«Inciter les entreprises à privilégier la conciliation»

Président du tribunal de commerce de Boulogne-sur-Mer, Max Henaux nous reçoit dans les bureaux rénovés du greffe et fait état de l’actualité et de la pertinence de la justice consulaire. Rencontre.

«Le sort des petites entreprises est un enjeu considérable pour nos territoires» souligne Max Henaux, président du Tribunal de Commerce de Boulogne-sur-mer.
«Le sort des petites entreprises est un enjeu considérable pour nos territoires» souligne Max Henaux, président du Tribunal de Commerce de Boulogne-sur-mer.

La Gazette : Le congrès des tribunaux de commerce se déroule à Amiens. De quoi va-t-on parler ?

Max Henaux : Le congrès des TC de la 8e région est un moment de rencontres, d’échanges, mais également de formation. Les juges consulaires doivent être formés ; la moitié d’entre eux sont des chefs d’entreprise en activité ; tous sont bénévoles, il faut le rappeler. Les TC s’inscrivent dans une démarche nationale et européenne. Nous sommes dans les modes alternatifs de règlement des difficultés économiques (MARDE). L’idée est d’inciter les entreprises à privilégier la conciliation. D’ailleurs, au tribunal d’instance, la loi nous l’impose. Si un litige commercial perdure entre deux entreprises, il est certain qu’elles ne retravailleront plus ensemble. Et c’est ce qu’il faut éviter. Un tiers intervient, en toute discrétion, pour dégonfler le problème.

C’est un changement de mentalité qui est à l’œuvre ? Est-ce difficile ?

Les problèmes sont complexes, mais on peut les résoudre. Il faut convaincre aussi les avocats des entreprises afin qu’ils conseillent plus qu’ils ne plaident. En somme, il faut faire évoluer le mode de résolution des conflits. C’est la même chose pour les cautions. Très souvent, le chef d’entreprise est caution personnelle sur ses biens avec son banquier. Quand il y a un problème, on peut étaler les dettes de manière plus souple avant d’être devant le juge.

Le contentieux comme les retournements de conjonctures sont-ils toujours facteurs d’échec ?

Un entreprise, ça vit, ça se développe et parfois ça disparaît. C’est la vie tout simplement. Avant que des difficultés n’adviennent, nous voulons sensibiliser les entreprises à anticiper afin qu’elles prennent les mesures adéquates et utilisent les outils juridiques qui existent. En France, on considère négativement l’échec. Aux États-Unis, après un échec entrepreneurial, on se demande avant tout comment le chef d’entreprise va rebondir. L’appréhension est très différente.

Aller parler de ses difficultés au tribunal peut s’avérer complexe pour les petites entreprises. Comment les convaincre de venir chercher de l’aide ?

Le sort des petites entreprises est un enjeu considérable pour nos territoires, plus encore qu’avec les plus grandes. Il faut être discret sur les situations difficiles qu’elles peuvent parfois traverser : au tribunal de Boulogne, je les reçois dans les 48 heures et je suis le seul au courant de leurs difficultés. Nous sommes à leur service. La procédure amiable (mandat ad hoc) aboutit positivement pour 75% des dossiers qui nous parviennent.

Les entreprises ont souvent besoin de fonds pour assurer le quotidien et réguler leurs différents rythmes d’activité. Comment les aidez-vous sur ce terrain ?

Nous travaillons avec le Conseil régional qui a pris des mesures utiles pour les entreprises en difficulté : depuis 2017, des fonds dits de premier secours sont disponibles pour les entreprises de moins de 25 salariés. Le TC donne un avis et la Région apporte la bouffée d’oxygène. Ça concerne aussi des entreprises en fort développement qui ont besoin de se financer. Nous parlons de 5 000 à 50 000 euros sur trois ans, avec des taux compris entre 1,5 et 3%. La Région a également mis en place un fond Reboost pour les entreprises qui ouvrent leur capital (intervention jusqu’à un million d’euros) ou celles qui ont besoin d’être consolidées après un redressement judiciaire (des prêts jusque 100 000 euros).

Le chef d’entreprise en difficulté est aussi un homme ou une femme qui souffre. Est-ce un sujet qui reste tabou ?

Pas totalement. Quand nous voyons arriver des chefs d’entreprise pour un redressement ou une liquidation judiciaire, nous sommes en présence de personnes dans la détresse qui souffrent aussi dans leur vie personnelle. C’est un moment où tout peut exploser dans la vie d’un dirigeant. Nous avons mis en place une cellule d’alerte pour les dirigeants qui sont en grande faiblesse.