Journée Mondiale de l'Avocat en Danger : le Barreau de Lille soutient l'avocate Sonia Dahmani face à la barbarie
Le vendredi 24 janvier, le Tribunal Judicaire de Lille affichait son soutien aux avocats en danger partout dans le monde, avec une emphase particulière sur Sonia Dahmani, une avocate tunisienne emprisonnée depuis 9 mois pour s'être opposée au régime du président Kaïs Saïed.
La salle E du Tribunal Judiciaire de Lille était pleine ce vendredi 24 janvier 2025 pour la Journée Mondiale de l'Avocat en danger. Philippe Simoneau, Bâtonnier de l’Ordre des avocats au barreau de Lille, a été le premier à prendre la parole pour revenir sur différents évènements s'étant déroulés en ce premier mois de 2025, comme le cessez-le-feu à Gaza ou l'investiture du président américain Donald Trump, «sans commentaires» pour celui-ci. Philippe Simoneau a profité de l'occasion pour évoquer les attentats de Charlie Hebdo, qui ont eu lieu en janvier 2015, il y a désormais 10 ans, afin de réaffirmer son souhait de faire du 7 janvier une journée nationale de la liberté d'expression. «Nous devons rester vigilants face aux attaques contre la liberté d'expression» a-t-il ajouté.
Face aux attaques contre la liberté de la justice et des avocats en particulier, les deux sujets principaux concernaient les situations en Iran et en Tunisie. En Iran, la situation des femmes et des filles est de plus en plus préoccupante depuis 2022 et le mouvement «Femme, Vie, Liberté». De plus, depuis le lancement de ce mouvement, 163 avocats sont poursuivis par la justice uniquement à cause de leur profession. Depuis une semaine, 17 avocats ont également été convoqués dans l'est de l'Iran après avoir pris position sur les réseaux sociaux concernant l'illégalité de la loi sur le voile. Certains avocats ont vu leur licence retirée suite à cela.
Des conditions de détention inhumaines
Sur la situation en Tunisie, le barreau de Lille s'est concentré sur le cas de Sonia Dahmani. Cette dernière est emprisonnée depuis mai 2024 et est devenue l'un des symboles de l'opposition au président Kaïs Saïed et à sa politique d'hostilité aux migrants subsaharien venus, selon lui, «changer la composition démographique» de la Tunisie. Sonia Dahmani est donc emprisonnée à cause de ses prises de position et de quatre autres affaires, accusée de diffamer et de déstabiliser l’État tunisien. Présentes à Lille, la fille et la sœur de l'avocate, Nour Bettaïeb et Ramla Dahmani pour faire entendre leur voix pour la faire sortir de prison. Ramla Dahmani a d'ailleurs décrit le calvaire que subit sa sœur dans les geôles tunisiennes, afin de tenir la promesse de faire en sorte qu'elle ne soit pas oubliée.
Selon Ramla Dahmani, elle-même menacée et mise sur écoute lorsqu'elle était en Tunisie, sa sœur subit «un harcèlement quotidien en prison depuis son arrivée. Elle est obligée de porter une tenue qui cache sa féminité, a interdiction de se couper les cheveux et les ongles. Elle vit dans une cellule de 20 m2 insalubre avec quatre autres détenues, qui doivent côtoyer des rats, des cafards et des lézards». Les conditions de vie sont rudes, avec une chaleur pouvant atteindre 52°C l'été et descend sous le 0°C l'hiver. «La nourriture gèle l'hiver. Elle vit dans un frigo», ajoute Ramla Dahmani, qui assure devoir «se battre pour lui avoir un manteau». N'ayant pas de possibilité d'avoir d'eau chaude, l'avocate «a perdu sa sensibilité du bout des doigts aux coudes», en plus d'avoir développé du diabète et de la tension artérielle, le tout sans réelle possibilité de consulter un médecin, même dans l'enceinte de la prison.
Ne pas craquer face aux humiliations
Totalement coupée du monde, Sonia Dahmani a également été humiliée lors d'un de ses procès en appel. «Ils l'ont obligée à mettre une tenue habituellement portée par les prostituées et a été fouillée à nu par les gardiennes dans la prison», décrit, émue, Ramla Dahmani. Le calvaire de cette journée ne s'est pas arrêté là puisque selon sa sœur, l'avocate aurait été victime d'attouchements et violée par l'une des gardiennes et n'a pas été amenée au tribunal pour son procès en appel, «faute de temps». «On pensait avoir vu le pire», soupire avec la voix tremblante Ramla Dahmani.
Alors que le gouvernement la pousse à faire des excuses publiques, l'avocate «ne craque pas» et refuse de se plier à cette demande, ce qui «rend dingue» le gouvernement. Ce même vendredi 24 janvier, sa peine a été réduite par la Cour d'appel de Tunis, passant de deux ans à un an et demi. Insuffisant pour ses soutiens, qui souhaitaient la voir enfin libre, mais pour sa sœur, «ceux qui portent sa parole sont sa lumière dans l'obscurité de sa cellule».