Genoscreen décortique l’ADN

Discrète sur son activité et pourtant une des rares spécialistes de la molécule d’ADN, Genoscreen fait partie de ces PME régionales que l’on verrait bien évoluer en ETI. Avec pour l’instant une trentaine de salariés, l’entreprise créée par André Tordeux se donne les moyens de ses ambitions.

En Hauts-de-France, Genoscreen a notamment pour clients l'ULCO, auprès de qui elle réalise des analyses d'algues. Crédit photo Bluebudgie
En Hauts-de-France, Genoscreen a notamment pour clients l'ULCO, auprès de qui elle réalise des analyses d'algues. Crédit photo Bluebudgie

Membre du pôle Nutrition Santé Longévité, Genoscreen espère multiplier son chiffre d’affaires par cinq en quatre ans.

Rien ne le prédestinait à créer une entreprise spécialiste de l’ADN. Et pourtant, depuis plus de 15 ans, André Tordeux dirige Genoscreen, localisée à l’Institut Pasteur de Lille. «Créer une entreprise dans un domaine que je ne connais pas est plus stimulant, on prend des risques ! Le milieu spatial m’intéressait aussi, mais il était trop compliqué de créer une entreprise», avoue cet ancien directeur pédagogique à l’EDHEC, d’origine picarde, professeur en gestion et commerce à Lille 1. À l’opposé du domaine spatial, Genoscreen analyse l’ADN et ses caractéristiques. Société de services et d’innovation, spécialisée en génomique et bio-informatique, la PME explore l’ADN pour rechercher une pathologie ou une information exploitée par un industriel. «L’information génétique identifie et trace le vivant et les micro-organismes. On peut identifier l’agent bactérien et ses caractéristiques», détaille André Tordeux. Que ce soit pour de grands noms de la cosmétique, des industries agroalimentaires, des entreprises du milieu de l’environnement, des laboratoires ou encore des start-up, Genoscreen analyse l’invisible en travaillant sur des génomes de toutes origines (homme, animaux, plantes et micro-organismes). Disparition des espèces, évolution des abeilles, recherche de la richesse bactériologique d’un sol, quelle alimentation pour favoriser le microbiote des animaux… la PME propose du service, de l’expertise et de la vente de produits. Au départ à destination des chercheurs académiques, Genoscreen s’est rapidement tournée vers les chercheurs d’entreprise et les industriels. «Les besoins ont changé, ils veulent qu’on leur donne les moyens d’offrir de la sécurité à leurs clients. C’est un peu comme si nous faisions de la cuisine sans rien voir. L’information extraite est digitale, on la transforme en data pour en tirer une conclusion. La R&D est donc primordiale, car nous devons toujours nous mettre sur la nouvelle vague. La prochaine ? Que le client soit autonome et puisse aller chercher lui-même ses informations sur le cloud.» Un travail de traitement de données qui devient l’essentiel de l’activité de Genoscreen dont le dernier chiffre d’affaires s’élève à 2,3 millions d’euros  − en croissance de 20% par an −, dont 35% à l’export (présence auprès de 50 pays avec la moitié hors Europe). L’objectif affiché est ambitieux : entre 60 et 70 pays à courte échéance pour atteindre plus de 70% du chiffre d’affaires à l’export.

«L’information extraite est digitale, on la transforme en data pour en tirer une conclusion»

Quatre ans de travail pour la sortie d’un nouvel outil

Il aura fallu débourser deux millions d’euros (dont 50% de subventions européennes) et près de quatre années de travail pour que Deeplex®, un kit de détection des résistances aux antibiotiques des bactéries responsables de la tuberculose, voie le jour. «Ce sont des accélérateurs puissants pour des entreprises de petite taille comme nous», poursuit André Tordeux. Genoscreen est d’ailleurs leader mondial sur la traçabilité de la tuberculose avec une centaine de recherches de référence dans le monde. À destination de la recherche médicale, des hôpitaux, des cliniques ou des laboratoires d’analyse médicale partout dans le monde, le Deeplex® permettra au clinicien de savoir quel antibiotique prescrire.

En Hauts-de-France, Genoscreen a notamment pour clients l’ULCO, auprès de qui elle réalise des analyses d’algues. ©Bluebudgie

Bientôt une levée de fonds ?

«C’est un travail rempli de sens. Mais pour l’instant pas extrêmement rentable ! Nous pouvons continuer à nous développer sans lever beaucoup de fonds, mais il est temps de trouver des ressources pour nous développer», concède André Tordeux qui espère, d’ici six mois, lever 3 millions d’euros pour notamment investir de nouveaux locaux et étoffer l’équipe d’encadrement. Un tiers des salariés sont aujourd’hui des ingénieurs de recherche. «Nous devrions rapidement atteindre les 50 personnes.» Si l’équipe devrait bientôt quitter bientôt ses bureaux actuels, ce ne serait pas pour aller bien loin puisque l’Institut Pasteur de Lille lui a proposé de s’installer sur un étage complet, dans un ancien bâtiment bientôt réhabilité, juste en face de la gare Saint-Sauveur. «Nous avons créé les fondations et au fur et à mesure l’entreprise se construit. Aller plus vite serait risqué car il faut financer la recherche. Genoscreen ne se résume pas qu’à de l’innovation.» Sans aucun doute, c’est aussi de la sérénité qu’André Tordeux a instillée dans le management de cette PME vouée à poursuivre sur sa belle lancée.

«Il est temps de trouver des ressources pour nous développer»