Implantation d’Agristo à Escaudœuvres : le spécialiste de la frite à l’écoute du territoire
La concertation du débat public sur l’arrivée du producteur belge sur l’ancienne friche Tereos s'est achevée le 17 juillet. Elle a fait remonter de nombreuses questions touchant aux transports, aux pratiques agricoles, aux nuisances urbaines. Et ce, même si le Cambraisis y voit une nouvelle opportunité économique.
Quand une friche attire les convoitises… c’est le cas du projet Agrist’Hauts de France. Située au bord du canal de l’Escaut, à proximité de terres agricoles de bonne qualité et d’un bassin d’emploi à potentiel, l’ancien site du sucrier Terreos fermé en 2023 à Escaudoeuvres près de Cambrai pourrait renaître de ses cendres. Le maire Thierry Bouteman se souvient encore du coup de fil un dimanche 27 août 2023 annonçant la venue le lendemain du ministre Roland Lescure pour signer un partenariat entre Tereos et le groupe belge Agristo : «Nous avions peur de rester avec une friche industrielle. L’arrivée d’Agristo était une réelle bouffée d’air pour maintenir l’emploi».
Un poids lourd mondial
Frites, croquettes, pommes dauphine, pommes rissolées…, le Flamand fait partie des leaders mondiaux (7ème mondial derrière l’américain Mc Cain, 4ème en Europe) de la transformation de pommes de terre : 5 sites en Belgique, Pays-Bas et Inde avec 1 300 employés dans le monde, 856 000 tonnes de produits finis et 959 millions d'euros de chiffre d’affaires réalisé auprès des professionnels de la distribution. L’entreprise familiale créée en 1986 souhaite aujourd’hui se développer. Les surfaces agricoles en Flandre belge sont saturées, d’où son projet de se tourner vers les agriculteurs des Hauts-de-France, première région productrice de pommes de terre du pays. Notamment l’ex-réseau des exploitants ayant travaillé avec Tereos, mais qui devront avoir la certification Vegaplan, une certification adaptée à la transformation de la pomme de terre (cahier des charges qui couvre la sécurité alimentaire, la préservation des sols, la protection des nappes phréatiques, la gestion des déchets …). «Pour discuter avec les agriculteurs locaux, on sent un enthousiasme frémir à l’arrivée d’Agristo», souligne le maire.
Une aubaine sociale
Tereos, toujours propriétaire de la friche, est en train de démanteler l’ancienne sucrerie jusque 2025, avant une revente possible du terrain à Agristo. Les 27 hectares du site pourraient ainsi accueillir le projet Agristo’Hauts de France et son usine de production de produits surgelés à base de pommes de terre. Grâce à un investissement de 280 millions d'euros, la capacité initiale serait de 150 000 tonnes de produits finis dès 2027 (un volume déjà fabriqué en Belgique qui serait délocalisé à Escaudœuvres), avant de doubler, à 300 000 tonnes. Les emplois directs passeraient ainsi de 140 à 350. Une aubaine si l'on se souvient des 125 postes supprimés en 2023 lors de la fermeture de la sucrerie centenaire de Tereos et au regard des 300 demandeurs d’emplois actuels de la commune. En cas de validation du projet, la formation pourrait commencer dès 2026.
Un projet qui s’adapte
Mais tout est encore au conditionnel. De par la taille de l’investissement, le projet a fait l’objet d’une concertation publique volontaire de la part de l’entreprise, du 10 juin au 17 juillet 2024, au titre de l’article L.121-17 du Code de l’environnement. La Commission nationale du débat public CNDP - neutre et indépendante - a en effet été saisie pour organiser 8 rencontres entre le producteur et les habitants du territoire sur différentes thématiques : emplois, formation, production agricole, traffic, implantation... L’usine belge Agristo de Wielsbelke a même été visitée le 19 juin, pour découvrir le processus de fabrication. Pour Ward Claerboot, responsable des affaires publiques chez Agristo, rencontré lors d’un débat public le 27 juin à Escaudœuvres, «cette concertation ne peut qu’améliorer le projet. Certaines interpellations du public l’ont déjà fait bouger».
Ce qui coince
Mais des inquiétudes demeurent. «Notamment l’impact du traffic. 300 nouveaux camions par jour risquent de saturer la route départementale qui est déjà bien chargée», souligne le maire lors du débat public du 27 juin. Autre interrogation sur l’impact d’une hausse de la production de pommes de terre dans la région, comme le partage Anne-Marie Royale, une des garantes de la CNDP : «Cette production représente 40% des surfaces utiles agricoles, générant cette année beaucoup de coulées de boue dues aux intempéries de l’automne-hiver. Demain, quel sera l’impact d’une hausse de la production sur ces coulées de boue, mais aussi sur les régions de bocages et de maraîchage qui risquent de diminuer ?». Et ce d’autant que deux autres usines de transformation de pommes de terre s’implantent près de Péronne (Ecofrost 200 000 t/an) et dans le dunkerquois (Clarebout potatoes 500 000 t/an). Soit au total 40 000 hectares supplémentaires dédiés à la frite, selon l’Union nationale des producteurs de pommes de terre.
Enfin, les riverains ne sont pas en reste. Situé au coeur de la ville depuis plus de 150 ans, le site jouxte de nombreuses habitations comme celle de Laetitia (prénom changé) : «La taille des nouvelles installations et les nuisances sonores vont forcément avoir un impact sur le prix de l’immobilier». Les garants de la concertation au sein de la CNDP - Anne-Marie Royal et Mickaël Dereux - remettront leur bilan sur le processus de concertation le 17 août, pour une réponse du maître d‘ouvrage le 10 septembre. Si Agristo souhaite poursuivre le projet, des études approfondies seront menées, associées à une demande de permis, avant une enquête publique au deuxième trimestre 2025.