L'abaya, interdite à l'école, un symbole des frictions autour de la laïcité

L'abaya, nouveau symbole des frictions autour de la laïcité, est une longue robe traditionnelle couvrant le corps, que le gouvernement a décidé d'interdire à l'école en promettant...

Une femme porte une abaya dans une rue de Paris, le 28 août 2023 © MIGUEL MEDINA
Une femme porte une abaya dans une rue de Paris, le 28 août 2023 © MIGUEL MEDINA

L'abaya, nouveau symbole des frictions autour de la laïcité, est une longue robe traditionnelle couvrant le corps, que le gouvernement a décidé d'interdire à l'école en promettant des "règles claires au niveau national".

- Que dit la loi ? -

Selon la loi du 15 mars 2004, "dans les écoles, les collèges et les lycées publics, le port de signes ou tenues par lesquels les élèves manifestent ostensiblement une appartenance religieuse est interdit". 

Une circulaire du 18 mai 2004 précise que "les signes et tenues qui sont interdits sont ceux dont le port conduit à se faire immédiatement reconnaître par son appartenance religieuse tels que le voile islamique, quel que soit le nom qu'on lui donne, la kippa ou une croix de dimension manifestement excessive". 

Dans une circulaire du 9 novembre 2022, le ministère de l'Education souligne que le Conseil d'État distingue les signes ou tenues qui manifestent "par leur nature même, une appartenance religieuse", et ceux qui "peuvent le devenir" en raison "du comportement de l'élève". 

"Dans les deux cas, ils sont interdits", indique-t-elle.

Dimanche le ministre de l'Education Gabriel Attal l'a martelé: "On ne pourra plus porter d'abaya à l'école".

- L'abaya est-elle un "signe religieux ostensible" ? -

Dès sa nomination fin juillet, Gabriel Attal avait jugé qu'aller à l'école en abaya était "un geste religieux, visant à tester la résistance de la République".

Dans la circulaire de novembre, les abayas sont considérées -comme les bandanas et jupes longues, également cités- comme des tenues pouvant être interdites si elles sont "portées de manière à manifester ostensiblement une appartenance religieuse". 

Le Conseil français du culte musulman (CFCM) a estimé en juin que l'abaya "n'est pas" un signe religieux musulman. "C'est une forme de mode", a abondé dimanche sur BFMTV Abdallah Zekri, le vice-président du CFCM.

Mais pour Iannis Roder, directeur de l'observatoire de l’Education à la Fondation Jean Jaurès, "l'abaya est un vêtement qui répond à des injonctions religieuses. Et le porter c'est marquer une appartenance, notamment communautaire". 

Haoues Seniguer, maître de conférence à l'IEP de Lyon et spécialiste de l'islamisme, estime lui que l'abaya "c'est beaucoup plus ambivalent qu'un voile". "En contexte arabe ou dans les pays du Golfe", l'abaya "n'est pas fondamentalement ou initialement un vêtement religieux", rappelle-t-il. 

"La meilleure manière pour savoir si c'est religieux ou pas, c'est de savoir le sens que donnent à ce vêtement celles qui le portent".

Y-a-t-il une recrudescence des abayas?

Selon une note des services de l'Etat, dont l'AFP a obtenu copie, les atteintes à la laïcité ont augmenté de 120% entre l'année scolaire 2021/2022 et 2022/2023. 

Le port de signes et de tenues, qui constitue la majorité de ces atteintes, a quant à lui augmenté de plus de 150% tout au long de la dernière année scolaire.

Pour Iannis Roder "la hausse se sent depuis le printemps 2022 (...) Le phénomène est circonscrit à certains établissements et quartiers mais, l'abaya étant devenue par le fait des réseaux sociaux un objet viral, il a essaimé".

Comment faire respecter l'interdiction?

Gabriel Attal a assuré que les chefs d'établissements allaient prochainement recevoir "un ensemble de textes" afin de dissiper le "flou" autour des règles.

Sont attendues: une note de service précisant les règles, une actualisation du vademecum de la laïcité... Les chefs d'établissement disposeront aussi d'une lettre signée du ministre de l'Education qu'ils "pourront adresser aux familles concernées".

Un "accompagnement humain" est également prévu avec l'envoi possible d'équipes dans les établissements les plus concernés "dès la rentrée et pour plusieurs jours s'il le faut", a assuré M. Attal.

Mais "il n'y aura pas de négociation, c'est surtout de la pédagogie et du dialogue", a-t-il martelé.

La secrétaire d'Etat chargée de la citoyenneté Sonia Backès, a précisé sur BFM TV qu'il y aurait "un dialogue, et ça peut aller jusqu'à la sanction", via un conseil de discipline ou même une "délocalisation" de l'élève concerné.

Tout comme M. Attal, elle a aussi évoqué un "grand plan d'accompagnement, d'abord en termes de formation, des 14.000 chefs d'établissement" du pays. 

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