Jeumont et Arras dans un projet autonome

Les deux centres de formation rattachés à la Fédération compagnonnique des métiers du bâtiment espèrent que l’apprentissage sera enfin bel et bien considéré comme une voie royale.

Michel Lamarque (à droite), en compagnie de Luc Dhenin, formateur en couverture depuis juillet 2016 (à gauche) et de Viktor Sotiau, en CAP, apprenti en zinguerie.
Michel Lamarque (à droite), en compagnie de Luc Dhenin, formateur en couverture depuis juillet 2016 (à gauche) et de Viktor Sotiau, en CAP, apprenti en zinguerie.
D.R.

Michel Lamarque (à droite), en compagnie de Luc Dhenin, formateur en couverture depuis juillet 2016 (à gauche), et de Viktor Sotiau, en CAP, apprenti en zinguerie.

Le 19 décembre 2015, la Fédération compagnonnique des métiers du bâtiment Nord − Pas-de-Calais − Picardie s’est créée sous statut associatif. Autrement dit, les deux centres de formation de Jeumont, dans le Nord, et d’Arras, dans le Pas-de-Calais, ont décidé de prendre leur indépendance vis-à-vis de Paris. Comme l’explique Michel Lamarque, directeur à Jeumont, la volonté de se structurer, la «logique géographique» et des «problèmes différents» ont amené les deux centres, âgés de plus de vingt ans (le centre de Jeumont date de juillet 1989), à organiser leur autonomie à l’échelle des Hauts-de-France. Trente à quarante compagnons, précise-t-il, vont ainsi s’occuper d’environ 450 apprenants, dont une soixantaine sous le régime de l’internat. L’entité nouvelle a adopté l’appellation «Université des compagnons» dans sa communication. Son projet est en cours d’élaboration.

 

Spécificité des compagnons. Quelle stratégie ? Michel Lamarque explique que les compagnons recherchent une nouvelle «lisibilité» dans le nouveau territoire régional, tout en restant fidèles à leurs valeurs. Parmi celles-ci, l’accueil des jeunes, ceux qui sont en rupture avec le monde scolaire et ceux qui viennent, en internat, d’autres régions de France, et, bien sûr, la transmission du savoir et de l’expérience. Les mots étant souvent galvaudés, le directeur insiste sur le sens que leur donnent les compagnons : l’association de la théorie et de la pratique, de l’excellence et de l’humanisme, la relation qui se noue entre un compagnon expérimenté et un apprenant, l’héritage des bâtisseurs, sans oublier le fameux tour de France. «La vraie transmission passe par les hommes, pas par les bouquins», résume-t-il. Dans le projet de la nouvelle association figurent en bonne place deux grandes idées : réconcilier les jeunes avec le plaisir d’apprendre et réconcilier les entreprises avec l’accueil des jeunes.

Michel Lamarque rappelle que le compagnonnage a été reconnu patrimoine culturel immatériel par l’UNESCO

Climat favorable. Avec cette pédagogie qui leur est propre, les compagnons espèrent rencontrer un juste écho, d’autant que l’apprentissage reste, au moins officiellement, une voie royale vers l’emploi. Dernier exemple : le magazine de novembre de la Région le répète une énième fois, en une et en pages intérieures. L’heure est d’autant plus favorable à l’apprentissage que le dispositif Etat/Région a été renforcé dans le domaine des incitations financières, destinées à convaincre les employeurs. «Un apprenti coûte moins cher qu’un scolaire», constate-t-il. Il attend bien sûr la confirmation de ces bonnes intentions lorsque la nouvelle Région annoncera sa stratégie pour les années à venir. Et n’oublions pas que les organismes de formation ont été mis en concurrence.

Prospection. Selon le directeur du centre de formation de Jeumont, les compagnons n’ont pas l’intention de multiplier les centres mais plutôt de se rapprocher de l’Education nationale et de développer des structures légères bien réparties. À l’écouter, les compagnons de Jeumont souhaitent, pour leur part, rester dans leurs murs (propriété de la commune), travailler avec l’agglomération Maubeuge Val de Sambre et prospecter les territoires de la Sambre-Avesnois (Aulnoye, Maubeuge, Le Quesnoy, Fourmies), ainsi que le Valenciennois, sans oublier le Cambrésis et la proche Belgique. Quant à la nouvelle association dite des Hauts-de-France, elle va prospecter l’Oise, la Somme, l’Aisne.

Bonne rentrée à Jeumont. À Jeumont, la dernière rentrée s’est bien déroulée. Les formations aux métiers du bâtiment, assurés par sept salariés dont quatre nouveaux, vont du CAP au BP et les effectifs d’apprentis (84) sont, dit le directeur, en progression de 15% depuis deux ans. Les sections plâtrier et chauffagiste ont été fermées il y a deux ans, mais celle de la couverture se porte très bien. Autres satisfactions, le dispositif de préapprentissage destiné aux jeunes, de 16 à 25 ans, les plus en difficulté et la formation continue. Pour cette dernière, M. Lamarque cite un stage de menuiserie de 12 places, financé par la Région, et une formation peinture pour 14 stagiaires adressés par Pôle emploi.

C’est une tradition à Jeumont, chaque année est une promotion dédiée souvent à une personnalité de l’architecture. «Cette fois-ci, c’est la promotion Raoul Vergez, compagnon charpentier et écrivain que j’ai connu personnellement ; il est associé au philosophe Levinas.» Pour Michel Lamarque, cette année est particulière : c’est la dernière avant la retraite. Il prépare sa succession.