Hélène Fontaine élue bâtonnier

N'en déplaise à certains avocats bordelais et autres, les femmes ont leur mot à dire et peuvent briguer de très nobles fonctions comme celle de bâtonnier. A Lille, Hélène Fontaine devient ainsi la première femme élue bâtonnier pour 2013-2014.

Anne Henry Castelbou

Rencontre du bâtonnier et du bâtonnier élu quelques heures avant la cérémonie du passage du bâton, à l'Odre des Avocats.

Depuis le 1er janvier 2013, Hélène Fontaine est bâtonnier du septième barreau de France, avec 1 141 avocats. Après le vote du 22 novembre a eu lieu un rite important le 18 décembre dernier : le passage du bâton. L’ancien bâtonnier Emmanuel Masson a passé ce symbole d’autorité et de pouvoir à Hélène Fontaine lors d’une cérémonie au sein de la CCI de Lille. Etait présent un parterre d’invités du monde judiciaire mais aussi de décideurs économiques, politiques, universitaires… Hélène Fontaine n’est pas la seule femme bâtonnier en France. D’autres barreaux comme celui de Paris, mais aussi Arras, Rennes, Bordeaux, Montpellier, Aix-en-Provence, Boulogne, Béthune ont eu ou ont une femme à leur tête. Il faut dire que la profession ne cesse de se féminiser.

Poursuite de la grève. Rencontrée quelques heures avant le passage du bâton, Hélène Fontaine sait déjà ce qui l’attend pour avoir travaillé comme dauphine auprès d’Emmanuel Masson durant l’année 2012 sur de nombreux dossiers sensibles : garde à vue, aide juridictionnelle (AJ), hospitalisation d’office. Sur ce dernier point, elle annonce qu’elle «poursuit la grève de désignation d’office d’avocats auprès de patients hospitalisés sans consentement. Et ce, tant que la Chancellerie ne révisera pas le montant d’indemnisation des avocats traitant ces dossiers». D’autres actions sont annoncées : partenariat avec le Medef pour amener les chefs d’entreprise à avoir le réflexe du conseil de l’avocat en amont de leurs dossiers ; développer une politique d’accès au droit en matière de logement indigne en formant les avocats qui le souhaitent, pour mieux accompagner les personnes en audience de baux d’habitation, d’expulsion ; suivre les négociations entre le Conseil national des barreaux et le ministère de l’Economie et des Finances, en matière de revalorisation de l’indemnisation des dossiers d’AJ à la suite des Etats généraux du 14 décembre dernier.

«Je souhaite être dans la continuité d’Emmanuel Masson. Cette continuité fait la force du barreau de Lille qui est considéré à l’extérieur comme précurseur, avec des avocats qui travaillent beaucoup et qui se battent», annonce Hélène Fontaine. Cette dernière envisage aussi de donner d’autres impulsions : «J’aimerais renforcer la proximité avec mes confrères, surtout ceux qui traversent des difficultés. Mais aussi créer une centrale de référencement pour mutualiser les achats entre avocats, développer le dialogue entre avocats de spécialités différentes et renforcer les compétences des avocats à l’international.»

Une mission qui transforme.

Emmanuel Masson, quant à lui, est ravi de ces deux années passées sur 2011-2012 comme bâtonnier : « J’ai dû mettre en œuvre de grandes réformes, nous avons beaucoup travaillé pour améliorer la communication du barreau. En effet, 80% du chiffre d’affaires est réalisé par les avocats-conseils alors que le grand public ne connaît que l’avocat du contentieux. Il est nécessaire de changer l’image de l’avocat qui est aussi là pour accompagner, conseiller les particuliers, les entreprises…» Et de citer aussi les partenariats noués avec la CCI, les ruches d’entreprises, la Chambre des métiers. Comment s’est passée la gestion de l’ordre et de son cabinet ? «Etre bâtonnier n’est pas un métier, c’est juste une mission. On garde quand même un pied dans son cabinet, on voit quelques clients, on plaide de temps en temps. C’est important, sinon on s’éloigne des préoccupations des confrères.» Pourquoi devenir bâtonnier ? «C’est une étape dans un parcours professionnel d’un avocat. On a envie de se mettre au service de ses confrères. Etre bâtonnier n’est pas un bâton de maréchal. Souvent, on est membre du Conseil de l’ordre pendant plusieurs années puis on vient vous chercher.» En quoi cela transforme ? «Humainement, c’est extraordinaire, on découvre des personnalités, on grandit. J’ai même redécouvert certains pans du droit comme le pénal. Moi qui ai passé 20 ans à ne faire que du droit des assurances, du droit commercial et des responsabilités, je pense demain refaire un peu de pénal.»

 

 Parcours d’Hélène Fontaine

Didier Gras Communication

Hélène Fontaine, bâtonnier du barreau de Lille pour 2013-2014.

Née à Boulogne-sur-Mer, 47 ans, mariée et mère de trois enfants, Hélène Fontaine a prêté serment en 1990. «Après 7 ans de collaboration, je suis à mon compte, et ce, depuis 14 ans, en me spécialisant dans le droit des victimes, le droit de la famille, le droit des mineurs et le droit des responsabilités. Je me suis dernièrement associée avec Me Stéphanie Lefebvre, également spécialisée dans le droit de la famille», expliquait-elle durant sa campagne. Longtemps membre du Conseil de l’ordre, Hélène Fontaine a notamment présidé la commission “Famille”. 

 

Passage du bâton

Didier Gras Communication

Passage du bâton entre Hélène Fontaine et Emmanuel Masson, à la CCI de Lille.

 

Moment symbolique : le bâtonnier en fin de mandat passe le bâton au nouveau bâtonnier qui prend ses fonctions le 1er janvier, et ce, pour deux ans, après une année de dauphinat. Il devient alors le représentant de l’ordre des avocats dans la vie civile mais aussi devant les juridictions. Il doit également assurer la discipline entre confrères et la conciliation des différends.

Le bâton représente le pouvoir et l’autorité. Il a une origine religieuse, à l’époque où les avocats étaient des religieux et portaient le bâton comme l’évêque porte sa crosse. Aujourd’hui, le passage du bâton est l’occasion d’un échange de discours entre bâtonniers, suivi d’un cocktail. Il est aussi utilisé lors d’enterrement de confrères, le bâton étant posé sur le cercueil. Chaque barreau a son propre bâton. Celui du barreau de Lille est en bambou et liège et a été acheté en 1949 par le bâtonnier de l’époque : c’est un ancien stick de colonel anglais qui aurait participé à la libération de Lille en 1944. Et même si le barreau de Lille est ancien (il date de 1777), la cérémonie du passage du bâton n’a commencé qu’en 1949.