Justice des mineurs: au Sénat, l'alliance gouvernementale se fissure mais rétablit des propositions d'Attal

L'initiative de Gabriel Attal pour "restaurer l'autorité" de la justice à l'égard des mineurs délinquants a révélé mardi des fragilités au sein de la coalition gouvernementale au Sénat, qui a néanmoins rétabli plusieurs propositions-clé de...

Le député et président du groupe parlementaire Ensemble pour la République, Gabriel Attal, à l'Assemblée nationale, à Paris, le 3 mars 2025 © STEPHANE DE SAKUTIN
Le député et président du groupe parlementaire Ensemble pour la République, Gabriel Attal, à l'Assemblée nationale, à Paris, le 3 mars 2025 © STEPHANE DE SAKUTIN

L'initiative de Gabriel Attal pour "restaurer l'autorité" de la justice à l'égard des mineurs délinquants a révélé mardi des fragilités au sein de la coalition gouvernementale au Sénat, qui a néanmoins rétabli plusieurs propositions-clé de l'ex-Premier ministre, comme un dispositif de comparution immédiate.

Sanction des parents des délinquants mineurs, dérogations à l'excuse de minorité... En réaction à plusieurs faits divers violents impliquant de plus en plus d'adolescents, Gabriel Attal peut espérer voir le Sénat adopter sa proposition de loi durcissant la justice applicable aux mineurs.

Mais après plusieurs heures de débats mardi soir et avant la fin de l'examen mercredi, le patron du parti présidentiel Renaissance fait encore face à des réticences. 

Celles des professionnels du monde judiciaire et de l'enfance, d'abord: des rassemblements ont eu lieu devant plusieurs tribunaux et devant le Sénat mardi à l'appel de syndicats de la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ).

Mais aussi celles, plus inattendues, de certains alliés politiques.

Après des discussions déjà mouvementées à l'Assemblée nationale en février, celles du Sénat ont donné lieu à de rares divergences au sein même du groupe Les Républicains, première force de la Haute assemblée pourtant alliée du parti présidentiel au gouvernement.

Comparution immédiate à 15 ans

En cause, la position du rapporteur LR Francis Szpiner, très sceptique sur l'intérêt de ce texte écrit selon lui "dans la précipitation".

"Rien n'est pire que les lois inutiles et inapplicables", a-t-il lancé dans la soirée, alertant ses collègues sur l'importance de "ne pas légiférer sous le coup de l'émotion" et craignant "une loi de circonstance".

Ce soutien de Bruno Retailleau dans la campagne des Républicains avait ainsi proposé et obtenu la suppression de la plupart des dispositifs clés en commission ces derniers jours, contre l'avis de plusieurs cadres de son camp LR et avec l'aide de la gauche...

Mais Gabriel Attal a pu compter sur de nombreux relais au Sénat pour obtenir le rétablissement de premiers dispositifs en fin de soirée. 

Favorable à l'initiative, le garde des Sceaux Gérald Darmanin s'est lui aussi démultiplié, priant le Sénat de "s'entendre pour garder la force du texte voulu par Gabriel Attal".

Très décriée par les professionnels et la gauche, une procédure de comparution immédiate spécifique aux mineurs, soutenue par le gouvernement, a finalement été rétablie avec les voix centristes, macronistes et d'une majorité du groupe LR: elle concernera des jeunes récidivistes âgés d'au moins 15 ans, pour des faits graves.

Cela va plus loin que la mesure adoptée par les députés, qui ciblait elle les mineurs d'au moins 16 ans.

Les débats autour de cette mesure ont suscité la colère de M. Szpiner, qui a accusé ses propres alliés LR de "confondre la justice et la justice expéditive". 

"Je me réjouis que vous ayez mis 15 ans, parce qu'au moins je sais que le Conseil constitutionnel le rejettera", a-t-il raillé, et "vous en prendrez la responsabilité".

Mais la position de ce ténor du barreau, qui concurrence Rachida Dati pour l'investiture de la droite à la mairie de Paris, s'est révélée être très minoritaire chez LR.

Excuse de minorité

Elle est "totalement contraire à la ligne défendue par Les Républicains, Bruno Retailleau et le Sénat ces dernières années", s'est agacé auprès de l'AFP Marc-Philippe Daubresse, l'un des cadres du groupe LR, appelant à la "cohérence".

La création d'une amende civile pour les parents qui ne répondraient pas aux convocations aux audiences a également été rétablie.

Mercredi, les débats tourneront largement autour de la modification du régime de l'excuse de minorité: M. Attal souhaite en faire l'exception et non plus la règle dans certains cas de figure. Là aussi, la mesure a été supprimée en commission mais pourrait renaître dans le texte final du Sénat.

La gauche, elle, a combattu en bloc toutes ces mesures, les jugeant tantôt inapplicables, tantôt inconstitutionnelles. 

"Nous ne faisons pas la loi, nous votons un tract politique", s'est désespéré le socialiste Eric Kerrouche, quand l'écologiste Guy Benarroche a dénoncé un texte qui "s'inscrit dans l'idéologie simpliste et démagogique du tout sécuritaire".

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