Entreprises
Ralentissement sur les investissements des ETI
Une enquête du Mouvement des Entreprises de Taille Intermédiaire (METI) met en avant le coup de frein des dirigeants d’ETI en matière de projets d’investissements et de création d’emplois, relativement aux incertitudes politique et budgétaire. Un contexte national qui impacte le local, avec des conséquences systémiques dont on ne mesure pas encore l’ampleur. Décryptage.
La France est à présent dotée d’un gouvernement, sous la direction du Premier ministre, Michel Barnier. Le débat sur le budget pour 2025 bat son plein depuis plusieurs semaines, alors que le calendrier va s’accélérer avec l’examen au Parlement. Dans ce contexte, et alors que l’environnement économique international, européen et français se tend, les critiques portées contre les «aides aux entreprises» et les appels à augmenter les prélèvements obligatoires ne sont pas de nature à libérer l’investissement et la création d’emplois au sein des ETI. Une entreprise de taille intermédiaire emploie entre 250 et 4 999 salariés, et génère soit un chiffre d'affaires égal ou inférieur à 1,5 Md€, soit un total de bilan n’excédant pas 2 Mds€. Née en août 2008 avec la loi de modernisation de l'économie, cette catégorie d’entreprises constitue un statut intermédiaire entre les petites et moyennes entreprises (PME) et les grandes entreprises. Une entreprise qui a moins de 250 salariés, mais plus de 50 M€ de chiffre d'affaires et plus de 43 M€ de total de bilan est aussi considérée comme une ETI. Lesquelles expriment leurs doutes en ce début d’automne. Ce d’autant plus que les prélèvements sur la production et le travail en France restent considérablement supérieurs à ce qui se pratique en moyenne en Europe.
Des perspectives inquiétantes
Le METI a renouvelé, en cette rentrée de septembre, le monitoring de l’activité des ETI lancé à la suite de la dissolution de l’Assemblée nationale. On rappellera ces données sur les ETI en France. Elles sont au nombre de 5 500 (380 en région Grand Est), emploient plus de 3 millions de salariés (soit 25 % du total des salariés, 22 % en Moselle). Les intentions des dirigeants en termes d’investissements et de créations d’emplois ont été tout particulièrement sondées. Les résultats sont sans appel : l’impact de l’incertitude qui s’est installée depuis le début de l’été a affecté négativement l’activité de 2/3 des ETI et la grande majorité ne sont toujours pas en mesure de confirmer tout ou partie de leurs projets en France pour 2024. Qu’il s’agisse d’investissements ou de créations d’emplois, moins d’1 ETI sur 5 pense pouvoir être en mesure de les maintenir quoi qu’il advienne. 1 ETI sur 3 a suspendu ses investissements (en tout ou partie), plus de 37 % les ont revus à la baisse, 1 sur 5 en a réorienté vers d’autres pays. La tendance est identique en matière d’emplois : plus d’1 ETI sur 4 a suspendu tout ou partie des créations prévues en France en 2024, 4 sur 10 ont revu leur nombre à la baisse et 17 % en ont réorienté vers d’autres pays. Si ces chiffres sont moins catastrophiques qu’en juillet, ils demeurent très préoccupants pour les perspectives de croissance des ETI et du pays.
Ligne économique pro-compétitivité
Lancé le jour-même de la nomination du nouveau Premier ministre, ce monitoring traduit combien l’inquiétude des dirigeants d’ETI reste élevée : non seulement sous l’effet du flou persistant concernant la ligne économique et les arbitrages budgétaires, mais aussi en raison de la teneur du débat public sur les enjeux budgétaires, avec la menace de remettre en cause la politique «procompétitivité» poursuivie depuis plus d’une décennie et d’engager des hausses de prélèvements obligatoires sur les entreprises qui «produisent, travaillent et s’engagent en France.» Les décisions des dirigeants d’ETI sont comme paralysées dans ce contexte inédit. Les ETI attendent par conséquent du nouveau gouvernement «qu’il prenne en compte l’écart de compétitivité de la production en France ainsi que l’environnement économique plus difficile.» Elles l’appellent «à prendre le parti de l’activité, condition sine qua non de la prospérité, en confirmant la ligne économique pro-compétitivité qui est la seule à avoir produit des effets bénéfiques pour le pays : baisse inédite du chômage, hausse inédite des investissements des entreprises, notamment dans leur modernisation et leur transformation vers plus de durabilité, inversion du processus de désindustrialisation et amélioration des recettes fiscales issues des entreprises (impôt sur les sociétés et taxes de production).» Face à une conjoncture économique mondiale compliquée, une concurrence exacerbée, une scène géopolitique agitée, les ETI parlent de concert : «tout changement de cap porterait un coup d’arrêt à la reconstitution du Mittelstand français.»
30 %
C'est le taux d'ETI qui a suspendu ses investissements (tout ou partie) en 2024.