Droit
Justice : les syndicats attaquent l’État pour non-respect du droit européen du travail
Les syndicats de magistrats et de fonctionnaires du ministère de la Justice ont saisi la Commission européenne pour signaler un manquement au droit du travail européen de la part de l’État français. Une initiative qui s’inscrit dans le prolongement d’autres actions de mobilisation pour dénoncer leur souffrance au travail.
Les organisations syndicales de magistrats (USM, SM) et de fonctionnaires du ministère de la Justice (UNSA, CGT et CFDT) ont décidé «de porter plainte contre l’État français pour non-respect de la législation européenne en matière de droit du travail», applicable aux magistrats, a déclaré la présidente de l’Union syndicale des magistrats (USM, majoritaire), Céline Parisot, le 9 février 2022, au cours d’une conférence de presse.
Non-respect des règles relatives au temps de travail
Les syndicats ont adressé un signalement à la Commission européenne pour l’alerter sur le fait que le ministère de la Justice français ne respecte pas les règles relatives au temps de travail et au travail de nuit au sein des tribunaux. «Il n’existe en France aucun instrument de calcul de la charge de travail des magistrats» et «il apparaît que les autorités gouvernementales françaises comptent sur l’esprit de dévouement sans limite des magistrats judiciaires, mais également de l’ensemble des personnels judiciaires dont les greffiers», peut-on lire dans cette plainte. «Si la Commission juge la plainte sérieuse, elle demandera à l’État français de fournir des explications», lequel «disposera de 70 jours pour répondre», a expliqué la magistrate. Dans le cadre de cette procédure de plainte pour manquement au droit de l’UE, la Commission peut intimer à l’État membre concerné de prendre des mesures pour se mettre en conformité avec le droit européen.
Une nouvelle action pour dire la souffrance au travail
Cette initiative des organisations syndicales s’inscrit dans le prolongement des actions de mobilisation lancées ces derniers mois par les magistrats et les fonctionnaires de greffe pour dénoncer l’indignité de leurs conditions de travail, leur détresse et leur ras-le-bol. La tribune publiée dans le quotidien Le Monde, le 23 novembre dernier, pour dénoncer la souffrance au travail et la profonde crise que traverse l’institution judiciaire a ainsi recueilli la signature de plus de 7 500 magistrats, greffiers et auditeurs de justice. Elle est à l’origine du mouvement de mobilisation du 15 décembre 2021, auquel se sont associés les avocats, et qui avait donné lieu à des rassemblements devant des tribunaux dans toute la France et à une manifestation devant le ministère de l’Économie et des Finances, à Paris.
Risques psychosociaux : une demande d’expertise votée en CHSCT
Depuis, une demande d’expertise sur le risque grave auquel sont exposés les agents des services judiciaires a été votée par les organisations syndicales du ministère de la Justice, lors du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) du 25 janvier dernier. Puisque «le ministère ne fait pas le travail» en ce qui concerne la prévention des risques psychosociaux et la gestion prévisionnelle des emplois, «nous avons pris les devants», a expliqué Henri-Ferréol Billy, secrétaire national de la CGT des Chancelleries et services judiciaires. «Nous souhaitons que l’expertise démarre le plus vite possible», mais, depuis le vote du 25 janvier, «nous n’avons aucune nouvelle de la part de l’administration.»
Des actions locales pour mettre fin aux audiences tardives
Dernièrement, des initiatives ont été prises dans différents tribunaux, dont Lille, Nantes, Bobigny, Tours, et Nanterre, les juridictions, où «les magistrats ont établi des listes de missions qu’ils refusent désormais d’assurer» et où les syndicats «ont adopté des règles d’organisation afin qu’il n’y ait plus d’audiences après 21 heures», a précisé la présidente du Syndicat de la magistrature (SM), Kim Reuflet. Des actions qui pourraient faire boule de neige dans d’autres juridictions.
Miren LARTIGUE