Journée cruciale pour le mouvement de protestation agricole, des mesures attendues sur-le-champ

Le Premier ministre Gabriel Attal doit annoncer vendredi de premières mesures à effet rapide pour répondre aux revendications des agriculteurs qui manifestent depuis une semaine et décideront s'ils continuent, ou non, à bloquer des routes...

Des agriculteurs déversent du fumier lors d'une manifestation devant la préfecture de la Gironde à Bordeaux, le 25 janvier 2024 © Philippe LOPEZ
Des agriculteurs déversent du fumier lors d'une manifestation devant la préfecture de la Gironde à Bordeaux, le 25 janvier 2024 © Philippe LOPEZ

Le Premier ministre Gabriel Attal doit annoncer vendredi de premières mesures à effet rapide pour répondre aux revendications des agriculteurs qui manifestent depuis une semaine et décideront s'ils continuent, ou non, à bloquer des routes du nord au sud de la France.

Confronté à sa première crise depuis sa nomination, Gabriel Attal doit se rendre vendredi auprès des agriculteurs pour faire "des propositions concrètes de mesures de simplification", en compagnie du ministre de l'Agriculture Marc Fesneau, a-t-on appris auprès du cabinet de ce dernier. Selon la FNSEA, il ira en Haute-Garonne, où commença le premier blocage d'autoroutes il y a une semaine. Il est attendu sur le terrain l'après-midi, de sources concordantes.

Plus de 55.000 personnes se sont mobilisées jeudi, selon un décompte de la FNSEA, le syndicat agricole majoritaire proche du pouvoir, qui tente depuis une semaine de canaliser un mouvement démarré en Occitanie.

Rencontrés dans de multiples lieux de France par l'AFP, les agriculteurs ont des revendications diverses, selon qu'ils sont éleveurs de volailles frappés par la grippe aviaire l'an dernier, viticulteurs dont les vins se vendent moins, cultivateurs bio aux légumes boudés par les Français, ou grands céréaliers, comme Thierry Cazemajou, qui cultive du maïs doux et des haricots verts pour une grande marque de conserves à Sigalens en Gironde.

Pour lui, "le GNR (gazole non routier) c'est vraiment une priorité, une baisse primordiale: il faudrait revenir à 80 centimes hors taxes alors que l'on l'achète à 1,20 euro, c'est urgent, ça nous plombe !"

D'autres veulent un prix minimum pour leurs produits, ou le versement d'aides ou d'indemnisations dues de longue date, voire un moratoire sur l'interdiction des pesticides, comme nouvellement demandé par la FNSEA. Une partie des 140 revendications portées par le syndicat majoritaire nécessitent une loi ou des négociations à Bruxelles.

Bloquer les grands axes

Un peu partout dans le pays, les manifestants s'en sont pris jeudi à des symboles de l'Etat et des grandes surfaces, donnant l'image d'une colère se radicalisant.

Sans intervention des forces de l'ordre à ce stade, le ministre de l'Intérieur, Gérald Darmanin, estimant sur TF1 que les agriculteurs ne s'en prenaient pas aux policiers ni aux gendarmes, et ne mettaient pas le feu aux bâtiments publics.

A Agen, des manifestants ont déversé des pneus, du plastique, des cagettes et du fumier devant la gare, pendant qu'une autre équipe bloquait les voies. Un sanglier a été pendu devant un bâtiment de l'Inspection du travail.

A Bordeaux, des agriculteurs ont allumé des feux de paille et de palettes devant la préfecture et le conseil départemental, et déversé du fumier devant l'hôtel de région. 

Dans l'Oise, une centaine d’agriculteurs ont passé une nouvelle nuit sur l'autoroute A16, en attendant de voir s'ils pousseront jusqu'à Paris vendredi. 

Au sud de Lille (Nord), des manifestants ont bloqué la circulation sur l'A1. 

"Le but c'est de bloquer les grands axes routiers pour stopper toute la marchandise en gros qui est en mouvement sur le territoire", a indiqué à l'AFPTV Charles Demeyer, producteur d'endives dans le Nord. "En mettant la France à l'arrêt comme ça, peut-être qu'on aura des réponses".

Le député Renaissance Jean-René Cazeneuve a été enfariné par un agriculteur après des échanges houleux sur un barrage de l'Isle-Jourdain (Gers).

Et l'écologie?

Les ministres de l'Agriculture et de l'Economie mèneront vendredi, à 11H00, un comité de suivi des négociations commerciales entre la grande distribution et ses fournisseurs, censées sanctuariser le revenu des producteurs.

Les manifestations ont aussi ramené au premier plan les projets d'accords de libre-échange, notamment entre l'Union européenne et le Mercosur, qui regroupe des puissances commerciales d'Amérique du Sud, et auquel s'oppose une large part de la classe politique française.

En France, les importations d'aliments augmentent, sans avoir les mêmes normes sur les pesticides par exemple.

Alors que les agriculteurs sont également mobilisés en Allemagne, en Belgique, en Pologne ou en Suisse, le mouvement est populaire en France, mais tous les syndicats ne plaident pas pour sabrer les normes environnementales. La Confédération paysanne, 3e syndicat représentatif, classé à gauche, propose des solutions bien différentes de celles des syndicats FNSEA, Jeunes agriculteurs et Coordination rurale.

Les ONG écologistes s'alarment des appels à débrider les règles sur l'eau ou les pesticides.

"Ce n'est pas en réduisant les mesures environnementales que l'agriculture règlera sa crise, au contraire, ça ne fera qu'aggraver la situation", dit Sandrine Bélier, directrice de l'ONG "Humanité et Biodiversité".

Deux experts qui siègent avec la FNSEA dans des conseils environnementaux confient d'ailleurs à l'AFP leur sidération face à la subite surenchère du syndicat.

34GT3DZ