Dossier spécial
L’alternance au secours des métiers en tension
La restauration, le bâtiment, l’industrie ou le médico-social ; autant de secteurs d’activités qui peinent à séduire et à trouver des candidats à l’emploi. Pour apporter des solutions pragmatiques, des entreprises et des collectivités s’engagent. Parcours personnalisés, remises à niveau, contrats de professionnalisation… La clef de la réussite passe désormais par l’alternance.

Prendre son avenir en main. Face aux difficultés pour recruter, certains dirigeants ont décidé de ne pas attendre un miracle, mais d’être à l’initiative en se tournant vers une offre de formation spécifique pour trouver des candidats et les faire monter en compétences. À Saint-Dizier, dix entreprises se sont récemment lancées dans le projet de l’école Avenir Industries en intégrant une cohorte de douze apprenants qui vont suivre un cursus commun. Après un SAS préparatoire, un contrat de professionnalisation leur est proposé avec deux employeurs sur une période de six mois. «En sortant d’un contrat en alternance, le taux d’embauche bondit pour dépasser les 80 %», explique Yann-Éric Heintz, directeur de l’agence de Saint-Dizier de France Travail, après avoir passé trois décennies en Meuse. Le fait que les entreprises s’engagent, qu’elles aient pensé ensemble cette formation en fonction de leurs besoins, qu’elles voient en amont les candidats, leur permet de ne pas subir la situation. Et dans ce contexte, France Travail dispose d’un outil apprécié avec la POE pour Préparation opérationnelle à l’emploi. L’enjeu pour l’employeur est de recruter et de former à ses propres métiers un demandeur d’emploi. Dans la pratique, la contractualisation avec l’entreprise débouchera sur 450 heures de tutorat et un parcours de formation. «Ces solutions au cas par cas ont le net avantage de favoriser une embauche dans 85 % des cas», explique l’expert de France Travail.
Le choix du pragmatisme
Outil stratégique pour les employeurs, la POE est révélatrice de la prise de conscience des dirigeants. Avec un taux de chômage bas depuis plusieurs années et un nombre de candidats réduit, l’heure est au pragmatisme. La quête du salarié idéal a laissé place à la recherche d’une posture, d’une envie, d’une motivation alors qu’auparavant seuls les diplômes et les expériences acquises comptaient. Une fois identifié, ce futur employé va ainsi être sensibilisé au contact du terrain. C’est d’ailleurs sur ce principe qu’est née depuis cinq ans la collaboration entre la Capeb de la Meuse et Afolor en charge d’un parcours personnalisé vers les métiers de maçon et plaquiste. Cette initiative financée par la région Grand Est a un double objectif : trouver de la main-d’œuvre pour le bâtiment mais aussi une solution d’insertion professionnelle pour des personnes éloignées de l’emploi. Douze stagiaires se sont ainsi engagés depuis début février ; un chiffre en nette augmentation par rapport à l’année précédente, révélant la mobilisation des différents prescripteurs que ce soient les Missions locales ou encore les différentes agences de France Travail. Les douze candidats vont suivre un cursus de quatre mois pour un total de 609 heures dont 175 passées en entreprise au cours de trois périodes, quand les cours théoriques seront assurés dans les locaux de la Capeb de Bar-le-Duc et au sein du plateau technique du pôle d’excellence rurale d’Écurey. En juin, le parcours se terminera avec l’ambition que les apprenants signent des contrats d’apprentissage et s’engagent auprès d’entreprises locales.
Les métiers du médico-social en souffrance
Au-delà du bâtiment ou de l’industrie, le médico-social est également à la peine… à la recherche de bras. Après avoir rencontré des difficultés pour recruter en interne dans ses équipes sociales et conscient que les autres employeurs publics comme privés partageaient tous ce constat, le département de la Meuse a choisi d’agir, mettant en avant sa casquette de chef de file de la compétence sociale. Dans ce territoire rural, la principale problématique était l’absence de toutes structures de formation, ce qui poussaient jusqu’à présent, les jeunes Meusiens à partir à Nancy ou Metz pour se former. Après y avoir créé leur réseau amical et professionnel, ces jeunes ne revenaient pas exercer leur métier dans leur département d’origine. L’idée a donc été de créer une formation non pas continue mais de miser sur l’apprentissage pour que les jeunes soient rapidement sur le terrain. Depuis septembre 2022, le lycée Alain Fournier accueille une antenne de l’IRTS de Lorraine avec deux diplômes préparés : éducateurs spécialisés et moniteurs éducateurs. Tous les élèves exercent ainsi dans des structures meusiennes. Sur ce même modèle d’alternance, une section d’auxiliaire puéricultrice est née à la rentrée 2024, à Verdun, pour apporter des solutions aux crèches qui peinent à recruter localement. L’heure est à la réflexion sur l’opportunité de créer une véritable filière des métiers sanitaire et social dans le cadre du pacte des solidarités. Est-ce envisageable ? Les conclusions devraient être connues au second semestre 2025. C’est par l’alternance, que tous ces recrutements dans des secteurs en tension ont été rendus possibles. Un véritable ticket gagnant-gagnant pour les employeurs, les publics en recherche d’emploi mais également les territoires enrichis par cette offre de formation sur mesure.
Une expérimentation qui fait pschitt
Permise par le décret N°2023-408 du 26 mai 2023 et s’inscrivant dans le cadre de la réforme de la VAE, l ’expérimentation sur la validation des acquis de l’expérience inversée s’appuie sur un contrat de professionnalisation pour proposer des formations personnalisées en vue de l’obtention d’une certification professionnelle. Concrètement, une personne peut donc s’engager sans avoir aucune expérience en lien avec le diplôme visé. D’une durée de trois ans, cette initiative devait permettre à 5 000 personnes d’acquérir tout ou partie d’un diplôme grâce à un contrat de professionnalisation rénové. Si l’idée était séduisante sur le papier, force est de constater que l’absence de ligne budgétaire limite le succès de ce dispositif innovant qui peine à se développer.