERICK FLORIN
Jean-Louis Borloo alors ministre délégué à la Ville lors du lancement de l'ANRU le 17 novembre 2003 au Grand amphithéâtre de la Sorbonne à Paris © FREDERICK FLORIN

La crise de la vingtaine ? Pilier de la politique de la ville, l'Agence nationale de la rénovation urbaine (Anru) fête ses vingt ans mardi en toute discrétion, quelques semaines après des émeutes historiques dans les quartiers populaires, là-même où elle agit le plus.

Instrument-phare voulu par Jean-Louis Borloo (alors ministre délégué à la Ville sous la présidence de Jacques Chirac) pour changer le visage des anciens grands ensembles, l'Anru a été créée par la Loi d'orientation et de programmation pour la ville et la rénovation urbaine du 1er août 2003.

Mais pour marquer le coup, l'agence a plutôt retenu la date du 9 février 2024, vingt ans après le décret qui officialisa sa création, avec un colloque dont les détails restent à définir.

Fêter l'anniversaire maintenant aurait semblé à contretemps, un mois après la vague de violences, de destructions et de pillages déclenchée dans de très nombreuses villes de France par la mort de Nahel, 17 ans, tué à Nanterre par un policier lors d'un contrôle routier.

Dans son magazine de juin 2023, publié juste avant ces émeutes, l'Anru se félicitait précisément de la future rénovation des tours Nuages, situées dans la cité Pablo-Picasso de Nanterre où habitait l'adolescent.

Pensée pour répondre à la paupérisation de ce qui s'appelait alors les "zones urbaines sensibles", l'Anru s'est illustrée par ses spectaculaires opérations de démolition-reconstruction de tours et barres d'immeubles, dont les images ont ponctué les journaux télévisés des années 2000.

Pour son premier programme (2004-2020), elle a engagé 12 milliards d'euros dans quelque 600 quartiers abritant 4 millions d'habitants.

Mixité sociale

Mais l'embrasement récent des quartiers populaires a réactivé les critiques, notamment de l'extrême droite, qui fustigent des politiques trop généreuses. "On déverse des milliards dans la politique de la ville avec en réalité zéro résultat", a ainsi soutenu Marine Le Pen (RN).

Des élus impliqués dans la politique de la ville balaient ces critiques, assurant que la situation serait bien pire sans ces programmes.

"S'il n'y avait pas eu l'Anru, est-qu'on aurait attendu 2023 pour avoir des émeutes comme ça ?", demande ainsi Catherine Arenou, maire divers droite de Chanteloup-les-Vignes, une commune populaire des Yvelines transformée par la rénovation urbaine.

"Il faut se souvenir des années 2000, des quartiers dont certains immeubles étaient dans un état de délabrement important", abonde l'actuelle présidente de l'Anru, Catherine Vautrin, en mettant en avant les emplois créés et les politiques sociales qui ont accompagné les projets.

"Personne ne s'en aperçoit maintenant, mais ça reste un dispositif exceptionnel", assure Catherine Arenou, qui loue "une capacité de regarder l'évolution d'un territoire en y intégrant, non pas exclusivement le logement, mais la qualité de vie, les équipements publics, la qualité de vie au quotidien..."

C'est pourtant une critique récurrente de l'Anru, réitérée mi-juin dans un rapport des députés LFI: ne pas avoir tenu ses promesses de mixité sociale.

"Faire des opérations d'urbanisme pour régler des problèmes n'est qu'une mince partie d'une éventuelle solution", appuie le député toulousain LFI François Piquemal. "Vous pouvez démolir toutes les tours que vous voulez, si vous n'avez pas une politique de droit commun d'accès à l'école, à l'emploi, vous n'allez pas améliorer la vie des gens."

Cette mission n'a pas été accomplie, reconnaît elle-même en creux Catherine Vautrin. "Aujourd'hui, malheureusement, dans certains quartiers, quand quelqu'un qui avait une situation précaire réussit, son symbole de réussite, c'est de partir."

Les Insoumis ont aussi critiqué l'impact écologique des démolitions-reconstructions de logements, trop souvent choisies, selon eux, au détriment de la rénovation.

"Il n'y a aucune doctrine de démolir pour démolir", rétorque Catherine Vautrin. La patronne de l'Anru préfère mettre en avant le programme "Quartiers résilients", lancé en 2022, qui flèche 100 millions d'euros vers le verdissement des opérations de rénovation.

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