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Il était une fois… Mass’Automatic 

L’entreprise Mass’Automatic naquit au cœur des Trente Glorieuses, au temps où le bassin sidérurgique et minier lorrain tournait à plein régime. Son credo : les flippers, juke-box, billards, baby-foot, jeux de fléchettes. Les hauts-fourneaux se sont tus, pléthore de cafés et bars ont fermé, la vie ouvrière s’est assoupie. Pourtant, l’entreprise défie le temps et poursuit son activité avec succès, entre accents de nostalgie et innovation.



Philippe Masse, gérant, poursuit l’histoire de l’entreprise familiale. © Johann  Marin-Thiery
Philippe Masse, gérant, poursuit l’histoire de l’entreprise familiale. © Johann Marin-Thiery

C’est un endroit hors du temps, posé en bordure d’autoroute, sur la zone industrielle dénommée Le Ronds Bois, à Fontoy. Pousser la porte de l’entreprise Mass’Automatic, c’est être saisi d’un sentiment tout à la fois étrange et bien agréable. À la vue du visiteur se dévoile un showroom aux accents vintage, qui vous rappelle d’emblée les années lycée, celles où avant ou après les cours, nous nous retrouvions entre potes dans un bar, une salle de jeux pour taper une partie de baby-foot, de flipper ou de jeux d’arcade, de billard. Nostalgie quand tu nous tiens. Elles sont là, les machines d’hier, nous faisons des œillades, en ce lieu à la déco soignée et cordiale. Philippe Masse nous accueille, avenant, invitant à nous asseoir pour conter l’histoire, la belle histoire, de cette entreprise familiale. Tout commence dans les années 50-60, celles d’une économie hexagonale à son meilleur. André Masse est technicien de maintenance dans l’industrie automobile, chez Citroën, à Paris. La vie ouvrière est incontournable du café, du bistrot du coin. Il remarque ces machines de jeux venus des États-Unis qui créent une atmosphère détendue et suivra un dépanneur de flippers en tournée. André Masse est avant tout intéressé par leur aspect technique.

Un espace dédié au plaisir des yeux.  © Johann Marin-Thiery

Une époque s’en alla…

La suite, Philippe Masse la dépeint, ces mots prenant des couleurs sépia : «Mon père a été appelé en Algérie, a rencontré ma mère Marcelle. Ils sont venus s’installer à Algrange. Il est embauché par la Sollac.» Le paysage lorrain d’alors, la Vallée de la Fensch particulièrement, est foisonnant. Le bassin sidérurgique et minier est en pleine effervescence. Les usines tournent 24 heures sur 24. C’est le temps du plein emploi. Les bars et cafés se comptent par centaines. Ces lieux animés et chaleureux font le plein. Ce cercle de rencontres des jeunes et des anciens sert de ciment social. Ces jeux automatiques deviennent des incontournables. À la fin des années 60, aux débuts des années 70, André Masse franchit le cap, définitivement conquis. Il crée son entreprise Mass’Automatic. Philippe Masse déroule les pages suivantes : «En face du château de Lunéville, la brasserie Stanislas appartenait à mon grand-père. Mon père a commencé son activité là-bas. Il a fourni en machines les armées du secteur, jusqu’au bassin de Nancy. Ce fut un vrai âge d’or. Jusqu’en 1981. L’arrivée au pouvoir de Mitterrand a coïncidé avec l’instauration d’une taxe sur les flippers qui ont déserté peu à peu les cafés, dont de nombreux ont fermé leurs portes. Ajoutez-y la crise sidérurgique qui frappa la Lorraine. Mass’Automatic, qui était devenu le leader dans la région en exploitant des centaines de jeux, a résisté tant qu’elle pouvait. Mon père a toujours refusé de compenser avec la vente de machines à sous.» À l’approche de la retraite, André Masse voit une époque dorée se dérober sous ses pieds.
Mon temps est passé, celui d’arrêter sans doute venu», pensait-il. Philippe Masse nourrit en cette fin des années 90 le souhait de se mettre à son compte. Les planètes vont s’aligner. Il finira par reprendre l’affaire paternelle, après moultes démarches et une étude de marché montrant la viabilité de Mass’Automatic, sous cette condition de lui faire prendre un virage commercial, de diversifier, de s’inventer une nouvelle clientèle. Il en devient le gérant en 1999, rejoint quelque temps après par son frère cadet, Éric. Le relais est passé. L’aventure familiale peut se poursuivre. «Pour l’anecdote, les six derniers chiffres de notre numéro de téléphone 03 82 84 77 20 étaient ceux de l’entreprise de mon père quand elle commença», sourit Philippe.

En 2024, on rêve encore...

Aujourd’hui, Mass’Automatic s’est ancrée sur une clientèle de particuliers, de collectivités locales, de professionnels. L’arrivée sur le site actuel en 2004, de nouvelles installations, la construction d’un showroom ont contribué à faire grandir l’entreprise. Laquelle développe beaucoup de locations dans l’événementiel, pour des animations privées, comme des mariages, et pour la sphère entrepreneuriale, pour des séminaires et autres colloques. Zone de chalandise : Lorraine, Luxembourg, Belgique. Quand Philippe Masse nous fait faire le tour du propriétaire, forcément c’est l’œil et le cœur de ce passionné qui parlent. Il y a quelque chose de résolument sentimental dans cette approche avec la machine. Même s’il précise : «Avant d’être des joueurs, nous sommes d’abord des techniciens. Nous assurons le conseil, l’installation et le suivi technique de tous nos appareils.»
À ses côtés, Éric dans son rôle de technicien, François à l’atelier, Nathalie au secrétariat, et Nicolas, maître-billardier aux livraisons et installations. Voilà comment, cette admirable saga lorraine se perpétue. Flippers, juke-box, billards, baby-foot sont devenus des classiques intemporels. Ils ont bercé les jeunes années de tant d’entre nous, ont pris place dans les familles. Ils continuent de faire rêver. Mass’Automatic est un passeur de mémoire. Philippe Masse conclut, enthousiaste : «Parmi nos clients actuels figurent beaucoup d’enfants des clients de mon père, c’est fabuleux! Les jeux de fléchettes sont en ce moment très en vogue.»

"Nous invitons à venir découvrir notre showroom unique en son genre", indique Philippe Masse, gérant de Mass’Automatic.

Un petit air de nostalgie. © Johann Marin-Thiery