IA et collectivités territoriales : les initiatives se multiplient, un écosystème se structure
Les collectivités territoriales s’intéressent de plus en plus aux possibilités offertes par l’intelligence artificielle et commencent à s’organiser pour travailler ensemble. Tour d’horizon.

La
montée en puissance des projets impliquant la technologie de l’IA
au sein des collectivités territoriales a pris un nouveau tournant.
L’idée de mutualiser les initiatives et les expertises
individuelles a en effet beaucoup progressé et commence à prendre
des formes plus structurées.
Un
manifeste pour une IA responsable au service des territoires
Dès
2023, la stratégie « Intelligences
associées des territoires », lancée par Les
Interconnectés (réseau
national de diffusion des usages numériques pour les collectivités
françaises), France urbaine et Les Intercommunalités de France
s’était fixé pour objectif de mettre l’IA au service des
politiques publiques territoriales et d’en encadrer le déploiement
par une approche éthique. Le 11 mars dernier, un « manifeste
pour une IA responsable au service des territoires »
a été présenté lors du Forum
des interconnectés, à Rennes. Ce manifeste vient dessiner
les contours d’une IA territoriale équitable et non-discriminante
(avec une transparence des algorithmes et des données), utile et
proportionnée (adaptée aux besoins du territoire, tout en
maîtrisant son impact), et basée sur des cadres éthiques locaux et
des modes de gouvernance partagée.
Une
bibliothèque d’IA territoriales
Les
Interconnectés ont également annoncé l’ouverture d’une
« bibliothèque
d’IA territoriales »
pour collecter et partager les expériences et les expertises des
collectivités. Cette plateforme est destinée à recenser les cas
d’usage, documenter les méthodes et les moyens utilisés,
identifier et mettre en relation les acteurs impliqués. Élaborée
en collaboration avec la Banque des
Territoires et l’Ecolab du ministère de l’Écologie, elle
recense déjà les 21 projets de la plateforme Numérique360
(Banque des Territoires), classés par thématiques.
Un
réseau d’élus locaux dédié à l’IA
En
parallèle, des élus locaux ont annoncé la création d’un réseau
dédié à l’intelligence artificielle, à l’issue du
World AI Cannes Festival et du Sommet pour l’action
sur l’Intelligence artificielle,
tenus en février.
L’objectif de ce collectif est d’utiliser l’IA pour
optimiser les services publics et développer des solutions pour
relever des défis tels que la gestion des ressources et l’urgence
climatique. Il prévoit notamment de lancer des projets collaboratifs
et d’organiser des rencontres avec des scientifiques et des
start-up, ainsi qu’un sommet annuel ouvert à tous les élus
locaux, dès 2026.
État des lieux des usages de l’IA par les collectivités
Du
côté des parlementaires, la délégation aux Collectivités
territoriales du Sénat a présenté, le 13 mars dernier, les
conclusions de sa mission d’information sur l’IA et les
collectivités territoriales. Piloté par les sénatrices Pascale
Gruny (Les Républicains, Aisne) et Ghislaine
Senée (Les Écologistes, Yvelines), le rapport établit tout
d’abord un état des lieux des premières applications de l’IA au
sein des collectivités.
Il
contient ainsi de nombreux exemples de solutions développées pour
optimiser l’organisation interne (gestion des ressources humaines,
des budgets, délibérations…). Mais l’IA est aussi un outil qui
peut être intégré dans la conduite des politiques publiques :
robots conversationnels mis au point par les mairies pour répondre à
certaines questions des usagers, sécurisation des grands événements
sportifs, réduction des déchets dans les cantines scolaires,
préservation des ressources en eau par la détection des fuites, ou
encore, analyse des mobilités pour améliorer l‘offre de transport
ou la localisation des places de parking, prévention des risques
naturels par les outils de prévision climatique...
Des
comités territoriaux de la donnée et des collectivités chefs de
file
Le
rapport fournit aussi une méthodologie et des recommandations pour
la mise en œuvre d’un projet intégrant de l’IA par les
collectivités, et notamment par les plus petites qui n’ont pas la
taille critique pour disposer des ressources nécessaires en termes
d’ingénierie, y compris juridique. La mission d’information
préconise, notamment, la mise en place de comités territoriaux de
la donnée et de collectivités chefs de file pour éviter « le
risque de décrochage pour les plus petites communes », a
expliqué la sénatrice Ghislaine Senée, lors de la présentation du
rapport à la presse. Objectif : s’assurer que l’ensemble
des collectivités qui le souhaitent puissent avoir recours à l’IA.
Intégrer
la question environnementale
« L’IA
n’est pas obligatoire et, en raison de son impact environnemental,
il faut systématiquement s’assurer que l’IA apporte
véritablement de la valeur ajoutée », a-t-elle ajouté,
en rappelant la nécessité d’intégrer la question de l’empreinte
environnementale dans le cadre des marchés publics. Une autre
recommandation du rapport sénatorial vient recouper l’initiative
lancée entre temps par les
Interconnectés : la création d’une bibliothèque pour
enregistrer tous les projets des collectivités intégrant de l’IA,
ainsi que des référentiels pratiques et des algorithmes en open
source.
Souveraineté
et sécurité des données, éthique et prévention des cyber-risques
La
mission d’information souligne également l’enjeu que constitue
la souveraineté et la sécurité des données et des outils, ainsi
que la bonne maîtrise des règles juridiques en matière de data.
« Il faut absolument sensibiliser et former les cadres
administratifs en matière de droit de la conformité », a
poursuivi la sénatrice. « Il faut savoir où sont stockées
les données et si on en garde la propriété. »
Une
autre recommandation concerne la prévention des cyber-risques, en
lien avec la directive européenne
NIS 2 qui concerne les plus grandes collectivités
territoriales (environ 2 500 en
France). « Il y a des discussions pour savoir si
cette mise en conformité doit se faire sur cinq ans ou sur trois
ans. Nous, nous pensons que les choses évoluent si rapidement et la
pression est si importante qu’il faut que ce délai soit fixé à
trois ans. »
Enfin, la mission sénatoriale milite «pour qu’une charte éthique puisse être mise en œuvre dans les collectivités pour offrir un cadre de confiance au développement d’un projet intégrant de l’IA ». Une dernière recommandation qui entre en parfaite résonance avec le « manifeste pour une IA responsable au service des territoires », présenté lors du Forum des Interconnectés.