InnovaFeed et Cargill s'unissent pour une nutrition animale durable

«Une avancée majeure de l’industrie de la nutrition animale vers une plus grande durabilité.» C’est ainsi que Cargill et InnovaFeed ont qualifié leur partenariat, récemment renforcé. Leur collaboration, initialement centrée sur l’aqua nutrition, s’étend aujourd’hui à davantage d’espèces, à commencer par l’alimentation des porcs grâce à l’utilisation d’huile dérivée d’insectes.

Le site pilote - et centre d’innovation - d’InnovaFeed est implanté depuis 2017 dans le Nord à Gouzeaucourt, au sud de Cambrai.
Le site pilote - et centre d’innovation - d’InnovaFeed est implanté depuis 2017 dans le Nord à Gouzeaucourt, au sud de Cambrai.

Depuis sa création fin XIXe siècle par l’Américain William Wallace Cargill, la mission de l’entreprise éponyme, aujourd’hui établie dans 70 pays (155 000 salariés), n’a pas bougé d’un iota : nourrir le monde de façon sûre, responsable et durable en connectant les acteurs du système alimentaire.

De son côté, InnovaFeed, créée en 2016 par Aude Guo, Bastien Ogger et Clément Ray, développe une technologie unique et pionnière pour élever et transformer la mouche Hermetica Illucens, très riche en acides aminés essentiels. Avec comme objectif de contribuer à la construction du système alimentaire durable, en proposant des alternatives aux farines de poissons et huile végétales pour l’alimentation animale.

Le site pilote - et centre d’innovation - d’InnovaFeed est implanté depuis 2017 dans le Nord à Gouzeaucourt (au sud de Cambrai) et le site de production à Nesle, dans la Somme, depuis 2020. Le modèle de production d’InnovaFeed se veut extrêmement vertueux : les produits agricoles sont récupérés pour nourrir les insectes, une technologie que l’entreprise est la seule à avoir développée.

Il était assez naturel que ces deux acteurs qui partagent la même vision d’un monde plus durable, basé sur le modèle de l’économie circulaire, s’unissent. Ce qu’ils ont fait il y a trois ans, avec un premier partenariat centré sur l’aqua nutrition, qui avait pour ambition «d’intensifier l’utilisation d’ingrédients à base d’insectes dans l’alimentation afin de construire des chaînes de valeur plus durables et performantes».

Clément Ray, Aude Guo et Bastien Ogger, cofondateurs d’InnovaFeed.

Plus de 20 millions de porcelets nourris grâce aux insectes

«Nous avons débuté très tôt notre collaboration avec Cargill, un des leaders mondiaux de son secteur. Il y avait un certain appel d’air sur la protéine pour l’aquaculture à l’époque. Après de nombreux essais R&D, nous avons pu commercialiser l’huile, observe Maye Walraven, directrice du business development chez InnovaFeed. Les résultats des derniers essais étant très encourageants et performants pour l’alimentation porcine, nous avons décidé d’élargir le partenariat.»

InnovaFeed et Cargill ont donc décidé d’aller plus loin en «proposant des options d’alimentation innovantes et durables à de nouveaux segments de l’industrie de la nutrition animale». L’huile dérivée d’insectes, riche en acide laurique, acide gras contribuant à améliorer la santé intestinale des animaux, permettra ainsi de nourrir plus de 20 millions de porcelets d’ici 2026.

Autre avantage et pas des moindres : les acides gras d’insectes produits par InnovaFeed permettent de réduire l’empreinte carbone d’au moins 80%*, en comparaison aux huiles végétales généralement présentes dans l’alimentation porcine, et de 50% lorsqu’il s’agit de remplacer les farines de poissons. Et ce, sans aucun impact sur la déforestation.

«Nos clients se sont engagés à réduire l’impact environnemental de leurs aliments en réponse à la pression accrue sur les ressources naturelles et à la demande des consommateurs finaux. Nous partageons cet engagement pour un avenir plus durable. Une première étape a consisté à introduire la protéine d’insecte InnovaFeed en pisciculture. Avec l’introduction de l’huile d’insecte, nous poursuivons ce projet en augmentant notre impact positif sur la production animale», explique Delphine Melchior, directrice R&D développement durable et qualité chez Cargill.

InnovaFeed vise dans un premier temps le marché européen pour promouvoir une production locale [ndlr, l’Europe importe 70% des aliments pour porcs et volailles, essentiellement du tourteau de soja]. Le début de la commercialisation est prévu pour la fin de cet été.

InnovaFeed développe la plus grande capacité de production d’insectes au monde.

Bientôt des insectes dans nos assiettes

Autre gros projet sur lequel va se pencher InnovaFeed : l’alimentation humaine, avec des ingrédients à base d’insectes. Une avancée rendue possible grâce au vote de la Commission européenne ouvrant la voie à l’introduction d’insectes dans l’alimentation humaine avec l’autorisation de la mise sur le marché de produits à base du ver molitor, élevé par la société française Agronutris à destination directe de la consommation humaine. Une première pour l’industrie, qui démontre tout le potentiel de cette source de protéine d’avenir.

«InnovaFeed se réjouit de cette avancée immense qui va nous permettre d’accélérer sur tous nos projets déjà en cours pour intégrer l’insecte à l’alimentation humaine. De nombreux acteurs emblématiques de l’agroalimentaire s’intéressent à Hermetia. Des développements autour de produits du quotidien sont déjà engagés avec eux, notamment des prototypes de barres énergétiques pour les sportifs et de produits d’épicerie sucrée et salée. Nous explorons également d’autres options telles que la nutrition médicale et les substituts de viande. Nous travaillons avec les autorités à l’autorisation d’Hermetia en alimentation humaine, pour envisager une mise en rayon dans un futur proche», commente Clément Ray, cofondateur d’InnovaFeed.

Les Français sont-ils prêts à consommer des insectes, un mode d’alimentation à la base assez éloigné de la culture occidentale ? «Jusqu’à aujourd’hui, l’insecte était un peu utilisé comme une expérience culinaire et consommé entier, sourit Maye Walraven. Demain, il constituera un ingrédient, comme la farine de blé, du lactosérum, etc., qui permettra d’apporter des propriétés nutritionnelles et digestives plus intéressantes dans des produits du quotidien – des pâtes, des barres de protéines… Il n’y aura plus ce dégoût de l’insecte que certains consommateurs éprouvent.» Avec toujours un impact positif sur l’environnement : l’empreinte carbone est dix fois moindre que celle d’un steak de viande. Ces produits à base d’insectes pourraient être commercialisés à l’horizon 2022-2023.

InnovaFeed, un modèle d'économie circulaire.

InnovaFeed poursuit son développement à l’échelle mondiale, avec comme ambition de dupliquer le modèle de l’usine de Nesle dans d’autres pays. Prochaine étape : Decatur, aux États-Unis, le plus gros site de transformation de maïs au monde. Les coproduits à base de maïs d’ADM Decatur seront recyclés localement pour nourrir les insectes.

Un modèle de production qui va permettre d’utiliser 27 MW d’énergie résiduelle récupérée du processus d’ADM, une énergie qui n’était jusque-là pas valorisée. Avant de s’étendre en Asie et en Europe dans les années à venir, 250 millions d'euros vont être investis pour développer, d'ici 2030, cinq nouveau sites industriels. «La grande échelle est vraiment la clé pour développer notre vision durable», assure Maye Walraven.

*Analyse Cycle de vie réalisée par Quantis pour l’huile d’insecte InnovaFeed en février 2020.

InnovaFeed, c’est :

  • Plus de 100 collaborateurs.
  • La plus grande capacité de production d’insectes au monde (il faut un million d’insectes pour une tonne de protéines).
  • 200 millions d’euros de financements sécurisés.
  • Plus de 300 000 tonnes de coproduits agricoles recyclés par an.
  • 57 000 tonnes de CO2 économisés chaque année.
  • 1 tonne de poisson nourri à l’insecte = 250 kg de poissons fourrage préservés.
  • 1 tonne de volaille nourrie à l’insecte = 210 m² de terres arables préservées.