Réflexion

L'agriculture de demain face au changement climatique

Le changement climatique se fait déjà ressentir dans les champs, les cultures et les élevages. Les agriculteurs sont déjà obligés de s'adapter, d'anticiper, d'expérimenter et seront amenés à le faire davantage encore à l'avenir. Une conférence sur le sujet a eu lieu au salon Terres Innovation à Chambry.

Des professionnels du monde agricole ont tenu une conférence sur l'agriculture face au changement climatique à Chambry.
Des professionnels du monde agricole ont tenu une conférence sur l'agriculture face au changement climatique à Chambry.

Ces dernières années comme ces dernières semaines, la région a connu des périodes de sécheresse, des inondations, des coulées de boue... Autant de manifestations concrètes du changement climatique. Lors du salon Terres Innovations réunissant les professionnels du monde agricole à Chambry, les prévisions actuelles annoncées peuvent même donner le tournis puisqu'en 2040, la température moyenne mesurée à Laon sera celle ressentie aujourd'hui à Brive (Corrèze). Face à ce changement de climat qui se fait déjà ressentir, les professionnels tentent de donner des pistes pour s'adapter.

Aléas climatiques plus fréquents

« La question de ce qui nous attend est posée depuis plusieurs années par nos adhérents du réseau, souligne Loïc Paillard de Cerfrance et de sa filiale R&D Peri-G. On commence à percevoir des effets dans les résultats techniques et économiques de nos exploitations avec un certain nombre de variations que l'on n'avait pas forcément dans nos historiques aussi bien dans les rendements que dans la comptabilité. Nous avons creusé cette question pour anticiper et conseiller au mieux. Nous constatons déjà dans la région une hausse de la température et par exemple à Laon, sur les 40 dernières années, on a gagné 2 degrés. On parle d'ici à 2050 de 2,5 à 3 degrés selon les efforts que l'on acceptera tous de faire. »

Ce changement climatique en cours provoquera selon lui « de gros à-coups climatiques sur l'eau et le gel et il est urgent de se saisir de ces sujets ». Plusieurs leviers existent : « On peut parler des sols, de l'aménagement des parcelles par exemple, liste-t-il. Nous allons avoir une variation sur les pluies donc il va falloir jouer énormément sur notre capacité à faire ruisseler l'eau et à la faire descendre dans les nappes. On peut aussi décaler les dates de semis, ce qui se commence à se faire et maximiser des pratiques sur des couvertures de sol. Nous avons désormais des années atypiques un peu chaque année, il faut s'adapter, c'est la base du métier d'agriculteur. » 

Travail des sols

Jean-Paul Bordes de Acta évoque lui l'agrivoltaïsme qui sert tout d'abord à produire de l'énergie sur les terres agricoles mais peut avoir des effets intéressants. « Il peut y avoir des effets d'ombrages qui vont limiter l'évapotranspiration par le sol et limiter la perte d'eau et cela peut aussi atténuer les effets d'épisodes violents de pluie et de grêles sur certaines cultures », indique-t-il.

Agro-Transfert travaille également sur ces sujets et notamment sur le projet Res'Eau qui vise à concevoir des systèmes d'agricultures plus résilients. « Nous travaillons sur plusieurs axes qui sont l'exposition au changement climatique, les leviers d'adaptation et les systèmes plus résilients, confirme Charlotte Demay-Journel, ingénieure agronome chez Agro-Transfert. L'exposition au changement climatique n'est pas la même partout mais il faut prendre en compte les risques de stress hydrique et thermique, et globalement mieux imaginer les risques pour les exploitations agricoles. »

Le salon Terres Innovation a réuni des professionnels du monde agricole à Chambry le 15 mai.


Elle estime que la région conserve tout de même un climat encore très propice à l'agriculture. « Les cultures de printemps vont être plus sensibles parce qu'elles vont avoir leur cycle sur la période estivale qui voit la multiplication de stress thermique et hydrique et elles sont sur des cycles courts donc elles ont peu l'opportunité de compenser contrairement aux cultures d'hiver qui peuvent rattraper les incidents climatiques, note-t-elle. Les cultures de printemps sont à très forte valeur ajoutée avec des exigences de qualité très fortes sur la filière donc cela conduit à un impact financier élevé en cas d'aléa climatique. Et puis il y a une variabilité d'une année sur l'autre, avec des sécheresses et des excès d'eau comme on le connaît actuellement qui fait que si on propose des variétés plus tolérantes à la sécheresse, cela ne fonctionnerait pas sur une année comme nous la connaissons. »

Ce changement climatique peut néanmoins être l'occasion de diversifier les cultures puisque la culture du tournesol remonte de plus en plus vers le nord et que la vigne se développe. « L'enjeu va être d'accompagner l'émergence de ces nouvelles filières et permettre à notre agriculture de continuer à se diversifier », précise Charlotte Demay-Journel. S'adapter restera plus que jamais le maître-mot de l'agriculture des prochaines années.