L'agroforesterie pour s'adapter au changement climatique
Encore méconnue, la pratique de l'agroforesterie revêt pourtant de nombreux avantages. Adrien Messéan, éleveur dans le sud de l'Aisne, membre de l'Association française d'agroforesterie (AFAF) la pratique depuis plusieurs années et n'y voit que des atouts. Cet éleveur de vaches limousines a planté en vingt ans environ 3 000 arbres et arbustes sous forme de haies. Leur présence permet d'enrichir les sols en matière organique, de nourrir ses vaches en période de sécheresse ou encore de limiter le ruissellement des eaux de pluie et de permettre une meilleure infiltration de celles-ci.
Sur les
terres d'Adrien Messéan à Oulchy-la-Ville, un élément dénote par
rapport à tant d'autres terres agricoles. Ici, pas de grandes
prairies et terres nues mais au contraire, des arbres, des arbustes,
des haies au beau milieu de sa quarantaine de vaches de race
Limousine destinées à l'agriculture biologique. Cet éleveur qui a repris la ferme de ses parents voilà
dix ans, pratique l'agroforesterie. « Grâce à cela, la ferme
est en autonomie complète c'est-à-dire que nous n'avons pas besoin
d'acheter des aliments à l'extérieur, nos vaches sont élevées et
engraissées avec le foin l'hiver, et l'herbe, les feuilles d'arbres
et les branches l'été, souligne l'éleveur. C'est déjà un premier
point positif et puis les bêtes apprécient d'avoir des arbres,
c'est une forme de confort pour elle pour se mettre à l'abri du
soleil l'été ou bien de la pluie et du vent l'hiver. »
Les arbres améliorent la qualité du sol
L'intérêt d'avoir des arbres et arbustes est multiple selon cet éleveur, administrateur de l'AFAF et qui intervient régulièrement auprès d'agriculteurs pour les sensibiliser à la pratique. « Les arbres apportent de la matière organique donc il peut être intéressant d'en planter sur des terres assez pauvres et puis par leur système racinaire, ils permettent d'aller chercher de l'eau profondément dans le sol, de faire remonter de la fraîcheur et de ramener de la vie dans le sol, explique Adrien Messéan. Les arbres utilisent également l'énergie solaire pour la photosynthèse, ils captent du carbone et améliorent la qualité et la fertilité du sol, sans qu'on ait besoin de mettre d'intrants. »
Depuis une vingtaine d'années, cet éleveur a planté environ 3 000 arbres et arbustes sur la quarantaine d'hectares de son exploitation qu'on retrouve essentiellement sous forme de haies et de bosquets. « Je l'ai fait non pas simplement pour faire un geste pour la planète mais bien parce que ça aide l'outil de production de la ferme, dit-il. Il y a 6 km de haies sur la ferme. On voit toute leur utilité depuis 2015 où des années de canicule et sécheresse se succèdent. Dès qu'il y a du vent et du soleil, les herbes sèchent parce qu'elles ont un système racinaire peu profond et elles deviennent de la paille. Un arbre peut puiser de l'eau jusqu'à 15 mètres de profondeur. À chaque sécheresse, les prairies sont en paille alors que les haies sont vertes et disponibles pour les vaches. »
Des haies disponibles lors des sécheresses
L'agroforesterie peut donc constituer une des réponses au changement climatique. « À l'inverse, quand il y a des excès d'eau comme on le connaît depuis cet hiver, la présence des arbres permet de limiter le ruissellement des eaux de pluie et de faciliter leur infiltration en douceur dans la terre, appuie-t-il. Cette eau est retenue par la végétation, cela évite les coulées de boue et ça permet d'augmenter les réserves d'eau disponibles pour le reste de l'année. »
Alimenter les bovins avec les feuilles et les branches d'arbres permet aussi de diversifier leur alimentation. « Il n'y a pas que les chèvres qui mangent de tout, les vaches ont aussi une grande capacité à mastiquer et à digérer des feuilles et des petits branchages, on les y habitue facilement et elles se reportent naturellement sur les haies, une espèce de garde-manger estival, en cas de sécheresse, note-t-il. Dans une prairie, il peut y avoir 40 espèces d'herbacées et plus c'est varié, mieux c'est pour les animaux. Si en plus, on y ajoute des arbres et arbustes, on leur apporte encore d'autres nutriments et oligoéléments. Il y a par exemple du tanin dans les feuilles d'arbre, les écorces et les racines, qui est intéressant pour aider les vaches à lutter contre des maladies et globalement aider à renforcer leur système immunitaire. »
Les
plus grosses branches qui ne peuvent pas être mangées par les
animaux peuvent servir comme bois de chauffage. « Une partie de
ce bois, au lieu de le brûler, on peut aussi le passer dans un
broyeur, en faire des copeaux qui vont aller dans la litière des
animaux et ainsi permettre de diminuer la quantité de paille, explique
l'éleveur. La matière organique produite sera d'ailleurs encore
plus riche lorsqu'on la sortira pour en faire du fumier et l'étaler
dans les champs. Le principe, c'est un peu rien ne se perd, tout se
transforme. »
L'agroforesterie comporte donc de nombreux avantages et était pratiquée plus régulièrement il y a plus d'un siècle. Elle se développe à nouveau et fait de nouveaux adeptes dans l'Aisne et ailleurs en France. La pratique permet à moyen et long terme d'en retirer tous les atouts décrits par l'éleveur du sud de l'Aisne.