Ateliers par le Pôle MEDEE et Norlink
Hauts-de-France : vers une navigation plus verte
Le 27 juin dernier à Lille, étaient organisés des ateliers autour des carburants alternatifs et des perspectives du passage des unités fluviales à l’électrique. Zoom sur les échanges.
L’objectif est clair. D’ici 2030, l’Europe veut avoir réduit ses émissions de gaz à effet de serre de 55% par rapport à 1990. C’est dans cette optique que se sont déroulés, ce 27 juin à Lille, les huitièmes ateliers «carburants alternatifs», coorganisés par le Pôle MEDEE et Norlink. « Pour atteindre cet objectif, tous les acteurs doivent s’y mettre », introduit Walter Lhomme, chercheur au laboratoire d'électrotechnique et d'électronique de puissance (L2EP) à l’université de Lille. En effet, même si la navigation ne représente que 0,5% des émissions de gaz à effet de serre en Europe (le reste des transports - rail et route - représentant 28%), des améliorations doivent tout de même être menées.
« Il est impératif que de nouvelles innovations viennent verdir la navigation. En effet, pour réduire les émissions de dioxyde de carbone, les acteurs européens vont compter sur le report multimodal, de la route vers le maritime et le fluvial. La part d’émission de gaz à effet de serre de la navigation ne va donc pas rester à 0,5%, si rien n’est fait », poursuit Walter Lhomme. Et plusieurs solutions pour réduire considérablement l’impact environnemental du transport fluvial sont aujourd’hui à l’étude.
Vers un mix d’innovations
Ce jour-là, le chercheur au L2EP a ainsi exposé ce qu’il a tiré de ses études autour des carburants alternatifs et des unités fluviales électriques. « J’ai étudié différents cas : les unités fluviales thermiques alimentées en agrocarburants, les unités fluviales hybrides, les unités fluviales à batteries et les unités fluviales à piles combustibles », détaille Walter Lhomme. Il estime qu’aucune solution unique et idéale n’existe, mais qu’il faudra sûrement un mix d’innovations.
En effet, par exemple, les unités fluviales à batteries ne produisent pas d’émissions locales et font peu de bruit, mais disposent d’une faible autonomie et la recharge est longue. « Pour les unités fluviales à piles à combustible, le rendement est plus élevé que pour les moteurs thermiques. Cependant, c’est un marché de niche et nous n’avons pas encore de recul quant à la durabilité », témoigne Walter Lhomme.
Le retrofit : une solution pour limiter les coûts
Désormais, il s’agit de trouver le bon mix énergétique. « Nous avons mené une étude qui a révélé que 37% de l’énergie consommée sur un bateau est utilisée par les moteurs auxiliaires, par les propulseurs d’étrave », détaille Fabien Becquelin, directeur opérationnel chez Norlink. Une piste de travail envisage que ces moteurs auxiliaires, peu puissants et utilisés ponctuellement, puissent fonctionner à l’électrique.
Au-delà des innovations, la notion de coûts a également fait partie des échanges. « En France, les unités fluviales vieillissent très bien. Généralement, elles naviguent durant une soixante d’années. C’est pourquoi, pour limiter les coûts, le retrofit peut s’avérer être une solution », confie Antoine Bouchez, cofondateur de Weenav. Cette start-up, créée il y a trois ans, est spécialisée dans l’intégration de solutions inboard et hors-bord dans le domaine fluvial et maritime. En effet, le coût d’une unité fluviale neuve peut s’élever à cinq millions d’euros. La conversion peut être plus économique, mais peu de sociétés spécialisées dans le retrofit existent en France et aucun chantier n’est capable d’accueillir les bateaux.
Mobiliser l’ensemble de la filière
Désormais, les acteurs de la filière doivent prolonger cette réflexion en partenariat avec les sociétés d’énergie et les ports. « Pour le moment, le Port de Lille n’est pas électrifié. Nous allons investir, mais il faut savoir qu’une borne de recharge coûte entre un et deux millions d’euros. Si demain, toutes les unités fluviales passent à l’électrique, nous ne pourrons pas assumer autant d’investissements », lance Ferenc Szilagyi, directeur de Ports de Lille. Et il faut aussi que les fournisseurs d’énergie soient prêts. « Pour une borne de recharge, il faut 3 000 m2 de panneaux photovoltaïques », complète Esther Pasquier, cheffe de pôle smart grid chez Enedis. Le chemin est encore long pour construire un transport fluvial plus vert.