Indignation face à l'arrêt annoncé des "activités ludiques" en prison
Trente-trois organisations soucieuses des droits des détenus se sont indignées mercredi de l'arrêt des "activités ludiques" en prison décidé par le ministre de la Justice, appelant Gérald Darmanin à revenir sur une décision...

Trente-trois organisations soucieuses des droits des détenus se sont indignées mercredi de l'arrêt des "activités ludiques" en prison décidé par le ministre de la Justice, appelant Gérald Darmanin à revenir sur une décision dénoncée comme "un acte de pure démagogie".
Les signataires, parmi lesquelles figurent l'Observatoire international des prisons (OIP), la Ligue des droits de l'Homme ou le Secours catholique, demandent au garde des Sceaux de se raviser et "d'engager une réflexion sérieuse sur le sens de la peine et l'amélioration des conditions de détention".
Dans le sillage d'une polémique autour de soins du visage prodigués à des détenus à la maison d'arrêt de Toulouse-Seysses, le garde des Sceaux a annoncé lundi avoir ordonné l'arrêt de toutes les "activités ludiques" en prison qui ne concernent pas l'éducation, la langue française ou le sport.
Dans une lettre mercredi au directeur de l'administration pénitentiaire, le ministre insiste sur le fait que la mise en oeuvre des activités en détention doit prendre en compte "sens de la peine" et "respect des victimes". "Aucune de ces activités ne peut être ludique ou provocante", ajoute le texte, sans plus de précisions.
Mais sans attendre, "l'emballement a déjà gagné de nombreux établissements pénitentiaires, où l'ensemble des activités visé par le garde des Sceaux est temporairement suspendu", affirme le communiqué publié mercredi par l'OIP.
Le texte accuse le ministre de "nourrir la désinformation, plutôt que de rappeler la mission d'insertion des personnes détenues confiée à son administration" et de défendre "à nouveau une approche exclusivement punitive de la prison".
Soupape
Ces vives critiques viennent s'ajouter à celles de la contrôleure générale des lieux de privation de liberté Dominique Simonnot, qui a rappelé lundi à l'AFP que ces activités sont "prévues par la loi" et "réapprennent aux gens à revivre normalement" en vue de leur libération.
"Ces activités s'inscrivent en réalité dans un travail sur l'estime de soi et le lien social, qui conditionne toute autre démarche d'insertion", font valoir les signataires, parmi lesquels figurent des syndicats de magistrats ou de surveillants pénitentiaires.
Ils estiment qu'au lieu de "saper une mission essentielle de son ministère, déjà largement en mal de moyens", le garde des Sceaux aurait pu s'attaquer au "scandale bien réel" des conditions de détention.
Selon le texte, qui relève "surpopulation généralisée" dans les prisons françaises et "insalubrité de nombreux établissements", le quartier maison d'arrêt de Seysses comptait au 1er janvier 1.239 détenus pour 580 places.
Il décrit les activités en détention comme "un levier essentiel non seulement pour préparer la réinsertion des personnes détenues, mais aussi pour préserver leur équilibre psychologique", affirmant que "l'administration y voit même souvent une soupape pour gérer une détention explosive".
Se joignant à cette condamnation, l'Association des juges d'application des peines a fustigé une "réaction démagogique et épidermique aux effets délétères et contre-productifs".
Bon sens
Dans la matinale de France Inter, Gérald Darmanin en a appelé au "bon sens", affirmant que parmi les détenus ayant bénéficié des soins du visage au cœur de la polémique figuraient des "détenus radicalisés" ou condamnés à de "très longues peines".
"Ce que je dis, c'est qu'on ne doit pas faire des massages et des soins du visage à des détenus radicalisés. Et je pense que, à peu près (à) 95%, j'imagine, les Français sont d'accord avec moi".
"Que nous fassions des activités éducatives, d'appréhension du français, de réinsertion lorsque les gens sont à quelques mois de leur sortie d'une prison, bien sûr", a-t-il expliqué, "mais je ne pense pas que ça passe par le maquillage".
Cette affaire fait écho à la polémique en août 2022, venue en particulier de l'extrême droite et de la droite, autour d'une épreuve de karting à la prison de Fresnes (Val-de-Marne).
Le ministre de la Justice de l'époque, Éric Dupond-Moretti, avait fait valoir qu'il aurait mis son "veto" s'il avait été préalablement informé, avant que la Chancellerie n'annonce une circulaire au sujet de la validation expresse de la direction de l'administration pénitentiaire sur les conditions de projets de réinsertion en prison.
Syndicats de magistrats et d'avocats avaient alors vu dans la réaction du ministre "une communication démagogique et sécuritaire dictée par l'extrême droite".
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