Gaspillage alimentaire : de nouvelles mesures visent les supermarchés

Gaspillage alimentaire : de nouvelles mesures visent les supermarchés

La loi relative au gaspillage alimentaire contraint désormais les supermarchés de plus de 400 m² à faire don de leurs invendus à des associations caritatives. Une mesure dont les effets peuvent se révéler mitigés sur le terrain.

En août dernier, l’ensemble des représentants de la grande distribution se sont engagés au ministère de l’Écologie à mieux lutter contre le gaspillage alimentaire. Une initiative saluée, mais qui n’a pas empêché quelques mois plus tard, Arash Derambarsh, élu de Courbevoie (Hauts-de-Seine) de lancer une pétition intitulée “Stop au gâchis alimentaire en France”. Parallèlement, le député Guillaume Garota portait à l’Assemblée une proposition de loi sur le même sujet. Celle-ci, définitivement adoptée par Sénat en février 2015 prévoit notamment la généralisation des conventions de dons pour les supermarchés et l’interdiction des destructions des denrées alimentaires. Problème, d’après la mission parlementaire qui a précédé le vote de la loi, les grandes surfaces ne représentent qu’entre 7 et 13% du gaspillage, contre 40% environ pour les ménages et 20% pour la restauration.

Pas de grands changements Difficile de trouver dans la Somme un supermarché, même de petite taille, qui n’a jamais établi de convention avec une association afin de limiter la destruction des invendus. Et lorsque l’on croise un responsable de magasin récalcitrant celui-ci pointe « un manque de temps » provoqué par le « peu de personnel» employé sur le site. Àl’évocation du nouveau texte de loi, il reconnaît simplement qu’il faudra s’adapter. Chez Auchan à Dury, cette nouvelle loi ne va, au contraire, rien changer. « Cela fait des années que nous avons établi des conventions avec des associations », explique Véronique Clech, responsable logistique. « C’est à mon sens une question de volonté, mais il est vrai que cette démarche demande du temps et une certaine organisation, ce n’est pas neutre », ajoute-telle. Actuellement, la grande surface est en lien avec l’Îlot pour les denrées consommables, Emmaüs pour les produits non alimentaires et la SPA pour tout ce qui touche à l’animalerie. Les invendus du drive sont eux remis à la Banque alimentaire. Pour la responsable logistique, la loi n’aura pas d’effets miraculeux et ne réduira pas à zéro le nombre de produits envoyés à la poubelle. « Nous continuerons de toute façon à jeter certains produits à risque ou ceux abandonnés dans les rayons. Lorsque la chaîne du froid est interrompue, l’article est automatiquement jeté, il faut absolument éviter tout risque sanitaire », souligne Véronique Clech, qui rappelle également que les grandes surfaces ne sont pas autorisées à donner des produits sans notices ou endommagés. En 2015 l’enseigne a fait don de 96 tonnes d’alimentaire et trois tonnes de non alimentaire, pour un total de 395 000 euros

Un coût supplémentaire Du côté de la Banque alimentaire de la Somme, qui redistribue des denrées à 62 associations partenaires et dont le président, Christian Becuwe a été auditionné à l’Assemblée par la commission chargée de présenter la loi, on se prépare à rencontrer de nouvelles enseignes. « Aujourd’hui c’est un peu l’inconnu, mais nous avons chargé un bénévole d’une mission de prospection pour les grandes et moyennes surfaces », précise Christian Becuwe dont la structure, qui compte 24 bénévoles et huit salariés, a noué des conventions avec une dizaine d’enseignes. « Globalement, la règlementation votée va poser quelques problèmes », reconnaît-il. En effet, les associations qui viennent collecter les denrées alimentaires chaque jour sont dans l’obligation de posséder un moyen de transport réfrigéré et de stocker les produits frais dans des chambres froides. L’augmentation du nombre de provisions entraînera mécaniquement un besoin supplémentaire de matériel mais aussi l’élargissement des heures d’ouverture de la Banque alimentaire, qui fonctionne pour l’instant uniquement le matin. « Entre le camion frigorifique, les bacs de conservation et la chambre froide positive supplémentaire, nous aurions besoin de 80 000 à 90 000 euros, note Christian Becuwe. Il faudra nécessairement faire appel à du mécénat », conclut-il.

Diane LA PHUNG